ARTS ET CULTURE

La rose romantique

À travers les âges, les roses ont été offertes en signe d'amour, notamment à l'occasion de la Saint-Valentin
février 14, 2024 15:48, Last Updated: février 14, 2024 15:48
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Le lien emblématique et durable entre la romance et les roses se retrouve à travers les âges, ce qui en fait la fleur emblématique de la Saint-Valentin.

L’amour des roses par les hommes a une histoire riche qui traverse les continents et les siècles, remontant au moins à 3000 ans av. J.-C., date à laquelle elles ont peut-être été cultivées pour la première fois en Chine. Les Chinois vénéraient les roses. Confucius disait que l’empereur avait une bibliothèque de 600 livres sur le sujet.

Les Grecs de l’Antiquité appréciaient également ces plantes, un écrivain les qualifiant de « reine des fleurs », ce qui est devenu un sobriquet éternel. Les roses figurent souvent dans les œuvres du naturaliste romain Pline l’Ancien. Ses concitoyens se délectaient de parfum et d’eau de rose, et il y avait même une fête annuelle des roses à Rome.

La Vierge adorant l’enfant endormi, vers 1485, par Sandro Botticelli. Tempera et or sur toile ; 121 cm par 79 cm. National Galleries of Scotland, Édimbourg. (Domaine public)

Dans le christianisme, les roses sont les attributs de Marie, tout comme les jardins clos. La rose est également associée à Jésus. La célèbre série de conflits entre les Maisons de Lancaster et d’York en Angleterre, au XVe siècle, est connue sous le nom de Wars of the Roses (Guerre des roses). L’une des maisons avait pour emblème une rose rouge, l’autre une rose blanche.

Au fil des millénaires, les roses ont été de puissants symboles de la religion, de la politique et de l’amour, qui se reflètent tous dans l’art occidental.

Guirlande de roses

Fragment de fresque avec quatre Cupidons suspendant des guirlandes, 50 à 79 apr. J.-C., par un artiste inconnu. Fresque ; 36 cm par 46 cm par 3 cm. Villa Getty, Los Angeles. (Domaine public)

Dans Rosa : l’histoire de la rose par les rhodologues Peter E. Kukielski et Charles Phillips, les auteurs décrivent la prédominance des roses dans la société romaine. Elles étaient abondamment cultivées dans les jardins d’agrément et les jardins commerciaux, servant à parfumer ces derniers, et représentées dans les fresques décoratives (un moyen d’expression consistant à appliquer des pigments sur du plâtre humide). À la villa Getty de Los Angeles, le Fragment de fresque avec quatre Cupidons suspendant des guirlandes (datant de 50 à 79 apr. J.-C.) est une charmante scène de Cupidon et Psyché, un thème populaire dans l’art de cette période.

Bien qu’elles ne soient pas identifiables, les fleurs de cette scène pourraient être des roses. Dans la Grèce et la Rome antiques, les roses étaient associées à Aphrodite (Vénus) et à son fils Éros (Cupidon), à la fois déesse et dieu de l’amour. Les spécialistes savent que ce fragment de fresque faisait autrefois partie d’un tableau plus vaste de murs décorés dans une maison cossue.

Gros plan des Cupidons du Fragment de fresque avec quatre Cupidons suspendant des guirlandes, 50 à 79 apr. J.-C., d’un artiste inconnu. (Domaine public)

Le fond plat est peint en noir. Cette couleur provient du carbone, qui serait issu de la combustion de broussailles ou de copeaux de pin. Le rouge de la fresque provient de l’ocre rouge, du cinabre ou du chauffage du plomb blanc.

Le Roman de la Rose

Au Moyen Âge, l’une des œuvres littéraires profanes les plus influentes était Le Roman de la Rose. Ce poème populaire en vieux français du XIIIe siècle a été écrit en deux parties par deux auteurs. Il s’agit d’une histoire allégorique qui aborde des thèmes tels que l’amour et la recherche. L’intrigue tourne autour d’un jeune homme et de son amour pour une belle fleur, une rose représentant l’amour romantique, gardée captive dans un jardin clos.

Une page du Roman de la Rose, vers 1390, par Guillaume de Lorris et Jean de Maeun. Encre et couleur sur parchemin ; 28 cm par 24 cm. Bibliothèque nationale de Pologne, Varsovie. (Domaine public)

Le Roman de la Rose a été partiellement traduit en moyen anglais par Geoffrey Chaucer et appelé The Romaunt of the Rose. Ces œuvres d’amour courtois ont été interprétées par des artistes en arts visuels tout au long des siècles et ont été particulièrement appréciées par les préraphaélites, passionnés de médiévalisme, de mythologie et de littérature.

John William Waterhouse (1849-1917) est un artiste important associé au préraphaélisme tardif, puisqu’il est né juste après la formation du mouvement artistique original en Angleterre. Son œuvre est particulièrement connue pour l’utilisation de la littérature romantique comme muse. L’âme de la rose est une peinture tardive de Waterhouse qui se trouve actuellement dans une collection privée ; son titre est librement inspiré du The Romaunt of the Rose. Il s’agit de l’une des œuvres les plus populaires de Waterhouse, qui illustre son intérêt pour la représentation de belles femmes dans des vêtements et des décors historiques, avec une tonalité médiévale particulièrement somptueuse.

