Le lac Inle, un condensé du Myanmar

octobre 17, 2017 15:59, Last Updated: octobre 17, 2017 15:59
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Sans doute le lac Inle est-il avec Bagan un site incontournable au Myanmar mais c’est ici que chacun vivra des expériences intenses, a fortiori si on choisit de s’y rendre lors du festival de la paya Phaung-Daw-U, lorsque la barge royale, chargée des figures sacrées de Bouddha, parade de village en village, escortée par des nuées de pirogues. Une occasion rare de vivre de près la joyeuse ferveur religieuse d’une population qui vit littéralement sur l’eau.

L’arrivée des immenses barques venues des 4 coins du lac pour offrir une procession à la barge royale est un événement qui fait courir les foules émerveillées. (Charles Mahaux)

Le soleil vient à peine de se lever et la lumière a au petit matin cette pâleur qui nimbe les paysages d’un léger voile de brume. Notre pirogue fend les flots en se faufilant entre d’autres embarcations qui emmènent des touristes mais aussi des familles de Birmans pour assister à la parade de la barge royale.

Ce cadre idyllique, cet instantané de la vie des populations du Myanmar, sont chaque jour un peu plus menacés par le temps qui passe et la présence grandissante de touristes dans la région. (Charles Mahaux)

Fête de la Phaung-Daw-U Pagoda

C’est en octobre que le lac Inle célèbre une date majeure du calendrier religieux, à savoir le carême bouddhique qui durera près de trois semaines et s’achèvera à la pleine lune. C’est aussi le moment de transition entre la fin de la saison des pluies et la décrue de novembre qui amorce les premiers labours. À cette occasion, durant 18 jours, quatre statues bouddhiques de la pagode de Phaung-Daw-U sont sorties du monastère et transportées sous un baldaquin dans une barque royale dont la proue représente le Karaweik, un oiseau doré mythique.

Le soleil est déjà haut dans le ciel et a balayé toutes les brumes. La plupart des piroguiers ont revêtu le costume traditionnel des Inthas, pantalon paille, veste assortie sur une chemise blanche et sur la tête un turban rouge. L’attente est longue mais distraite par le spectacle des barques de pèlerins qui se pressent sur le lac. Soudain apparaît la première pirogue, très allongée, emportée par une cinquantaine de rameurs qui se tiennent debout deux par deux, de part et d’autre d’une main courante sur laquelle ils prennent appui. Du coté extérieur, ils enroulent une jambe autour d’une rame qu’ils manient d’un coup de cheville, pagayant en cadence. Le battement des rames qui frappent l’eau évoquent un mille-pattes géant qui soulève l’enthousiasme des foules.

Les pêcheurs sont de véritables équilibristes sur leurs pirogues : un pied sur le bateau, l’autre qui manie habilement la pagaie et les mains qui s’occupent du panier de pêche. (Charles Mahaux)
Les pêcheurs sont de véritables équilibristes sur leurs pirogues : un pied sur le bateau, l’autre qui manie habilement la pagaie et les mains qui s’occupent du panier de pêche. (Charles Mahaux)

Des ombrelles bouddhiques colorées soulignent toute la longueur de la pirogue reliée par une corde à une seconde barque et ainsi de suite. Elles sont une cinquantaine à se succéder, chacune représentant une des communautés qui vivent dans les villages lacustres. La barge royale ferme la longue procession avec à son bord des moines et des sages. À son passage les nombreux pèlerins s’inclinent sans pour autant oublier de fixer ce moment solennel sur leur téléphone portable.

Même les moines sacrifient au rite de la photo prise avec un téléphone portable sorti d’une poche secrète sous leur robe safran. (Charles Mahaux)

