En France elle serait d’abord inefficace selon le rapport instructif du Conseil des prélèvements obligatoires, CPO, qui dépend de la Cour des comptes, publié début février.
La TVA a un rendement prévisible, significatif (186 Md€ en 2021) et dynamique. Mais elle est mitée par ses taux réduits multipliés au fil des ans pour les travaux d’amélioration des logements et pour les services à la personne à la fin des années 1990, sur la restauration commerciale en 2009 ou pour la protection de l’environnement dans les années 2010. En outre, son taux normal, 20%, est le 4ème taux normal le plus faible de l’UE. Ainsi, le produit de la TVA en France est relativement faible : au 24ème rang de l’UE à 27 en termes de poids de la TVA dans les prélèvements obligatoires et au 19ème rang en termes de part dans le PIB, représentant 65 % de l’assiette totale pour une moyenne européenne de 71 %.
Les taux réduits de TVA représentent un manque à gagner de l’ordre de 47Md€, soit l’équivalent de 24 % du rendement de la TVA. Cette dérive pourrait encore s’aggraver depuis qu’une directive du 5 avril 2022 a ouvert de nouvelles possibilités d’adoption de taux réduits de TVA en Europe. Pourtant le CPO observe que les effets positifs sur la consommation et/ou l’économie de toute réduction de TVA sont généralement faibles, comme l’ont été les baisses de TVA sectorielles ou générales à des fins de relance contracyclique pratiquées en Allemagne et en Angleterre ces dernières années.
Les limites de toute politique dirigiste
Coûteux, les taux réduits de TVA ont une efficacité limitée quand elle n’est pas inexistante. La réduction du taux sur la restauration en 2009 n’a bénéficié au client qu’à raison de 20% de son coût pour l’Etat. En réalité, les taux réduits sont accordés aux lobbies les plus bruyants : les Corses, l’immobilier… Le CPO confirme à cet égard ce que dénonce l’Iref depuis longtemps.
A force de vouloir favoriser la consommation de tel produit, pénaliser tel autre, alléger la facture de certains consommateurs, en alourdir d’autres… , la TVA est devenue un maquis qu’illustre la TVA sur les produits alimentaires dont les taux applicables sont en fait variables selon le lieu où ils sont achetés ou consommés, leur présentation, leur conditionnement… Les glaces sont soumises au taux intermédiaire (10%) lorsqu’elles sont vendues à l’unité et au taux réduit (5,5%) lorsqu’elles sont vendues conditionnées en vrac, en lot, paquet ou pot familial d’une contenance supérieure ou égale à 200 ml. Les ventes de nourriture préparée et/ou de boissons destinées à une consommation immédiate directement livrées au client ainsi que les plateaux repas, sont soumis au taux intermédiaire. Mais les produits vendus sous un emballage permettant leur conservation bénéficient du taux réduit. Les sandwichs, les salades salées vendues avec assaisonnement séparé ou couverts et les salades sucrées vendues avec couverts relèvent du taux intermédiaire, sauf lorsqu’ils sont vendus surgelés, auquel cas ils sont soumis au taux réduit. Le taux applicable au chocolat est différent selon qu’il est noir (5,5 %), au lait ou blanc (20 %), sous forme de chocolat de ménage (5,5 % pour le chocolat au lait) ou de bonbons de chocolat (5,5 %). Neuf taux différents s’appliquent sur le territoire national, quatre en France continentale, six en Corse et quatre dans les DOM. Et lorsque des produits soumis à des taux différents font l’objet d’une facturation globale et forfaitaire, le redevable doit ventiler les recettes correspondant à chaque taux. Chacun peut imaginer les affres administratives où sont ainsi plongés les commerçants.
Les vertus de la neutralité
Mais le CPO ne critique les taux réduits de TVA que d’un point de vue utilitariste et pour les remplacer par d’autres instruments budgétaires ou fiscaux plus égalitaristes et plus dirigistes. Il émet des réserves à l’égard de la TVA en considérant que c’est un impôt régressif, qui frappe moins les riches que les pauvres, même s’il reconnaît que l’épargne consiste en une consommation différée et que « la TVA finance des dépenses qui, pour certaines, bénéficient davantage aux ménages modestes ». Il fustige la liste à la Prévert des taux réduits de TVA mais propose à son tour des solutions multiples pour surtaxer les produits carbonés et moins les autres, aider certains ménages et pas les autres, privilégier les taxes spéciales comme celles qui s’appliquent aux boissons sucrées ou aux boissons édulcorées dont pourtant l’efficacité n’a pas été prouvée, créer de nouveaux boucliers tarifaires, pour les transports par exemple, aider l’économie circulaire… On sait que tous ces mécanismes perturbent les marchés, font perdre les repères « prix » et à terme détruisent la concurrence et l’innovation.
Le rôle de l’Etat n’est pas de diriger nos achats, de pénaliser les uns et favoriser les autres. Il peut apporter une assistance aux ménages dans un besoin avéré. Mais en augmentant ou réduisant les prix au gré de leur niveau de taxation, il empiète indûment sur les choix des uns et des autres.
La réduction du nombre de taux, voire un taux unique, serait plus équitable si l’on admet que la justice consiste essentiellement à faire respecter les libertés individuelles el l’égalité des droits. Un impôt neutre est un impôt juste.
Enfin, si la TVA est simple et peu coûteuse à collecter pour l’administration, c’est parce que sa collecte repose en grande partie sur les entreprises. Simplifier la TVA serait aussi le moyen d’alléger la charge administrative des entreprises et contribuerait ainsi à améliorer la compétitivité de l’économie, dans l’intérêt commun.
Article écrit par Jean-Philippe Delsol. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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