On estime à 50 millions le nombre de personnes victimes de la traite des êtres humains à des fins de travail ou de prostitution. Et contrairement à ce que l’on pense, la traite des êtres humains n’est pas essentiellement un problème du tiers-monde, car c’est dans les pays riches qu’elle est le plus répandue.
« Les gens seraient vraiment surpris s’ils savaient que 52 % des victimes de la traite vivent en fait dans les pays les plus riches du monde, c’est-à-dire dans les pays développés », comme le rapporte à Epoch Times Preston Goff, directeur de la communication au sein de l’organisation de lutte contre la traite La Route de l’exode (The Exodus Road, en anglais).
« Cela se produit bien sûr dans des pays comme la Thaïlande, mais aux États-Unis même, les estimations les plus récentes font état de 1,1 million de personnes [victimes de la traite] ».
La Route de l’exode a vu le jour en 2012 et lutte contre la traite des êtres humains, que l’on peut définir comme étant toute utilisation de la force, de la fraude ou de la coercition pour obtenir un certain type de travail ou d’acte sexuel commercial de la part d’une personne.
L’organisation humanitaire met sur pied des équipes de recherche et de sauvetage composées de ressortissants hautement qualifiés qui vont travailler étroitement avec les services de police spécialisés dans la traite des êtres humains. Ils recourent à des techniques de cyberanalyse qui leur permettront de détecter les cas de traite, contribuer à l’identification des victimes et aider les services de police à monter des dossiers solides. Dans un deuxième temps, elle forme les forces de l’ordre et les communautés par l’intermédiaire de son programme de formation, Traffick Watch. Enfin, son programme Beyond Rescue (Au delà du sauvetage, en français) offre aux survivants de la traite des êtres humains des conseils, un logement et une formation pour les aider à démarrer une nouvelle vie.
M. Goff explique que comme de nombreuses organisations de lutte contre la traite des êtres humains, La Route de l’exode s’appuie sur les statistiques que lui fournit l’Organisation internationale du travail (OIT). Bien qu’il soit impossible d’obtenir des chiffres exacts en raison de la nature du phénomène, l’indice mondial de l’esclavage, publié par l’OIT tous les deux ans, est considéré comme ce qu’il y a de plus fiable.
En 2016, l’OIT estimait à 40,3 millions le nombre de victimes de la traite des êtres humains dans le monde. En 2021, date de publication du dernier rapport, ce chiffre était passé à 50 millions, soit une augmentation de 25 %.
Aux États-Unis, l’augmentation est encore plus significative. M. Goff rapporte qu’en 2016, le nombre de victimes probables tournait autour des 400.000 et 500.000 personnes.
Le dernier rapport Global Estimates of Modern Slavery, qui fait état de 1,1 million de victimes aux États-Unis, indique que la traite des êtres humains dans le pays a doublé en l’espace de cinq ans seulement. La campagne 50forfreedom de l’OIT révèle qu’il y a plus de personnes victimes de la traite aujourd’hui qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire de l’humanité.
Statistiques sur la traite des êtres humains
« La traite des êtres humains existe dans tous les pays du monde … et, souvent, elle est très différente de ce que la plupart des gens imaginent », explique le porte-parole de La Route de l’exode.
Et d’ajouter qu’en général, lorsque les médias parlent de la traite des êtres humains, ils parlent surtout du trafic à des fins sexuelles. Bien qu’il s’agisse d’un problème important, ce n’est qu’une partie du problème.
Selon l’OIT, on estime que 28 millions de personnes vivent dans des conditions de travail forcé dans le monde. Parmi elles, environ 21,56 millions sont retenues comme esclaves dans des secteurs tels que l’exploitation minière, l’agriculture, le textile ou la production de vêtements. 6,44 millions de gens sont exploités à des fins de prostitution, les quatre cinquièmes d’entre eux étant des femmes ou des jeunes filles.
Les autres 22 millions de victimes, pour arriver aux 50 millions des statistiques, concernent les mariages forcés. Cependant, l’OIT note que le nombre réel est probablement beaucoup plus élevé.
