Par Leo TIMM
Il y a vingt-huit ans, la Chine, ainsi que l’ensemble du bloc soviétique, semblait être en pleine mutation politique.
En suivant les étudiants et les employés des universités, des millions de Chinois à travers tout le pays se sont joints à des manifestations massives réclamant le respect des droits de l’homme, la fin de la corruption et les réformes démocratiques. Ces manifestations ont été déclenchées par la mort, en avril 1989, de Hu Yaobang, l’ancien dirigeant libéral du Parti communiste chinois (PCC).
Malgré un large soutien populaire de ce mouvement et après presque une décennie de changements économiques et d’ouverture sociale, le PCC a tout de même imposé la loi martiale à Pékin. Le 4 juin 1989, les soldats et les chars de l’Armée populaire de libération sont entrés dans la capitale chinoise et ont tué des centaines, peut-être même des milliers de manifestants non armés sur la place Tiananmen, la « Porte de la paix céleste ».
Dans les derniers jours avant la proclamation de la loi martiale, Zhao Ziyang, successeur de Hu Yaobang à la direction du Parti, s’est adressé aux étudiants à Pékin : « Nous sommes arrivés trop tard. Nous sommes désolés. Vous parlez de nous, vous nous critiquez, tout cela est nécessaire. »
Vingt jours après le massacre de Tiananmen, Zhao Ziyang a été démis de ses fonctions et placé en résidence surveillée. Selon le « Livre de Tiananmen », une reconstitution par des experts des événements survenus lors des manifestations et du massacre, Zhao Ziyang n’a jamais été formellement accusé d’aucun crime, mais il a été accusé par les « durs » du Parti d’avoir, selon eux, organisé des manifestations pro-démocratiques.
Les dirigeants du Parti ont transmis le poste de Zhao Ziyang à Jiang Zemin, un homme dont l’influence délétère dans la politique chinoise, ainsi que l’héritage de violations brutales des droits de l’homme persistent toujours en Chine.
Le paradoxe de la réforme
Suite à la mort du Président Mao Zedong en 1976, la Chine est entrée dans une ère de « réformes et d’ouverture » qui ont permis de libérer le potentiel entrepreneurial de centaines de millions de Chinois. Le fanatisme aveugle, la terreur de l’État et la famine de la période du règne du Grand Timonier semblaient appartenir au passé.
Marx, Lénine et Mao semblaient aussi perdre leur importance face aux avantages de l’économie du marché et les perspectives offertes par les reformes politiques. Hu Yaobang, Secrétaire général du PCC de l’époque, a entamé le chemin de l’ouverture et est allé jusqu’à déclarer qu’aucune des idées de Mao n’était pertinente dans la modernisation économique de la Chine moderne.
En 1987, le poste du dirigeant chinois est passé à Zhao Ziyang, un partisan des réformes politiques de Hu Yaobang. Bien qu’il ait été bureaucrate de haut rang et membre dévoué du Parti, Zhao Ziyang, d’après l’expert de la Chine Julian Gewirtz, « priorisait la substance sur le style » et envisageait une Chine à la fois riche et démocratique. Dans l’une de ses propositions les plus radicales, il a même appelé à l’indépendance du gouvernement du Parti communiste.
Dans un article publié sur le site ChinaFile, Julian Gerwitz suggère qu’en cas de direction prolongée de Zhao, « il serait bien possible d’imaginer que la société chinoise devienne beaucoup pluraliste, démocratique, respectueuse de la loi, juste et ouverte au monde extérieur».
Mais le Parti avait sa propre logique, qu’on a pu voir avant même la mort de Hu Yaobang et la tragédie de la place Tiananmen.
Le « noyau dur » du PCC, comprenant Deng Xiaoping, qui était à l’époque le vrai centre de pouvoir et de patronage politique en Chine, avait déjà entrepris des mesures dans le but de freiner la libéralisation politique – on le voyait, par exemple, dans la campagne visant à libérer la Chine de la « pollution spirituelle » occidentale. Hu Yaobang était une figure controversée, et il a vu sa chute dans la seconde moitié des années 1980.
Le triomphe de la nature du Parti
Le concept de la « nature du Parti» – « dang xing » en chinois – a été un élément constant à travers tout le règne du PCC, un outil clé qui garantissait la cohésion du régime communiste et la coopération de ses membres individuels.
La notion de la lutte des classes et la dialectique matérialiste, la base philosophique du marxisme-léninisme enracinée dans la doctrine du PCC, ont été à la base des meurtres en masse et de la famine sans précédent sous Mao, et elles sont restées inchangées à travers les années. Le développement économique, la modernisation juridique et le relâchement des restrictions sociales pourraient rendre les Chinois plus riches et plus satisfaits matériellement, mais le Parti communiste préférait conserver sa nature idéologique radicale.
