La victoire du Bien sur le Mal dans une légende chinoise

6 octobre 2015 10:22 Mis à jour: 18 octobre 2015 09:46

La culture traditionnelle chinoise accorde une grande importance à cinq vertus fondamentales : la bienveillance, la loyauté, la courtoisie, la sagesse et la foi. Elles ont été transmises à travers les siècles depuis Confucius. La deuxième de ces cinq vertus, la loyauté, se traduit en chinois par « Yi » et englobe aussi le principe de justice.

Il existe un lien étroit entre la première vertu – la bienveillance et la deuxième vertu – la  loyauté. « Yi » peut en effet être considéré comme la mise en pratique dans la vie réelle de la bienveillance, « Ren » en chinois.

«Yi » se manifeste souvent face à l’adversité, par exemple dans un contexte où les dirigeants abusent de leur pouvoir et abandonnent leur droiture comme le montre la légende du macabre général que nous vous proposons de découvrir.

Elle raconte l’histoire d’un étudiant en voyage qui passe par un village « protégé » par un démon concupiscent et puissant. La mission du jeune homme est d’aider les habitants à s’éveiller à la nature perverse du tyran. Après avoir surmonté la peur et l’égoïsme, les habitants finissent par s’éveiller et s’unir pour chasser le tyran pervers.

Le macabre général

Yue Jia était un étudiant de 18 ans originaire de l’ouest de la Chine qui se rendait à cheval à Pékin pour passer les examens impériaux. Afin d’échapper à la chaleur étouffante du mois de juillet, ce jeune homme courageux et bien bâti partait tôt chaque matin, se reposait dans l’après-midi, et reprenait le chemin tard dans la nuit, en faisant de petites siestes dans des endroits où il pouvait trouver un abri.

Le jour où Yue Jia est arrivé dans la province du Shanxi, il s’est perdu dans une forêt profonde. Sans se décourager, il a continué en espérant rencontrer quelqu’un qui pourrait lui indiquer le chemin.

La nuit tombée, Yue Jia poursuivait toujours son chemin. Soudain, il aperçut une lumière au loin. En s’approchant, il découvrit un manoir mais aucun signe de vie. Il décida alors d’entrer dans la cour du manoir. Il y découvrit un autel avec de grandes bougies rouges allumées et il entendit les sanglots d’une femme.

« Qui est en train de pleurer ? », demanda-t-il. Mais seuls les sanglots lui répondirent.

Un couteau à la main, Yue Jia s’aventura alors dans le manoir obscur et trouva enfin une jeune femme sanglotant dans un coin du château.

« Je suis la fille du clan Hu », lui dit la femme. « Nous sommes dans le temple cantonal. Le corps du macabre général est enterré ici. Il apporte à la fois la fortune et la misère, et chaque année, il demande une jeune vierge comme épouse. J’ai été emprisonnée ici par les hommes du canton qui m’ont achetée à mon père avide d’argent. Cette nuit, je vais être mariée au général. Qui es-tu toi ? »

Après avoir entendu l’histoire de la jeune fille, Yue Jia devint furieux.

« Je suis Yue Jia, un étudiant en chemin pour passer les examens impériaux. Je suis tombé sur cet endroit par hasard, mais comme je suis un homme sain et sage, je dois agir de façon droite. Soit je te délivre de ce mal et je survis, soit je péris en le faisant. »

La jeune fille, touchée, lui répondit : « Comme tu es noble ! Je te servirai pour le reste de ma vie si tu me sauves. »

Yue Jia répondit qu’il ne voulait rien d’elle et qu’il voulait seulement éliminer le démon pour lequel elle devait être sacrifiée. Il lui ordonna de rester cachée puis, alla attendre le général à l’entrée du temple.

L’apparition du général

Précédé d’une tornade de sable, un carrosse tiré par des chevaux et conduit par deux serviteurs finit par apparaître. En entrant dans le château, l’un d’eux trouva Yue Jia assis au milieu de la salle, et le regarda fixement.

« Alors c’est vous, l’honorable ministre », déclarèrent les serviteurs créant la confusion dans l’esprit de l’étudiant.

Les deux hommes disparurent et une troisième voix, beaucoup plus puissante annonça : « Le général ne savait pas que l’honorable ministre était là. Veuillez m’excuser pour mon manque de respect. »

Le démon était un être énorme vêtu d’une armure rouge et d’un casque de fer. Sans porter attention à son teint macabre, son nez et ses oreilles bombés et ses yeux globuleux qui ornaient une tête hideuse, Yue Jia réfléchit à ses paroles. Il comprit alors qu’il était en train de devenir un ministre.