« L’incidence réelle des mariages forcés, en particulier ceux qui impliquent des enfants âgés de 16 ans ou moins, est probablement beaucoup plus importante que ce que les estimations actuelles peuvent refléter ; celles-ci sont basées sur une définition étroite et n’incluent pas tous les mariages d’enfants. Les mariages d’enfants sont considérés comme forcés car un enfant n’est pas en mesure, légalement, de donner son consentement au mariage », précise l’OIT.
Lorsqu’une personne est victime de la traite, il n’y a pas toujours de distinction claire entre les différentes catégories, explique M. Goff.
« La vérité c’est que [la traite des êtres humains] fonctionne beaucoup plus comme un diagramme de Venn. Certaines personnes peuvent être forcées à se marier, mais on attend aussi d’elles qu’elles soient au service d’une famille plus nombreuse en tant que domestiques. Elles peuvent donc faire l’objet d’une exploitation sexuelle et d’une exploitation par le travail au sein du foyer », dit-il.
Facteurs déterminants
Selon les estimations de l’OIT, la traite des êtres humains génère chaque année environ 150 milliards de dollars de revenus au niveau mondial, ce qui en fait la troisième industrie criminelle la plus lucrative au monde, derrière le trafic de drogues et d’armes – mais sa croissance est rapide.
La traite des êtres humains est en effet l’industrie criminelle qui connaît la croissance la plus forte et on s’attend à ce qu’elle occupe bientôt la deuxième place parmi les « plus lucratives ». Selon M. Goff, le désespoir est un facteur clé de cette augmentation, ce que Som (un pseudonyme) comprend mieux que quiconque.
Alors qu’elle n’avait que 12 ans, son père est décédé, laissant sa mère, elle-même et ses deux frères aînés se débrouiller seuls. « C’est ma nature de les aider autant que je le peux », a déclaré Som lors d’une interview pour La Route de l’exode. Et comme elle vivait dans une région très touristique de la Thaïlande, ce désir l’a amenée vers la prostitution dès l’âge de 14 ans.
« Ce travail vous dévore peu à peu. Il vous pourrit le cœur. Chaque fois qu’un client venait me voir, j’avais l’impression qu’il me prenait, puis qu’il me laissait partir, comme un cycle ».
Ce cycle s’est poursuivi jusqu’à ce que la fille de Som, Pearl (un pseudonyme), soit maltraitée par un membre de sa famille, poussant ainsi Som à trouver un autre type de vie. Cette motivation l’a conduite à un foyer de liberté local géré par La Route de l’exode en Thaïlande.
« Je suis fière d’avoir pu partir, mais cela n’a pas été facile. Des gens m’ont aidée », a-t-elle déclaré.
Selon M. Goff, la pandémie de Covid-19 est un autre facteur qui a aggravé la traite des êtres humains, car elle a créé un sentiment de désespoir. Selon lui, lorsque les gens sont désespérés, une offre d’emploi est synonyme de vision et d’espoir pour l’avenir, pour eux-mêmes et pour leur famille. Cela les rend plus vulnérables aux trafiquants.
« La pandémie a accru la vulnérabilité de ceux qui l’étaient déjà. Lorsque vous entendez parler de guerres, de catastrophes naturelles, voire de changements climatiques, cela accroît la vulnérabilité des personnes déjà fragilisées dans le monde très pauvre. Cela crée un climat parfait pour le désespoir dont les trafiquants peuvent profiter ».
Selon lui, les trafiquants piègent souvent les victimes désespérées en leur promettant une opportunité d’emploi « qui semble tout à fait correcte ».
C’est ce qui est arrivé à Kratay, également sous pseudonyme. Lorsqu’elle avait 13 ans, son beau-père et sa mère l’ont poussée à trouver du travail, et lorsque son amie lui a parlé d’un « travail facile », Kratay a tout de suite sauté sur l’occasion.
Après avoir suivi son amie dans ce qui semblait être un travail typique dans un bar, Kratay s’est rapidement retrouvée seule avec un homme plus âgé et a été violée. Lorsqu’elle a raconté à ses parents ce qui s’était passé, ils lui ont demandé combien cet homme avait payé pour passer du temps avec elle. Après avoir répondu « 30 dollars », ses parents l’ont obligée à continuer à travailler au bar.
Selon M. Goff, les trafiquants ne se contentent pas de promettre un emploi qui semble légitime, ils leur arrivent fréquemment de déplacer leurs victimes dans un autre lieu. Une fois arrivées sur place, ils leur disent que l’emploi n’existe plus. Ils expliquent alors à la victime que, parce que le trafiquant a payé ou facilité le déménagement, la victime a contracté une dette qu’elle doit maintenant rembourser.
