La Seine était-elle vraiment baignable pour les compétitions olympiques ?

Par Ludovic Genin
8 août 2024 10:27 Mis à jour: 9 août 2024 06:06

Après l’annulation d’un entraînement dans la Seine le 6 août, les organisateurs ont annoncé que celui prévu le lendemain pour les nageurs en eau libre pouvait se tenir car « les tests de qualité de l’eau avaient été jugés conformes », selon un communiqué.

La fédération internationale de natation avait décidé d’annuler la séance d’entraînement la veille en raison de taux d’entérocoques qui étaient au-dessus des seuils. Ce taux de bactéries fécales, avec celui d’E.Coli, est particulièrement surveillé.

Depuis le début de la compétition, en raison de pluie et d’orages, en particulier les trombes d’eau tombées le 26 juillet au cours de la cérémonie d’ouverture des JO, cinq entraînements ont été annulés et une épreuve reportée d’une journée.

La qualité de l’eau de la Seine en question

Les compétitions olympiques dans la Seine devaient être le prélude à la baignade des Parisiens promise à l’été 2025 par la maire PS de Paris Anne Hidalgo. Mais la Seine, star de ces JO, a été régulièrement impropre à la baignade depuis les débuts de la compétition. Seuls deux jours sur les huit où les athlètes devaient y plonger, en entraînement ou en compétition, ont été ouverts à la baignade.

Pour autoriser la baignade, un feu vert doit être donné par les fédérations sportives internationales en s’appuyant sur des analyses bactériologiques (Escherichia Coli et entérocoques), généralement réalisées 24h avant, mais aussi sur la météo.

La décision est théoriquement prise dans la nuit quelques heures avant l’entraînement ou la compétition, lors d’une réunion réunissant le comité d’organisation, la fédération et ses médecins, Météo-France, la mairie de Paris et la préfecture de la région Ile-de-France.

Pour expliquer l’annulation de l’entraînement du 6 août, le Comité d’organisation des Jeux Olympiques (Cojo) et la Fédération internationale de natation (World Aquatics) ont invoqué leur « extrême prudence ». Ils ont expliqué s’être appuyés pour cette annulation sur des résultats de prélèvements insatisfaisants sur des échantillons récoltés le 4 août à la mi-journée. Or entre temps, le 5, les épreuves de natation du relais mixte de triathlon s’y sont bel et bien tenues. Mais le Cojo assure que les dernières analyses, effectuées le jour de la course, répondaient aux normes – ce qui interroge sur la fluctuation des méthodologies utilisées.

Au-delà de ces analyses, la propreté de la Seine a été l’objet de nombreuses fausses informations sur les réseaux sociaux, notamment un fausse Une de Libération évoquant 25 sportifs malades ou une étude imaginaire montrant que la Seine serait plus sale que le Gange. Il n’en demeure pas moins que l’opération baignade olympique est plus compliquée que prévu, malgré les lourds investissements dédiés à l’assainissement du fleuve.

Entre incertitude et volonté de gagner chez les sportifs

Les triathlètes ont été informés des analyses de l’eau de la Seine avant le relais mixte le 5 août, y compris du dépassement des taux réglementaires sur un des quatre points de test, avait indiqué le Cojo.

« Ces résultats ont été présentés aux athlètes et il n’y a pas eu d’objection pour nager » de leur part, a assuré Anne Descamps, porte-parole du Cojo, lors d’un point-presse. La décision a été prise en raison de « l’amélioration continue de la qualité de l’eau après les fortes pluies dans la région parisienne les 1er et 2 août », de « la météo ensoleillée du 4 août avec de fortes températures ».

La porte-parole du Cojo a également évoqué « les résultats d’analyses du 4 août à 5h30 pris sur les quatre points de collecte compris entre 727 et 1.553 UFC/ml » pour la bactérie E. Coli – la plus problématique. Le seuil réglementaire est fixé à 1.000. Le taux de 1.553 était donc supérieur, mais il ne s’agissait que d’un des quatre points de contrôle et, pour ce point problématique, un second laboratoire a mesuré tous les taux en deçà du seuil, selon le communiqué lu par Anne Descamps.

Plusieurs sportifs ont regretté l’incertitude sur les entraînements et la tenue des compétitions. Le patron du triathlon français, Benjamin Maze avait fait part « d’un petit sentiment de colère » et de « frustration » des sportifs.

Le Comité olympique (COIB) et la fédération belges ont demandé que des « leçons soient tirées » pour les prochains JO, afin que soit assurée une « garantie des jours d’entraînement, des jours de compétition et du format des compétitions » et « qu’il n’y ait pas d’incertitude pour les athlètes ».

Une triathlète belge « malade » après l’épreuve dans la Seine

L’équipe belge a en effet déclaré forfait du relais après qu’une de ses membres, Claire Michel, qui avait participé à l’épreuve féminine de triathlon, est tombée malade à la suite de sa course. Une annonce qui avait relancé les interrogations sur la salubrité de la Seine.

Mais dans un message publié ensuite sur son compte Instagram, la triathlète a fait savoir qu’elle n’avait pas été atteinte d’une pathologie associée à la bactérie E. Coli, après que plusieurs médias en aient pourtant confirmé l’origine. « Je vais progressivement mieux et je suis rentrée chez moi en Belgique », a-t-elle écrit. « Les analyses de sang ont montré que j’avais contracté un virus (pas l’E. Coli). Après trois jours de vomissements et de diarrhées, qui m’ont laissé assez vide, j’ai fini dimanche par avoir besoin de soins médicaux plus importants à la clinique» a partagé la triathlète, afin de clarifier les choses après « beaucoup d’informations contradictoires dans les médias ».

Les autorités sanitaires, elles, n’ont reçu « aucun signalement sanitaire susceptible d’être lié aux épreuves en eaux naturelles », ont-elles indiqué à l’AFP.

Le refus d’un « bilan mitigé »

Les autorités françaises et les organisateurs avaient fait de l’assainissement du fleuve un argument fort, marketing, politique et de communication pour l’obtention et l’organisation des JO. L’État et les collectivités franciliennes ont investi 1,4 milliard d’euros au total pour rendre baignables le fleuve et son principal affluent, la Marne, en vue des JO et pour le grand public ensuite.

Emmanuel Macron avait salué par un message sur le réseau social X, la tenue des épreuves le 31 juillet, un message posté avec des images des triathlètes plongeant dans le fleuve: « Par un investissement massif de l’État, avec Paris et le Val-de-Marne, nous avons réussi en quatre ans l’impossible depuis 100 ans: la Seine est baignable », un « héritage fabuleux » pour les habitants « et la biodiversité ».

Pierre Rabadan, adjoint aux JO de la mairie de Paris, a de son côté réfuté « un bilan mitigé » sur les épreuves olympiques dans la Seine. « On a tenu toutes les épreuves comme on s’y était engagé, on est dans un sport naturel qui évolue dans un milieu naturel », a-t-il souligné.

« Il n’y a pas pour l’instant de lien direct entre la Seine et une quelconque maladie », a-t-il assuré. « Il y a aussi plein d’autres athlètes qui sont malades au village et qui n’ont pas nagé dans la Seine et ça on en parle un peu moins », a-t-il glissé sans plus de précisions.

Outre la sportive belge, plusieurs triathlètes ont fait état de désagréments gastriques, sans établir de lien avec la baignade.

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