Les statues bouddhiques tellement couvertes de feuilles d’or collées par les pèlerins donnent l’impression d’être de gros champignons. Aujourd’hui elles sont conduites à Nyaungshwe, le plus ancien et le plus important des villages inthas où elles resteront durant trois jours de liesse populaire. Le carrosse qui transportera les Bouddhas les attend sur un chemin tapissé de pétales de fleurs de roses, de nénuphars et de maïs soufflés. L’étroitesse du canal qui mène à la ville oblige les pirogues à se coller aux berges. Le niveau de l’eau agitée par le trafic déborde et de nombreux spectateurs ont les pieds dans l’eau. Peu importe, la foule se presse aux fenêtres et sur les balcons des maisons qui longent le fleuve. Moines et moinillons en robe safran, touristes aux chapeaux de paille, pèlerins en tenue festive, ils sont tous là pour ne pas manquer le spectacle. Tandis que les Bouddhas sont débarqués et emmenés en procession vers la pagode, une autre réjouissance commence sur le canal, une course de rameurs mettant des villages du lac en compétition sous les vivats de la foule en délire. Un très bel hommage aux pêcheurs inthas dont la technique et l’habileté alimentent la carte postale du lac Inle.

Les hommes jeunes et moins jeune, moines ou simples individus, ne faillissent jamais à la tradition qui leur est réservée d’honorer leurs dieux en collant une feuille d’or sur la statue, geste méritoire susceptible de générer un meilleur karma dans une prochaine vie. (Charles Mahaux)
Les hommes jeunes et moins jeune, moines ou simples individus, ne faillissent jamais à la tradition qui leur est réservée d’honorer leurs dieux en collant une feuille d’or sur la statue, geste méritoire susceptible de générer un meilleur karma dans une prochaine vie. (Charles Mahaux)

Pendant ce temps, le carrosse chargé des statues bouddhiques trace son chemin le long d’un parcours signalé par des décorations en bambou tressé rehaussées de fleurs et par des autels d’offrandes : fruits, riz gluant, gâteaux colorés présentés dans des gobelets en argent. Les familles attendent, assises sur des nattes tendues sur le sol. Les femmes arborent fièrement les insignes de leur ethnie car à l’occasion de cette fête, nombreux sont ceux qui descendent des montagnes pour participer au pèlerinage. Quand enfin apparaît le cortège, chacun y va de son aumône en déposant des billets dans des pots en argent présentés par des bénévoles. Des écoliers suivent avec des banderoles en papier qui suggèrent des guirlandes de jasmin. On se bouscule autour du carrosse car chacun pense que le toucher, c’est s’assurer de la chance pour l’avenir. Aussitôt le cortège passé, les offrandes sont partagées entre les familles et les rues rendues au trafic. Tout ce peuple chatoyant dans leurs costumes traditionnels se retrouve plus tard dans la pagode pour se recueillir devant les statues que les hommes vont encore déformer en y apposant des feuilles d’or dont chacune vaut un mérite qui assurera une meilleure réincarnation à son donateur.

Les Intha, les Fils du Lac, ont bâti leurs villages sur pilotis dont une vingtaine sont directement au milieu de l’eau. (Charles Mahaux)

Les villages lacustres

Découvrir le Myanmar à l’occasion de cette fête, c’est s’imprégner de la spiritualité bouddhiste dans un cadre exceptionnel mais les festivités n’empêchent pas des escapades le long des rives, à la découverte de l’étonnant mode de vie des villages lacustres. D’une vingtaine de kilomètres de long sur dix de large, le lac Inle est le siège d’un travail acharné des Inthas arrivés dans la région au 18e siècle, chassés par une invasion thaï.

Les marchés sont des rendez-vous incontournables pour les habitants des villages lacustres mais aussi pour les touristes friands de souvenirs. Un seul moyen pour s’y rendre : les barques qui dessinent ce qui nous paraît un impressionnant embouteillage. Les fils du lac s’avèrent en fait très doués pour se faufiler entre les pirogues ! (Charles Mahaux)
Les marchés sont des rendez-vous incontournables pour les habitants des villages lacustres mais aussi pour les touristes friands de souvenirs. Un seul moyen pour s’y rendre : les barques qui dessinent ce qui nous paraît un impressionnant embouteillage. Les fils du lac s’avèrent en fait très doués pour se faufiler entre les pirogues ! (Charles Mahaux)

La légende raconte que le chef local leur refusa le droit à des terres autour du lac et c’est ainsi qu’ils s’établirent sur la bande littorale submergée par les eaux. Ils bâtirent des villages sur pilotis et choisirent d’exploiter l’élément liquide en découpant dans les berges de longues et épaisses bandes d’humus, une masse végétale inextricable composée de vase et de jacinthes d’eau en décomposition. Ils ont tiré ces jardins flottants jusqu’à leurs habitations où ils les ont ancrés au fond du lac avec des bambous. Là ils ont tapissé ces sillons de boues et d’algues remontées du fond du lac. Sillonnant les couloirs d’eau entre ces potagers flottants, ils cultivent, sarclent et récoltent leurs légumes : des concombres, des courgettes, des fleurs, des haricots, des piments et surtout des tomates qui inondent les marchés du pays.

