« Hausse inédite » du budget, recrutements « massifs » : le Sénat se penche à partir de mardi, avant l’Assemblée nationale, sur le projet de loi pour une justice « plus rapide » porté par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti.
Le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 est accompagné d’un projet de loi organique relatif à « l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire ». Le Sénat se prononcera sur ces deux textes assez techniques lors de votes solennels le mardi 13 juin. « La justice, c’est d’abord des moyens, eu égard au constat de délabrement qui a été dressé par le comité des États généraux », a déclaré le ministre lors de son audition au Sénat.
L’article 1er du projet de loi ambitionne ainsi de faire passer le budget du ministère de la Justice de 9,6 milliards d’euros en 2023 à près de 11 milliards d’ici quatre ans. Il entérine également l’embauche de 10.000 personnes, dont 1500 magistrats. L’effort budgétaire et les recrutements supplémentaires ont été salués par les magistrats, qui restent cependant dubitatifs quant à la promesse d’une amélioration rapide des délais de traitement des dossiers.
Création de postes et nouveaux profils
Si les textes « vont dans le sens d’une amélioration du fonctionnement de l’institution judiciaire », selon les rapporteuses Agnès Canayer (LR) et Dominique Vérien (centriste), les sénateurs restent eux aussi sur leur faim. Agnès Canayer a déploré auprès de l’AFP « une reprise pas toujours fidèle et pas complète » des conclusions des États généraux de la justice. En commission, les sénateurs ont adopté un amendement des rapporteuses portant de 1500 à 1800 le nombre de nouveaux greffiers et prévoyant la création de 600 postes de conseillers pénitentiaires de probation et d’insertion (CPIP).
Les voies d’accès à la magistrature seront réformées et ouvertes à de nouveaux profils. La réforme prévoit par ailleurs la création d’une nouvelle fonction, celle d’« attachés de justice », qui se substitueront aux actuels « juristes assistants ». Le garde des Sceaux a souligné que le texte entérine « d’importantes revalorisations et notamment une hausse de 1000 euros mensuels pour les magistrats, qui sera effective dès l’automne ».
Lutte contre les violences intra-familiales
Les sénateurs ont « pris acte » en commission des orientations évoquées dans le rapport annexé au projet de loi, et accepté qu’il soit complété par un amendement du gouvernement pour institutionnaliser dans les tribunaux des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intra-familiales. C’est une recommandation majeure du rapport parlementaire sur les violences conjugales remis le 22 mai au ministre par Mme Vérien et la députée Émilie Chandler (Renaissance).
Toujours vigilants lorsqu’il s’agit d’autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance, les sénateurs ont posé leurs conditions à la demande d’habilitation à « clarifier » par cette voie la rédaction du code de procédure pénale. Ils ont prévu un délai d’un an entre la publication de l’ordonnance et son entrée en vigueur, afin de laisser une marge de manœuvre au Parlement. « La volonté d’une véritable simplification du code de procédure n’apparaît nulle part », a regretté Mme Canayer.
La commission des Lois du Sénat a accueilli « favorablement » certaines mesures de modernisation de l’institution judiciaire, « bien que de portée souvent technique ». C’est en particulier le cas de l’expérimentation de tribunaux des activités économiques, aux compétences élargies par rapport aux tribunaux de commerce. Ou du renforcement de la responsabilité des magistrats. À gauche, la socialiste Laurence Harribey pointe « un texte lacunaire », déplorant l’absence de la question de la surpopulation carcérale, alors que le nombre de détenus a atteint un nouveau record historique au 1er mai, avec 73.162 personnes incarcérées.
Les États généraux avaient suggéré de fixer pour chaque établissement un seuil de « suroccupation majeure », au-delà duquel pourraient être envisagées des mesures de régulation de la population carcérale. Le ministre préfère rappeler le « cap » fixé par le gouvernement de construire 15.000 places de prison supplémentaires d’ici 2027.
L’association La Quadrature du Net s’inquiète de son côté d’une disposition permettant aux enquêteurs judiciaires d’activer à distance les appareils électroniques d’une personne à son insu. Cette possibilité est toutefois limitée aux crimes et délits passibles de plus de cinq ans d’emprisonnement.
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