La transhumance : quelle est cette pratique oubliée en train de renaître dans les Vosges ?

Par Epoch Times
27 mai 2024 12:35 Mis à jour: 27 mai 2024 12:41

Un troupeau de vaches quittant les pâturages pour gagner les alpages. C’est la transhumance, une tradition oubliée qu’a fait renaître Stéphane Luttringer, depuis une dizaine d’années, dans les Vosges.

« Je n’aurais jamais monté mes vaches avec une bétaillère » : depuis plus de dix ans, Stéphane Luttringer a fait renaître la transhumance dans le village de Willer-sur-Thur (Haut-Rhin), aux confins des Vosges alsaciennes.

En ce lundi de mai ensoleillé sur le versant alsacien du massif des Vosges, plusieurs dizaines de vaches au pelage marron pour la plupart grimpent à travers la forêt, en n’oubliant pas de s’échapper quelques instants pour aller boire dans un ruisseau en contrebas.

(Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

Ce déplacement des bêtes vers les alpages, à proximité des fermes-auberges des Vosges, au mois de mai, avant la désalpe en novembre, est souvent festive.

Amis, familles, locaux et même curieux venus de loin font le déplacement pour découvrir cette tradition, où les bergers sont coiffés d’un bonnet de laine noir à pompon et d’une chemise blanche, comme les marcaires de l’époque.

D’autres ressortent parfois les habits d’antan, pour le plaisir des curieux venus redécouvrir cette expérience unique, désormais inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.

(Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

Stéphane Luttringer, dont la famille est propriétaire de la ferme-auberge du Freundstein sur les hauteurs de Willer-sur-Thur depuis les années 1950, pratiquait, depuis 2011, la transhumance en grands groupes, avec « 200 à 300 personnes ». « C’est de l’émotion, tous ces gens qui nous suivent. Certains venaient parfois de très loin, changeaient de région pour venir ».

Il a choisi cette année de la vivre dans l’intimité, avec une quarantaine de personnes. « Moins de stress » pour servir le repas le soir à plusieurs tablées, « plus de plaisir » pour l’éleveur.

(Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

Quelques curieux sont toutefois venus voir les laitières faire une pause dans une ferme-auberge à mi-parcours, tout en redécouvrant des photos d’une édition qui a marqué les esprits de tous, quand en 2019, le déplacement du troupeau avait débuté par un peu de pluie pour finir sous la neige.

Une autre année, la vingtaine de vaches avait décidé de rentrer une semaine avant la date prévue de désalpe, en raison de conditions météorologiques compliquées et du froid: elles ont donc trouvé le chemin seules vers la ferme familiale. « C’était compliqué, car après la transhumance, on doit vite les traire, et là on n’avait pas encore redescendu tout le matériel », se souvient M. Luttringer.

Une pratique ancestrale inscrite au patrimoine mondial de l’humanité

La transhumance a été inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en décembre, dans le cadre d’une candidature portée par la France et neuf autres pays européens comme l’Autriche, l’Italie, ou encore la Grèce et la Roumanie.

« Pratique ancestrale, la transhumance découle d’une connaissance approfondie de l’environnement et implique des pratiques sociales et des rituels relatifs aux soins, à l’élevage et au dressage des animaux ainsi qu’à la gestion des ressources naturelles », rappelle l’Unesco sur son site internet.

Elle avait disparu au XIXe siècle dans les Vosges, où les agriculteurs mettaient en pension leur troupeau chez des marcaires durant l’été pour fabriquer le munster, explique à l’AFP Michel Meyer, un retraité présenté comme « mémoire vivante » de Willer-sur-Thur, venu voir la transhumance dans une ferme-auberge à mi-parcours.

« Ça fait de l’ambiance depuis une vingtaine d’années » dans la région. Lui-même, à l’époque, emmenait se balader les vaches « de 8h00 à 16h00 tous les jours », se souvient-il.

En 2020, plus d’une cinquantaine d’éleveurs pratiquaient la transhumance dans le massif.

Au-delà de conduire le bétail en altitude, toute une préparation est de mise : dès 9h00 du matin, Stéphane Luttringer devait faire briller les cloches joliment décorées et posées sur les vaches spécialement pour l’occasion. Elles tintent gaiement tout au long du parcours, d’environ 5 kilomètres et 500 mètres de dénivelé positif.

(Photo JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN/AFP via Getty Images)

« Les animaux en profitent aussi », souligne M. Luttringer. « Ils ont des conditions qui sont meilleures. Et le confort des animaux, c’est important aussi. »

En arrivant à 925 mètres d’altitude, les vaches retrouvent toutes leur place dans l’étable, quasiment automatiquement. Seul le taureau, un peu excité de bon matin, a été monté en bétaillère, ainsi que quelques veaux trop jeunes pour faire le déplacement.

La production de fromage se fera elle directement à la ferme-auberge, dans son atelier de transformation et d’affinage.

Plusieurs associations, comme celle des sonneurs de cloche des hautes-chaumes, ou encore les joueurs de cor des Alpes, sont aussi souvent de la partie.

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