L’âme de la rose, 1908, par John William Waterhouse. Huile sur toile ; 87 cm par 59 cm. Collection privée. (Domaine public)

L’âme de la rose a été peinte à l’apogée des prouesses créatives de Waterhouse. Datée de 1908, cette année marque le début d’un cycle de six ans d’œuvres connues sous le nom de « peintures de femmes-fleurs ». Ce tableau lumineux, d’un romantisme classique, montre un modèle vêtu d’une luxueuse robe de brocart. Ses joues roses sont assorties à la rose qu’elle tient délicatement à la main, et ses cheveux roux complètent le tableau. La tête de la femme est inclinée à un degré qui revient dans toute l’œuvre de Waterhouse, alors qu’elle sent la fleur parfumée.

Le bâtiment à l’arrière-plan est illustré avec peu de profondeur de ton, ce qui permet de concentrer l’attention du spectateur sur la femme et les roses du jardin clos. Les spécialistes notent que ce décor rappelle les jardins toscans dans les œuvres d’artistes italiens du XIVe siècle comme Fra Angelico.

Lorsque L’âme de la rose a été vendue chez Christie’s en 2019 pour plus de 4 millions d’euros, le catalogue expliquait : « Le paradoxe du jardin cloîtré – quelque chose d’abondant mais enfermé – convient bien au thème de Waterhouse. Le parfum de la rose agit comme un agent enivrant, emblématique de l’intensité de l’amour. »

La rose française

Portrait de Madame de Pompadour, 1756, par François Boucher. Huile sur toile ; 211 cm par 163.8 cm. Alte Pinakothek, Munich. (Domaine public)

Au XVIIIe siècle, les roses ont commencé à être sérieusement cultivées dans toute l’Europe, en particulier en France. La rose prolifère dans les jardins, dans les décors, dans l’ornementation des meubles et dans la mode. L’exposition « Ravishing: The Rose in Fashion » (Ravissante : la rose dans la mode) a exploré le symbolisme et le mythe de la fleur dans l’ornementation des vêtements. L’exposition complète de 2021 a été présentée au musée du Fashion Institute of Technology à New York. Le portrait de Madame de Pompadour réalisé par François Boucher en 1756 en est un premier exemple : elle porte une robe de taffetas de soie verte ornée de guirlandes de roses. L’impératrice Joséphine, qui a rassemblé la plus grande collection de roses de son époque et amplifié l’intérêt de la société pour les roses, est sans doute celle qui a exercé la plus grande influence sur les roses en Europe.

L’une des histoires d’amour les plus légendaires de l’histoire est celle du couple formé par l’empereur Napoléon Ier et sa première épouse, Joséphine, à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. La botanique a joué un rôle prépondérant dans cette histoire d’amour. Joséphine était une amoureuse sérieuse et passionnée des plantes, à la limite de l’obsession. Dans sa demeure, le château de Malmaison, l’impératrice crée une célèbre roseraie. Elle entendait y collectionner toutes les espèces connues de roses, sa fleur préférée.

Le jardinier Monty Don, dans l’épisode « Gardens of Power and Passion » de sa série télévisée French Gardens, visite Malmaison et raconte comment Napoléon aurait demandé à ses généraux de rapporter des plantes pour Joséphine, quel que soit l’endroit où ils se trouvaient dans le monde. Il ajoute que « toutes les forces de l’Empire français étaient mobilisées pour cette quête ». Même pendant les guerres napoléoniennes, les navires des pays ennemis transportant des spécimens pour Joséphine bénéficiaient d’un libre passage.

Joséphine confie à l’artiste Pierre-Joseph Redouté, peintre, aquarelliste et graveur, le soin d’enregistrer ses roses de Malmaison. L’ouvrage qui en résulte, Les Roses (1817-24), est un livre en trois volumes publié en 30 fois avec 170 planches coloriées à la main. Ce livre contient certaines des plus belles images botaniques jamais créées, immortalisant à la fois les roses et leur propriétaire.

Le Raphaël des fleurs

Deux planches coloriées à la main : Les roses : rose de Chine ou du Bengale (à gauche) et Rosa Centifolia Anglica Rubra, 1817-1824, par Henry Joseph Redouté dans « Les Roses ». Musée d’art de Cleveland. (Domaine public)

Henri Joseph Redouté (1759-1840), né dans l’actuelle Belgique, est connu comme le « Raphaël des fleurs ». Sa première grande mécène fut la reine Marie-Antoinette. Après la Révolution française, il devient l’artiste officiel de l’impératrice Joséphine. En tant qu’illustrateur botanique, ses dessins et aquarelles de plantes, précis et artistiques, ont été largement diffusés à l’échelle internationale par le biais de l’imprimerie. Il reste l’artiste le plus connu dans son domaine, les roses royales étant considérées comme sa quintessence.

Les gravures du livre Les Roses sont des portraits de fleurs classiques, sans arrière-plan ni décor. Ce minimalisme concentre l’attention du spectateur sur les détails des fleurs elles-mêmes ; leurs formes sont modelées de façon spectaculaire par l’utilisation géniale des tons et des teintes par Redouté. Redouté a perfectionné la technique complexe de la gravure au pointillé, utilisée dans Les Roses. Cette technique est particulièrement propice à la création de détails botaniques délicats. En gravant une plaque de cuivre avec une grille de points et de mouchetures au lieu de lignes, la « lumière » du papier sous la couleur n’est pas obscurcie.

Ces œuvres d’art variées soulignent l’attrait durable de la rose en tant qu’expression de l’amour, de la beauté, de la dévotion et de la romance. Sa préservation sur différents supports nous procure un plaisir éternel.

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