L’achat de Micron Technology bloqué en Chine en raison de composants « contaminés »

28 juillet 2015 10:37 Mis à jour: 18 octobre 2015 12:32

 

Le plus grand fabriquant de composants chinois serait apparemment en pleine négociation pour racheter  Micron Technology. L’entreprise américaine est une compagnie-clé dans le secteur de la construction de puces électroniques. Ce rachat serait le plus grand rachat de l’histoire pour la Chine.

Ce rachat n’est pour l’instant toujours pas officiel, et il est probable qu’il n’ait jamais lieu, suite à la découverte de failles de sécurité par les États-Unis dans des puces électroniques fabriquées en Chine.

L’entreprise chinoise à l’origine de ces puces fait partie du groupe d’État Tsinghua Unigroup. Une source anonyme a dévoilé au New York Times que la compagnie était prête à mettre 23 milliards de dollars pour racheter Micron Technology, dont le siège se trouve dans l’État d’Idaho, aux États-Unis. À ce jour, le plus grand rachat d’entreprise américaine par une entreprise d’État chinoise a eu lieu en 2013, quand le chinois Shanghui International Holdings a racheté l’américain Smithfield Foods, pour 4,7 milliards de dollars.

Daniel Fransisco, un responsable en communication chevronné travaillant chez Micron Technology, a refusée de commenter l’affaire, mentionnant dans un email que « Micron n’a pas de commentaires sur des rumeurs ou des spéculations ». D’après le journal en ligne spécialisé en technologie ZDNet, des managers de Micron Technology auraient affirmé ne pas avoir reçu d’offres en provenance de Tsinghua Unigroup.

Il existe une ancienne, et pourtant bien silencieuse polémique autour du rôle de la Chine au sein du marché des puces électroniques aux États-Unis — et rien qu’avec ça, il est fort probable que même si Micron Technology acceptait cette offre potentielle, le gouvernement américain interviendrait pour empêcher la vente.

Sécurisation de la chaîne d’approvisionnement

Les puces électroniques infectées en provenance de Chine ont déjà apporté leur lot de problèmes. En mai 2012, le Comité des forces armées du Sénat des États-Unis a rapporté que du matériel électronique de contrefaçon en provenance de Chine avait était trouvé dans des véhicules de l’armée américaine, notamment dans un avion de surveillance de la marine.

« La Chine est le principal pays fournisseur de matériel électronique contrefait s’infiltrant jusque dans la chaîne d’approvisionnement de la défense », mentionne ce rapport.

Et bien que des entreprises chinoises soient à l’origine de ces affaire de contrefaçon illégale, le régime chinois ne semble pas en être pré-occupé outre mesure. Il est écrit dans le rapport que « le gouvernement chinois n’a pas réussi à prendre les mesures nécessaires pour arrêter ces opérations de contrefaçon. Ces dernières sont ouvertement menées dans ce pays ».

À ce moment-là, le sénateur Carl Levin (D-Mich.) a souligné la gravité du problème. Il dit qu’il y avait alors « une vague de produits contrefaits, dont l’écrasante majorité venait de Chine », et a averti sur « une menace très sérieuse pour la sécurité nationale, celle des troupes et des emplois américains ».

Le parti communiste chinois (PCC) a tout intérêt à vouloir racheter son homologue américain. Il a actuellement mis en œuvre une stratégie de protectionnisme au niveau des appareils technologiques, et les produits étrangers sont désormais interdits au sein des bureaux et agences gouvernementales chinoises. Ce bannissement inclut une portion considérable du marché existant, en raison de l’existence de nombreuses entreprises d’État issues de la structure communiste du régime.

Des officiels américains disent avoir vu le problème venir. Un rapport du congrés daté de novembre 2013 énonce que « les domaines tels que l’informatique et l’équipement industriel prennent une place importante » dans les manœuvres du PCC pour se construire une industrie de haute-technologie. Il mentionne que parallèlement à cela, le régime chinois pourrait commencer à s’intéresser à des technologies américaines.

Il y a eu une tentative de sécurisation de la chaîne d’approvisionnement américaine, afin d’éliminer les risques d’atteinte à la sécurité nationale, suite à la découverte de composants électroniques chinois implantés jusque dans le matériel utilisé par l’armée américaine et par le gouvernement. Une loi votée en 2014 dans le cadre de l’établissement du budget fédéral avait pour but de résoudre ce problème.