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Au moment où les réformes politiques en Union soviétique avaient entraîné l’effondrement de tous les régimes communistes en Europe de l’Est, la puissance de la nature du Parti a déterminé le destin de Hu Yaobang et Zhao Ziyang même s’ils occupaient le poste du Secrétaire général du PCC, le plus haut rang dans la hiérarchie du Parti.
Zhao Ziyang n’était pas le premier chef du Parti à être déshonoré. Dans le chaos de la Révolution culturelle, lancée dans les années 1960 par Mao Zedong, le Secrétaire général Liu Shaoqi a été battu par les Gardes rouges en tant que « partisan de la voie capitaliste », destitué et emprisonné, tandis que sa tentative de se défendre avec une copie de la Constitution chinoise à la main a été tout simplement ignorée. Il a été torturé et détenu dans des conditions inhumaines jusqu’à sa mort deux ans plus tard.
Chen Duxiu, fondateur du PCC, était opposé à la violence et favorisait la coopération avec le gouvernement républicain chinois au pouvoir à l’époque. Il a été obligé d’abandonner la direction du Parti et a été finalement exclu du PCC en tant « qu’opportuniste droitier ».
Après Tiananmen
Actuellement, il n’y a pas grand-chose qui reste en Chine du mouvement social qui a balayé Pékin, Harbin, Shenyang, Guangzhou, Hefei, Chengdu et d’autres métropoles au printemps de 1989. Zhao Ziyang a vécu en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 2005.
Sous Jiang Zemin – le successeur de Zhao Ziyang, la Chine a poursuivi son chemin vers le capitalisme privé de démocratie. Les objectifs de la réforme – un gouvernement transparent, l’État de droit, une plus grande démocratisation et le développement de la société civile – ont été abandonnés à mesure que l’argent, le patronage et le népotisme sont devenus les lubrifiants de l’économie politique chinoise.
Bien que vêtu de costumes occidentaux et jouissant des avantages du capitalisme de copinage, les cadres du Parti ont préservé sous Jiang Zemin le mécanisme communiste responsable du massacre de la place Tiananmen, ainsi que la culture idéologique qui est derrière. Mais ils ont fait face à un autre affrontement, qui ne provenait pas de la sphère politique – c’était un affrontement de valeurs.
En 1999, Jiang Zemin a lancé dans toute la Chine une campagne d’éradication du Falun Gong, une discipline spirituelle chinoise, basée sur les principes d’authenticité, bienveillance et tolérance, et pratiquée par plus de 70 millions de Chinois suite à sa transmission au grand public en 1992.
Comme en 1989, la persécution a été précédée par des signes de pression croissante de la part du PCC – la publication d’articles calomnieux des « experts » communistes comme He Zuoxiu, l’interdiction des livres de Falun Gong en 1996 – signes qui ont culminé dans l’arrestation en avril 1999 de plus de 40 pratiquants de Falun Gong à Tianjin, dans le nord de la Chine.
Les pratiquants de Falun Gong ont protesté en se rassemblant pour lancer un appel pacifique devant le complexe de Zhongnanhai, le quartier général du PCC à Pékin. Le Premier ministre Zhu Rongji a reçu les représentants des pratiquants à l’intérieur du complexe, mais ses démarches, comme celles de Zhao Ziyang dix ans auparavant, n’ont pas servi à grand-chose.
Jiang Zemin, arrivé au pouvoir dans le sillage de la répression sanglante du 4 juin 1989 à la place Tiananmen, a vu une situation similaire et un défi à l’autorité du Parti unique au pouvoir dans la montée de la popularité du Falun Gong et dans son retour à la culture et aux valeurs traditionnelles chinois. Selon les experts, lors d’une réunion du Politburo, il a considéré le Falun Gong comme « l’incident politique le plus grave depuis le 4 juin ».
Les années qui ont suivi 1999 ont été les témoins du développement de la persécution la plus brutale de l’histoire de la Chine contemporaine, accompagnée d’une immense campagne de propagande diffamatoire, de détention dans des prisons et des camps, de tortures et de meurtres, ainsi que des prélèvements forcés d’organes sur des centaines de milliers de victimes afin de les revendre sur le marché lucratif des transplantations.
On estime que le communisme a tué au moins 100 millions de personnes, bien que ses crimes ne soient pas recensés et que cette idéologie persiste toujours. Epoch Times tâche d’exposer l’histoire et les croyances de cette doctrine, qui a servi de base à la tyrannie et à la destruction des peuples depuis son émergence. On peut trouver la série complète de ces articles dans la rubrique « Histoire cachée du communisme ».
Version anglaise : The Clash of ‘Party Character’ and Human Nature at Tiananmen
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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