La scène se passe le 6 octobre dernier. Les polices chinoises et birmanes décident de faire une descente dans le petit hôtel d’une ville frontalière. Ils y arrêtent le jeune fils d’un couple bien connu de militants des droits de l’homme; les deux amis qui voyagent avec le jeune homme montent eux aussi dans les voitures des policiers.
Bao Zhuoxuan n’est pourtant qu’un jeune homme de 16 ans comme les autres. Son principal tord est d’être le fils d’un couple de dissidents chinois. Désormais, Bao Zhuoxuan est assigné à domicile dans la maison de sa grand-mère en Mongolie intérieure. Il y est retenu comme otage, pendant que ces parents languissent en détention provisoire, en attente d’un jugement.
Cet incident a fortement attiré l’œil de la communauté internationale, notamment parce que l’enfant n’a pas commis d’autre crime que d’être le fils de deux activistes, qui se trouvent être dans la ligne de mire du Parti communiste.
Cet épisode a aussi été l’occasion de mettre en lumière l’utilisation de la technique de « punition collective » dans la Chine contemporaine. La persécution des membres de la famille est devenue une arme bien rodée dans l’arsenal utilisé par le régime communiste contre les Chinois allant à l’encontre de l’ordre établi. L’histoire fait remonter cette technique aux temps anciens. Laissée de côté pendant quelques temps, elle fut dépoussiérée et rétablie par les communistes avant même leur prise du pouvoir. Depuis sa sombre renaissance, la méthode a fait ses preuves ; mais c’est surtout depuis la dernière décennie que celle-ci est largement pratiquée par les autorités.
Les sombres pratiques deviennent la norme
D’après plusieurs histoires des années 30 et 40, avant de prendre le pouvoir, le Parti était connu pour enterrer des familles entières vivantes, s’il était avéré que celles-ci avaient commis un délit s’opposant à la révolution.
Après être arrivé au pouvoir en Chine en 1949, le Parti communiste a presque fait de la punition collective la norme. De soit-disant propriétaires terriens ont souvent été éliminés de cette façon à la fin des années 50, tout comme l’étaient les enfants des intellectuels, enlevés de force à leurs familles, pour être conduits aux champs afin d’y effectuer des travaux forcés.
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Pendant la Révolution culturelle, pas même les proches du Parti communiste n’étaient épargnés. Après que Xi Zhongxun, un leader révolutionnaire, ait été purgé, son fils, Xi Jinping, alors adolescent, a été contraint à tenir le rôle de travailleur agricole dans la province de Shaanxi, au Nord de la Chine.
Aujourd’hui, les médias d’État chinois utilisent les six années de dur labeur de Xi Jinping comme un élément contribuant à donner à l’actuel dirigeant du Parti communiste l’image d’un homme du peuple, et apparemment sans une once d’ironie vis-à-vis du fait que cette punition n’avait d’autre fondement que l’identité de son père.
« Férocement répandue »
Zhang Tianliang est le présentateur de séries populaires explorant l’histoire de la Chine pré-impériale sur New Tang Dinasty Television. D’après lui, le Parti a » hérité de la pratique des légistes « , la » punition collective « . Depuis la dynastie Qin (221 à 206 avant J.C.), les familles entières d’un criminel jugé coupable d’une offense capitale était exécutée en même temps que le prévenu. Les punitions collectives sont restées dans les livres de droit jusque 1905, où les réformateurs de la dynastie Qing ont arrêté ces pratiques afin de faciliter l’intégration de la Chine au sein des normes internationales.
Mais le Parti a pris la « punition collective, une sombre pratique des temps anciens, et l’a férocement répandue » a expliqué Zhang Tianliang à Epoch Times au téléphone. « Désormais, même les collègues de travail peuvent être impliqués », poursuit-il.
Faire taire les avocats
Le traitement des avocats des droits de l’homme, au cours de la répression de masse commencée en juillet dernier, arbore de nombreuses similarités avec la période de la Révolution culturelle, explique Teng Biao, un collaborateur émérite à l’école de droits de Harvard, au cours d’une interview téléphonique avec Epoch Times.
Le régime communiste a pris pour cible les avocats des droits de l’homme parce que le fait qu’ils représentent des populations marginalisées de la société chinoise – activistes, dissidents, groupes religieux persécutés – est vu comme une opposition au règne absolu du Parti. Récemment, c’est plus de 290 avocats qui ont été interrogés ou détenus lors de la dernière vague de répression, d’après le groupe chinois de défense des intérêts des avocats des droits de l’Homme China Human Rights Lawyers Concern Group, basé à Hong Kong.