« C’est souvent une forme de servitude pour dettes qui retient quelqu’un dans ce type de scénario, auquel s’ajoutent d’autres formes de contrainte, d’escroquerie et de coercition. Cela peut vraiment faire en sorte que quelqu’un se sente coincé dans une situation », explique-t-il.
LOS ANGELES, CA – 5 SEPTEMBRE : L’avocate Julie Su (sur le podium), entourée de travailleurs thaïlandais, d’autres avocats et de défenseurs des droits des travailleurs, annonce aux médias qu’au nom de 62 immigrés thaïlandais, elle intente une action en justice fédérale contre des « entrepreneurs de l’habillement » pour servitude involontaire, séquestration, racket, fraude, agression et violation des droits civils et du droit du travail. Les travailleurs, qui ne souhaitent pas être identifiés par leur vrai nom, auraient été réduits en esclavage dans un atelier de confection pendant trois ans dans la banlieue de Los Angeles. AFP PHOTO (DAN GROSHONG/AFP via Getty Images)La nature numérique de certaines formes de trafic gonfle également les chiffres. M. Goff rapporte qu’aux Philippines – l’une des principales zones d’intervention de La Route de l’exode – on assiste à une augmentation de la criminalité en ligne, notamment en ce qui concerne l’exploitation sexuelle des enfants.
« De jeunes enfants et adolescents sont exploités pour ce genre de contenu. L’un des aspects les plus terrifiants et les plus tragiques est que le marché qui alimente la demande se trouve presque entièrement à l’extérieur du pays, en provenance d’endroits comme les États-Unis et les pays européens », dit-il.
« Internet donne lieu à des exploitations doubles, en ligne et en personne, quand l’enfant est forcé à produire ce contenu. La vérité, c’est qu’avec l’essor de la technologie dans notre monde, ceux qui ont des désirs sérieux peuvent plus facilement accéder aux personnes vulnérables, et c’est tragique. »
Mais la technologie rend également le repérage des auteurs de ces actes plus faciles, ajoute M. Goff.
« Elle nous permet de cartographier et de perturber des réseaux entiers à des rythmes qui ne sont tout simplement pas possibles si l’on se fie uniquement à l’intelligence humaine. »
Lutte contre le trafic d’êtres humains
Souvent, les gens pensent qu’il suffit d’intervenir et de sortir une personne d’une situation de traite pour la sauver. Mais ce n’est pas le cas.
Pour les survivants, le chemin vers la liberté commence au moment de l’intervention. « La coercition et le traumatisme subis par ces survivants exigent beaucoup de détermination », explique-t-il.
« Nous avons eu beaucoup de succès en nous associant à des hommes et des femmes de bonne volonté qui se soucient profondément de leur communauté et qui veulent libérer ceux qui vivent dans l’exploitation », ajoute-t-il. « Lorsque nous le faisons, cela permet au survivant d’accéder à des services gouvernementaux et non gouvernementaux qui, autrement, seraient plus difficiles à obtenir. »
Dans le cas de Som, la sécurité et l’éducation que la maison de la liberté locale lui a fournies, à elle et à Pearl, lui ont permis de sortir de la traite des êtres humains. Elle y a suivi des cours d’anglais et une formation à l’entrepreneuriat. Elle envisage maintenant de créer sa propre entreprise en ligne.
« Lorsque j’étais travailleuse sexuelle, quelqu’un pouvait m’acheter avec de l’argent. Mais aujourd’hui? L’argent ne peut plus m’acheter », clâme-t-elle.
Dans le cas de Kratay, la liberté est venue lorsque des policiers en civil se sont fait passer pour des acheteurs potentiels. Ils l’ont sauvée et l’ont placée dans un foyer gouvernemental pour filles exploitées en Thaïlande. À la fin de son procès, Kratay s’est installée dans une maison de la liberté et a commencé à suivre des cours d’anglais et de commerce, et a appris à tresser et à vendre des paniers pour gagner de l’argent.
« Ici, à la maison de la liberté, je me sens vraiment libre », explique-t-elle. Un jour, elle espère devenir infirmière vétérinaire.
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