« C’est un honneur de rencontrer le général. Je suis Yue Jia, originaire de l’Ouest. » Le jeune érudit se tint respectueusement et s’inclina.

Le général se mit à rire en disant : « Un ministre ne doit pas être si humble, mais qu’est-ce qui vous amène ici ? »

« J’ai entendu que c’est le jour du mariage du général, et je suis venu pour vous féliciter en personne », répondit Yue Jia. Content, le général ordonna à ses serviteurs d’apporter la nourriture qu’ils avaient préparée dans le carrosse, et les deux hommes se mirent à table.

Yue Jia avait élaboré un plan. « Est-ce que le général a déjà goûté de la viande de cerf confit ? » Tout en parlant, il la tira de son sac.

« Il est difficile de trouver une telle délicatesse dans cet endroit perdu », répondit le général. « Il ira bien avec la liqueur. » Avec son couteau, Yue Jia coupe une fine tranche de viande, et l’eau monta à la bouche du  général.

Agité, le démon tendit la main pour prendre le bol, mais d’un seul coup, le jeune érudit la lui coupa. Un cri strident secoua le temple tandis que le sang noir jaillit de la plaie. Alors que les bougies s’éteignirent, le démon s’enfuit en hurlant. Yue Jia voulut le poursuivre, mais se rappela que la jeune fille était toujours piégée dans le temple.

Éliminer la bête

Yue Jia libéra la jeune fille des cordes qui l’attachaient. Elle lui demanda aussitôt de la prendre comme épouse. L’érudit, déjà marié, refusa poliment cette offre.

Peu de temps après, à l’aube, un groupe de villageois en sanglots arriva, amenant un cercueil destiné à la jeune fille. Au début, ils s’étonnèrent de la trouver vivante et débarrassée de ses cordes. Puis, ils eurent peur et se mirent en colère lorsque Yue Jia leur raconta ce qui s’était passé.

« Le  macabre général protégeait ce pays des désastres et nous l’avions vénéré comme une divinité depuis la nuit des temps », se sont plaints les villageois. « Maintenant vous, un étranger errant, avez osé le blesser. S’il veut se venger, qu’est-ce qui va nous arriver ? Nous devons vous tuer pour apaiser le général et obtenir son pardon. »

« Cette soi-disant divinité n’est qu’une bête dépravée et condamnée par le Ciel et la Terre », leur répondit Yue Jia. « Le fait qu’un tel démon ait été vénéré et que tant de jeunes filles innocentes lui aient été sacrifiées, montre que les gens de ce pays ont oublié les principes droits. »

Les villageois restèrent silencieux.

« Une divinité », continua Yue Jia, « est censée accomplir une mission du Ciel, tout comme les fonctionnaires envoyés par l’empereur pour gouverner les provinces. Si les fonctionnaires oppriment et exploitent les gens, alors l’empereur, n’enverra-t-il pas ses soldats pour rétablir la justice ? Le fait que je sois venu pour purger les péchés de cette bête aux pieds fourchus est la volonté du Ciel ! »

Un rang de soldats en terre cuite dans la tombe de l'empereur Qin Shihuang (CC-BY-SA-2.5)
Un rang de soldats en terre cuite dans la tombe de l’empereur Qin Shihuang (CC-BY-SA-2.5)

Éveillés à la vérité, les villageois comprirent les paroles de Yue Jia et poursuivirent le général en suivant les traces de sang qui coulait de sa blessure. Le démon s’était caché dans une grotte profonde, mais en brûlant du bois sec à l’intérieur, les villageois finirent par le faire sortir. La bête sortit de sa tanière en trébuchant et s’effondra. Il ne restait rien d’une soi-disant « divinité », seulement une carcasse ressemblant à celle d’un cochon noir.

Les villageois et Yue Jia découvrirent dans la grotte un tas d’os, c’était tout ce qui restait des victimes sacrifiées au  général noir.

Comme Yue Jia se préparait à partir, les villageois reconnaissants voulaient le récompenser, mais il refusa. La jeune fille qu’il avait sauvée, déshonorée par son père qui l’avait vendue, suppliait le jeune érudit de l’emmener avec lui. Yue Jia finit par accepter et elle vécut avec lui et sa famille pendant de nombreuses années.

Lorsque il arriva à Beijing et passa les examens impériaux, Yue Jia comprit le sens de la courtoisie que lui avait manifestée le  macabre général : les arrangements célestes ne peuvent être ignorés, pas même par un démon. Yue Jia était devenu un puissant ministre.

Version anglaise : Bringing Down a Demon Tyrant: Good vs. Evil in a Chinese Folktale

 

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