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Pour « intimider et punir » les avocats des droits de l’homme, le régime chinois n’a pas hésité à avoir recours à diverses méthodes – enlèvement, assignation à domicile, prison – et à « étendre ces méthodes aux membres de leurs familles », explique l’analyste.
La persécution de l’avocate des droit de l’Homme Wang Yu et de sa famille est représentative : le 9 juillet, la police s’introduit dans sa maison à Beijing puis la kidnappe. Son mari et son fils, Bao Longjun et Bao Zhuoxuan, sont alors arrêtés à l’aéroport de Beijing, alors que le jeune Bao était sensé partir continuer ses études dans un lycée en Australie.
Wang Yu et Bao Longjun sont actuellement maintenus en détention et sans contact avec le monde extérieur. Le passeport de Bao Zhuoxuan a été confisqué.
Le Parti puni les avocats et leur familles avec plus de sévérité.
Gao Zhisheng, un avocat des droits de l’Homme surnommé la « conscience de la Chine », a été sévèrement battu pour avoir défendu des pratiquants de Falun Gong, une discipline spirituelle persécutée, et pour avoir envoyé deux lettres ouvertes au dirigeant du Parti de l’époque, Hu Jintao.
Des nuées de policiers en civil ont d’abord commencé à le surveiller lui, ainsi que sa femme et ses deux enfants, 24h/24. Par peur pour le bien-être de leurs deux enfants, Geng He, la femme de Gao, s’est envolée avec eux pour New York en 2009. La famille de Gao réside désormais dans la baie de San Francisco.
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Entre 2006 et 2014, Gao Zhisheng a passé la majeure partie de son temps en prison, où il a été maltraité sans merci. Dans une vidéo parue en septembre dernier, l’avocat a montré ses dents manquantes, et a décrit une forme particulièrement vicieuse de passage à tabac, qui a épuisé ses tortionnaires. Il est actuellement assigné à résidence dans la province du nord de la Chine de Shaanxi.
« Traumatisme psychique extrême »
Le dur traitement de Gao Zhisheng, de Wang Yu et des autres avocats des droits de l’Homme montre à quel point l’utilisation des punitions collectives a été étendue sous la botte communiste. Ces avocats se sont attirés les foudres des autorités quand ils ont commencé à fournir une assistance légale aux pratiquants de Falun Gong – méthode spirituelle basée sur la cultivation de l’authenticité, de la compassion et de la tolérance – l’un des groupes les plus sévèrement persécuté en Chine aujourd’hui.
Et la punition collective a été plus que largement utilisée dans la persécution de ce groupe. D’après les estimations officielles, on comptait 70 millions de pratiquants de Falun Gong en Chine en 1999. Depuis le début de leur persécution, ils ont été l’objet d’une tentative d’éradication digne de ce qui se passait pendant la révolution culturelle. L’utilisation de leur famille a été un point clef.
Systématiquement, le Parti considérait que les membres de la famille devaient eux aussi être punis. Mais ils étaient aussi enrôlés par le Parti dans ses campagnes de « transformation » des pratiquants de Falun Gong. Ces campagnes avaient pour but de les faire renoncer à pratiquer leur méthode tout en prêtant allégeance au Parti communiste.
Cette politique de » coupable par association » empêchait par exemple les enfants ayants des parents pratiquant d’accéder à l’Université ; certains étaient tout bonnement exclus de leurs écoles et du système scolaire. Les époux/épouses pouvaient également perdre leur travail et se retrouver sans ressources.
Le cas de Mme Chen Hong, rapporté par Minghui.org, site centralisant des informations sur le Falun Gong est assez évocateur : cette pratiquante de Falun Gong s’est échappée du poste de police où elle était arrêtée en 2013. Le 27 septembre de cette même année, huit policiers en civil ont fait irruption dans le domicile de la famille de Hong, alors que celle-ci était absente.
Les policiers ont par la suite menacé le mari et le fils de représailles s’ils ne faisaient pas revenir Mme Chen ; et leur ont assuré que rien n’arriverait si celle-ci était retrouvée. Le fils de Mme Chen a enregistré leur conversation sur son téléphone portable. Le mari de Mme Chen a téléphoné à son épouse et lui a dit qu’il divorcerait si elle ne revenait pas chez elle. Mais à son retour, celle-ci fut immédiatement arrêtée.La police a de nouveau mis à sac le domicile familial, confisquant au passage le téléphone du fils de Mme Chen.
Plus tard, le mari de Mme Chen a exigé sa libération par les forces de police, mais sans réponse. D’après le site Minghui.org, de nombreux pratiquants de Falun Gong préfèrent, face à ce type de menace, disparaître et mener une vie de sans abris.
Frank Fang a contribué à ce rapport.
Article original : With persecution of families Communist Party expands ancient punishment
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