Cette nouvelle loi impose à chaque achat d’appareil technologique effectué par une agence gouvernementale de passer par un processus de d’approbation, chargé d’évaluer les risques de cyber-espionnage et de sabotage.

Plus important encore, cette nouvelle loi requiert que les officiels américains gardent la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement technologique. Il est précisé que cela comprend n’importe quel composant « pouvant appartenir directement, ou être utilisé ou financé par la République populaire de Chine ».

Rien qu’avec cette loi, il est quasi-improbable que le gouvernement américain se mette à accepter qu’une entreprise d’État chinois rachète Micron Technology, qui reste un fabricant clef de composants électroniques.

Des intérêts communs atténués

Le PCC n’a pas particulièrement apprécié cette nouvelle loi. Le jour même où le budget fédéral était voté, le 17 janvier 2014, le ministre du commerce chinois a déclaré que la loi pourrait « avoir un impact négatif sur les entreprises chinoises, » et que cela porterait atteinte aux « intérêts » des entreprises américaines.

Dans l’état où sont les choses aujourd’hui, les entreprises américaines auront peu à perdre si le gouvernement des États-Unis venait à intervenir et à stopper net les rumeurs de rachat de Micron Technology.

Le PCC a récemment fait passer une « loi sur la sécurité nationale » qui étend le pouvoir du parti en place dans à peu près n’importe quelle facette de la société chinoise. Ainsi, une régulation sera mise en place pour sécuriser et contrôler n’importe quelle infrastructure réseau et autre système d’informations en Chine.

D’après les États-Unis, les nouvelles règles chinoises ont comme pré-requis que « toutes les compagnies exerçant en Chine fournissent au gouvernement le code de leur programmes informatiques, clefs de chiffrement, et mettent en place des backdoor [NDT : faille de sécurité volontaire, permettant d’accéder au composant infecté après sa vente] au sein des réseaux informatiques commerciaux ».

En d’autres termes, les entreprises américaines se verront proposer deux choix : soit remettre les clefs de leurs produits au PCC, et l’autoriser à espionner ses utilisateurs, soit sortir de Chine.

Cette nouvelle loi fait parti d’un ensemble de lois similaires que le PCC est en train de mettre en œuvre. Une « loi sur la cyber-sécurité » votée le 8 juillet dernier renforce le contrôle du PCC sur Internet, et les entreprises issues du domaine technologique, tout en donnant aux entreprises locales chinoises un net avantage sur les compagnies étrangères.

Les passages de cette loi sur la cyber-sécurité vont forcer les entreprises étrangères à fournir leurs spécifications et design au régime chinois. Comme certains éléments de cette loi ont été écrits dans le but de traquer des citoyens chinois considérés comme dissidents, les actionnaires des entreprises qui ont choisi de rester en Chine devraient se montrer attentifs, puisque ces entreprises pourraient contribuer à des violations des droits de l’Homme.

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Parmi les lois attendues en Chine, il y en a une qui placera les organisations non-gouvernementales étrangères sous la direction du ministère de la sécurité publique. Il y a aussi une « loi anti-terrorisme » qui renforcera les programmes d’espionnage du PCC sur le matériel électronique.

Alors que la Chine est en train de devenir de plus en plus hostile aux entreprises américaines, la tentative de rachat engagée par une entreprise américaine, Micron Technology, n’a que de très minces chances de réussir.

Enfin, il existe une longue et étrange histoire de matériel électronique en provenance de Chine doté de failles de sécurité installées à la construction.

Les incidents connus vont des téléphones Xiaomi -permettant l’espionnage de leurs utilisateurs, jusqu’aux cartes mémoires SanDisk et Kingston disponibles sur le marché gris. On compte aussi l’incident de 2014, où des scanners de poches fournis par une entreprise chinoise avait été infectés dans le but d’espionner l’industrie du transport maritime.

Il y a une déclaration peu connue de Greg Schaffer, faite le 8 juillet 2011, alors qu’il travaillait  dans le bureau de la cyber-sécurité du département de la sécurité intérieure. Alors qu’il témoignait devant le Congrès, on lui a demandé s’il y avait des risques à utiliser du matériel électronique fabriqué à l’étranger.

Schaffer a dit qu’il connaissait des cas où le matériel électronique fabriqué à l’étranger était infecté dès la sortie de l’usine : « nous croyons qu’il y a un risque significatif autour de la chaîne d’approvisionnement ».

« C’est l’un des challenges les plus compliqués et difficiles que nous avons », a t-il conclu.

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