La récolte des algues qui serviront de nutriments aux potagers flottants est un travail éprouvant car elle est lourde et il faut maintenir la pirogue en équilibre tout en la chargeant de vase. (Charles Mahaux)

La pêche assure également la subsistance des Inthas qui piègent les poissons dans des petits paniers en osier dont ils ne parviennent pas à s’échapper. Durant la saison sèche ils pêchent avec des nasses coniques idéales au vu de la faible profondeur du tirant d’eau. Debout à l’arrière de sa pirogue le pêcheur surveille les bulles d’air qui crèvent la surface de l’eau et pose alors verticalement son filet maintenu en place avec le pied tandis qu’il transperce sa proie avec un trident. Ramer avec sa jambe permet au pêcheur d’avoir ses mains libres, une économie de moyens qui ignore le rendement, à l’image de la philosophie bouddhiste qui invite à une vie simple.

Se balader dans un marché c’est l’occasion de découvrir des tas de produits inconnus sous nos contrées et de voir des femmes originaires de tribus montagnardes venues vendre mais aussi acheter des marchandises. (Charles Mahaux)
Quand on voit tous ces artisans à l’œuvre quand on découvre leurs talents, on est forcément touché par leur travail. Ce sont les femmes qui fabriquent le cheeroot, le cigare birman, un travail de dextérité qui tient presque de l’origami. Et chacune roule 500 cigares par jour de 7 à 17h. (Charles Mahaux)

Le tourisme est cependant en passe de devenir une source importante de revenus. Chaque matin, une flottille de longues pirogues à moteur ride la surface du lac, transportant des visiteurs à la découverte de monastères, de temples, de pagodes mais aussi d’ateliers d’artisanat où ce sont encore des gestes ancestraux qui se répètent depuis des décennies. Aller d’un atelier à l’autre n’est jamais qu’un prétexte pour s’échapper sur les canaux moussus, au cœur de ces prairies flottantes, entre les petites huttes en bois campées sur de hauts piquets.

Rencontre insolite avec une vieille dame chargée de bois au coeur d’un ensemble des ruines de stupas de 17e siècle au village d’In Dein. (Charles Mahaux)

Chaque village a sa pagode, son épicerie, son marché et des pans de vie s’offrent au regard : les enfants qui se baignent auprès de leurs mères qui lessivent, d’autres qui rentrent de l’école en manipulant eux-mêmes leurs barques, des barques chargées de sacs de riz ou de cageots de légumes, autant de scènes de la vie quotidienne qui s’effilochent devant nos yeux. Quand on quitte le lac pour remonter vers Nyaungshwe, on se laisse emporter par la magie de cette vaste étendue d’eau sertie dans un écrin montagneux embrassé par la brume du soir.

Jeune fille de la minorité Pa-O délicatement maquillée avec du thanaka, une pâte jaunâtre qui a un effet rafraîchissant sur la peau et protège des coups de soleil. (Charles Mahaux)

Partir au Myanmar

Comme la langue birmane est indéchiffrable pour un Occidental et comme l’anglais est loin d’être parlé par la population, l’idéal est de s’offrir un voyage organisé avec la présence d’un guide local francophone. N’hésitez pas à contacter Terre Voyages, Boulevard de la Bastille 28 à 75012 Paris. Céline y est la spécialiste du Myanmar, on peut construire avec elle un voyage sur mesure ou partir avec un groupe www.terre-voyages.com. Organisation impeccable !

Nyaungshwe est un peu le QG des routards autour du lac Inle, en grande partie parce que la plupart des excursions partent d’ici. Il y a de tout pour s’organiser : hôtels, restaurants et agences de voyages. (Charles Mahaux)
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