Lorsque nous pensons à l’Odyssée, le poème épique d’Homère écrit à la fin du VIIIe ou au début du VIIe siècle av. J.-C., nous pensons à des créatures monstrueuses.
Nous imaginons un cyclope en furie arrachant une falaise pour la lancer sur le navire d’Ulysse, les eaux tourbillonnantes autour de Charybde qui « englouti l’eau noire », selon l’épithète d’Homère, tandis qu’Ulysse lutte pour rester hors de sa portée. On peut aussi s’interroger sur ce que cette ancienne épopée offre aux lecteurs modernes.
Mais les monstres, la magie ou l’aventure, ne constituent pas la problématique centrale du texte, bien qu’il en contienne une part généreuse. L’enjeu est le foyer, la famille et surtout la paternité, des thèmes qui résonnent certainement en nous aujourd’hui.
L’Odyssée est avant tout un poème national, axé sur la patrie, le foyer, le conjoint, les enfants.
« Que les dieux t’accordent autant de choses que tu en désires : un mari, une famille et une heureuse concorde ; car rien n’est plus désirable et meilleur que la concorde à l’aide de laquelle on gouverne sa famille. Le mari et l’épouse accablent ainsi leurs ennemis de douleurs et leurs amis de joie, et eux-mêmes sont heureux » , déclare Ulysse dans le livre VI (traduction Leconte de L’Isle), et ces mots reflètent son propre désir de retrouver sa femme et son fils. Cette passion profonde le pousse à surmonter toutes les fatigues et les malheurs de son épreuve de vingt ans, de la guerre de Troie à son long retour en Grèce.
Homère l’appelle « le patient Ulysse », endurant grâce à l’espoir de retrouver sa maison.
Un foyer menacé
Homère montre aussi la fragilité d’un foyer paisible. L‘Odyssée est l’histoire d’un peuple sans roi, d’époux séparés et d’enfants sans père. Pendant la longue absence d’Ulysse, Ithaque est en souffrance. Au fil des ans, les habitants en viennent à croire qu’Ulysse est mort.
En conséquence, les jeunes prétendants se pressent autour de Pénélope, la femme d’Ulysse, dans l’espoir d’obtenir sa main et de récupérer le royaume. Ils envahissent son domaine et vivent de ses richesses. Ils se prélassent dans la salle de banquet, buvant et riant, harcelant les servantes, apparemment insouciants de l’insulte qu’ils font à la mémoire d’Ulysse et à la dignité de sa femme.
« Et les prétendants insolents entrèrent. Ils s’assirent en ordre sur des sièges et sur des trônes : et des hérauts versaient de l’eau sur leur mains ; et les servantes entassaient le pain dans les corbeilles, et les jeunes hommes emplissaient de vin les kratères. Puis, les prétendants mirent la mains sur les mets ; et, quand leur faim et leur soif furent assouvies, il désirèrent autre chose, la danse et le chant, ornement et repas. » (Livre I)
Les prétendants n’ont que divertissements en tête, abusent à l’extrême de l’hospitalité qui leur est offerte, un excès plus honteux dans le monde grec antique qu’aujourd’hui.
Les Grecs respectaient le concept de Xenia, les lois sacrées de l’hospitalité qui régissaient la relation entre l’invité et l’hôte. Les hôtes devaient accueillir tout le monde, s’assurant que les invités avaient de quoi manger et boire avant même de leur demander leur nom. En retour, les invités devaient respecter et honorer leurs hôtes, offrir des cadeaux et ne pas s’imposer dans la durée.
Les prétendants bafouent ces règles sacrées et personne n’intervient pour mettre fin à leur dérive. Le chaos règne à Ithaque.
Pourquoi ces jeunes hommes manquent de pudeur ? Pourquoi sont-ils incontrôlables et ignorants des traditions sacrées ? La réponse est l’absence de père.
Ulysse n’est pas le seul homme d’Ithaque à s’embarquer pour Troie ; toute une génération de pères quitte l’île pour s’engager contre les Troyens. Et toute une génération de garçons grandi sans modèle de virilité.
Faut-il s’étonner que ces garçons ne soient pas devenus des hommes ? Faut-il s’étonner qu’ils n’aient jamais appris à chercher autre chose que des plaisirs enfantins ? Est-il étonnant qu’ils aient oublié les coutumes de leurs ancêtres, comme le concept de Xenia ?
Comment être un homme
Plus que quiconque, les pères transmettent aux garçons une connaissance des traditions d’une société et de leur importance. Les bons pères apprennent également à leurs fils à utiliser leur virilité pour servir et protéger les autres, et non en abuser.
Sans de tels enseignements, les jeunes hommes d’Ithaque ne savent comment devenir des hommes et ne parviennent à découvrir les liens qu’ils doivent entretenir avec le passé ou, plus terrible encore, ils méprisent ces liens.
La sagesse d’Homère traverse les âges, elle est toujours d’actualité. Ce qui était vrai alors reste vrai aujourd’hui.
Faut-il s’étonner que les jeunes hommes d’aujourd’hui, tels les prétendants de l’Odyssée, aient perdu contact avec leurs propres traditions culturelles ? Et que, dépourvus de tout idéal élevé, ils se tournent souvent vers les jeux vidéo et la pornographie. Les pères sont absents, engagé dans leur propre carrière. La culture actuelle souffre du symptôme décrit par Homère.
Ainsi notre société prend toujours plus de recul avec les traditions et la figure paternelle faisant défaut tend à disparaître. Les trésors et la sagesse de notre culture sont en danger.
Mais, malgré le sombre tableau qu’Homère brosse d’une société désordonnée et sans pères, l’épopée se termine sur une note d’espoir. Ulysse revient et nettoie sans peine le chaos. Et son meilleur allié est son fils, Télémaque. Télémaque n’est qu’un nourrisson quand Ulysse part pour Troie, il a maintenant 20 ans et a éviter les dérives de sa génération.
Sous l’influence de son père, Télémaque s’épanouit en tant qu’homme. Il devient assez fort pour chasser ceux qui ont menacé et harcelé sa mère et ses serviteurs.
La piété filiale est rétablie. Père et fils ont la force et la confiance nécessaire pour affronter les prétendants et les séquelles de Télémaque ayant grandi sans père disparaissent spontanément.
Homère place la résolution de tous les maux dans ce lien filial rétabli. Si les Grecs ont vu le retour à la civilisation dans cette relation fondamentale entre père et fils, nous pouvons sans aucun doute en faire autant.
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