Après la monstrueuse décapitation de Samuel Paty, une part grandissante de l’opinion admet enfin qu’il existe un danger islamiste en France, au sein même des communautés musulmanes nées sur le territoire. Un certain angélisme trépasse, qui conduisait beaucoup de Français à taxer d’islamophobie ou d’incitation à la haine de simples avertissements de bon sens. Mais la République en elle-même est-elle encore capable de faire front pour se maintenir face à la menace ? Voici pourquoi nous ne le pensons pas.
On ne redira jamais assez combien la mort de Samuel Paty est monstrueuse. Et je pense ici à son fils qui grandira désormais avec cette blessure béante au coeur – celle d’un père enlevé à sa vie par la haine religieuse, et la complicité d’adolescents guidés par la conviction que le pays qui les accueille, les nourrit, leur offre une école gratuite, des hôpitaux gratuits, un droit protecteur, est en réalité un pays haïssable – bien plus haïssable que le pays que leurs parents ou leurs grands-parents ont fui.
Mais se pose aujourd’hui la question de notre capacité à résister aux agresseurs, et sur ce point, comment ne pas être pessimiste.
Samuel Paty ou l’angélisme islamophile devenu coupable
Jusqu’à la mort de Samuel Paty, en effet, on pouvait encore sans scrupule (et des gens comme Jean-Luc Mélenchon ne s’en sont pas privés) pratiquer l’angélisme, vis-à-vis de l’islamisme, sans le moindre état d’âme. Je ne dirai pas ici les scènes hallucinantes auxquelles j’ai assistées, dans les lieux les plus chics, les plus bourgeois de Paris, ceux où l’on ne croise jamais une femme voilée, mais où il était de bon ton de minorer la menace et d’agrémenter d’un souriant : »ah bon ? vous pensez vraiment ? » toute alerte sur le sujet. Et ce « vous pensez vraiment » voulait dire « vous ne seriez pas un peu proche de Marine Le Pen ? », qui voulait tout dire. C’était le signe d’un bannissement, de la faute de goût qui ne pardonne pas dans les salons.
Cet angélisme bourgeois sera désormais très compliqué à pratiquer. Le spectre de Samuel Paty va désormais rôder sur toutes les bonnes tables parisiennes, et nos élites peineront à nier une évidence tragique qui les a rattrapées.
Les élites françaises face à l’islamisme
Mais c’est bien le problème. Ceux qui sont désormais supposés conduire la guerre contre l’islamisme sont ceux qui l’ont farouchement, haineusement, agressivement nié pendant des décennies, et tout spécialement depuis les terribles attentats de 2015. Malgré l’effusion de sang, ils ont coûte-que-coûte maintenu vivante la fiction selon laquelle il ne fallait pas d’amalgame, c’est-à-dire ne pas établir de lien entre l’Islam et les terroristes. On connaît ici la doctrine du tueur solitaire qui agit seul, dans un moment de folie, et trucide un passant au nom d’Allah dans un simple égarement. Cette fiction-là, qui permettait de faire vivre un autre mythe, celui du Gaulois méprisable parce que d’extrême droite, donc islamophobe, est d’ailleurs encore maintenue vivante contre vents et marées par une partie de la gauche.
Bref, ce sont ces élites-là qui devront mener le combat, le conduire, l’orienter. C’est évidemment perdu d’avance. Ces gens-là, qui se croient très malins et tellement supérieurs aux autres, sont seulement capables de mépriser, mais certainement pas de combattre, ni de diriger. Ils vivent sur le dos de la bête en la haïssant profondément, ils ne la guident pas.
Sans un renouvellement profond de nos élites, il n’y aura pas de victoire sur l’islamisme.
Et si l’on parlait des syndicats enseignants complices ?
Nos élites actuelles s’appuient sur une cascade d’institutions ou d’organismes abondamment financés par le contribuable pour les aider à garder le camp. Je pense ici aux syndicats enseignants, dont les permanents sont des enseignants qui n’enseignent plus mais qui continuent à être payés par le contribuable. Ils sont, depuis des années, complices de la montée de l’islamisme, qu’ils refusent encore de nommer, comme si le nommer était une marque de racisme.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire le communiqué du syndicat majoritaire (communiste), le SNES-FSU,sur la mort de Paty. Le mot « islamisme » n’y est pas écrit une seule fois.
Alors que ce syndicat n’hésite pas à appeler à la grève à la moindre phrase maladroite d’un ministre, on ne se souvient pas qu’il ait appelé à la moindre grève contre l’islamisme. Pourtant, Allah semble moins bon pour la santé des enseignants que les ministres qui se succèdent. Le SNES fait partie de ces forces idéologiques qui ont mis un éteignoir sur tout ce qui ressemblait à une mise en garde sur le place de l’Islam dans les banlieues.
Pensez-vous raisonnablement que sans une dissolution des syndicats enseignants nous parviendrons à faire reculer l’islamisme dans nos écoles ? Tant que ces syndicalistes qui vivent du système et de ses dysfonctionnements seront là pour nous mettre des bâtons dans les roues, la République perdra la guerre.
Terrible vide spirituel de l’Occident
Sur le fond, c’est le cadre mental, psychique, spirituel, de notre société qui constitue notre point de faiblesse. Mener la guerre contre l’islamisme, c’est très bien, mais pour défendre quoi au juste ? Le droit de vivre dans une société décadente où notre liberté se limite à demander des aides et des subventions à l’Etat, où notre horizon spirituel se limite à trimer pour nourrir une élite qui se gave d’impôts, de subventions, de copinages en tous genres ? pour maintenir au-dessus de la ligne de flottaison une société sans âme qui n’existe que pour consommer ou pour expliquer que l’homme est un misérable animal qui doit disparaître de la planète terre ?
Notre faiblesse face à l’islamisme est d’abord la défaite d’une vision du monde où plus rien n’a de sens, où tout est galvaudé et se limite à des slogans publicitaires, à de la communication, à de l’ostentation. Sans une remise en cause de ce relativisme permanent, de cette futilité existentielle, nous n’avons pas d’avenir. Et même si la victoire finale nous revenait, elle ne serait qu’éphémère car dépourvue de sens.
Reconstruire l’Occident
En réalité, en dehors d’une reconstruction de l’Occident, par un renouvellement de nos élites, par une remise à plat des usines à gaz construites depuis 1945 pour faire tourner nos sociétés à bas régime et à bas bruit, nous n’avons pas d’avenir.
Il faut en finir avec la haine de soi qui domine l’Occident et il faut nous redonner à nous-mêmes des raisons de nous aimer.
Article d’Éric Verhaeghe, avec l’aimable autorisation du Courrier des Stratèges
Éric Verhaeghe ancien Président de l’APEC (l’Association pour l’emploi des cadres) et fondateur du cabinet Parménide. Il est aussi l’auteur de Jusqu’ici tout va bien (éditions Jacob-Duvernet, 2011), Au coeur du MEDEF : Chronique d’une fin annoncée, (Jacob-Duvernet, septembre 2011) et de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : lecourrierdesstrateges.fr
Diplômé de l’ENA (promotion Copernic) et titulaire d’une maîtrise de philosophie et d’un DEA d’histoire à l’université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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