Lugdunum, ville des lumières… Non, nous ne sommes pas à Lyon, mais à Laon, préfecture de l’Aisne, située à seulement 1h15 de Paris, en direction de Reims, et merveilleux site où l’histoire des rois de France se mêle aux grandes guerres européennes.
La cité médiévale de Laon est juchée sur une colline, dessinant une ville haute en forme de croissant, que les pèlerins du Moyen-Âge surnommeront la « Montagne couronnée », surplombant une vaste étendue de verdure où forêts et jardins s’intègrent au paysage de la ville… « Une bizarrerie topologique », cette colline, dit Loïc Pailler, responsable de la communication à l’Office du tourisme de Laon.
« Cette butte n’aurait jamais dû exister, elle est seulement le résultat de la fonte des glaces il y a 40 millions d’années, lesquelles, en se retirant, ont façonné et laissé en creux ce relief », explique-t-il.
La campagne à la ville
Un relief exceptionnel qui n’aura pas échappé aux premières populations venues s’y établir. Dès le Néolithique, les hommes avaient déjà perçu l’intérêt de s’approprier cette butte-témoin au milieu de la plaine et ainsi de pouvoir se défendre des éventuels assaillants. Devenu ensuite castrum gallo-romain, les Romains y voient là des terres propices à la culture de la vigne et Laon se mue alors en un important centre de viticulture. Ses coteaux calcaires se parent alors de sarments et la vigne deviendra la principale source de richesse de la ville de l’époque gallo-romaine, et ce jusqu’au XIXe siècle.
C’est un vin blanc de type Chardonnay qui est produit, non seulement à Laon mais aussi dans toute la région laonnoise et échangé dans le Nord : on déguste le vin laonnois dans les villes de Flandres, la région du Brabant et même jusqu’en Angleterre. Le plus célèbre des crus, le vin de la Goutte-d’or était servi lors des sacres royaux.
Des abbayes en feront leur principale activité, notamment la très riche abbaye Saint-Martin qui, au XIIe siècle, gère des vignobles à Laon, mais aussi dans toute la région laonnoise, et dont l’ordre essaimera par la suite dans toute l’Europe.
Dès le IIIe siècle, l’archevêque de Reims, Saint-Rémy, originaire de la région, en avait fait un diocèse qui alliait donc les avantages d’une forteresse naturelle à une présence religieuse conséquente.
Laon, capitale de France
À la mort de Charles Martel, deux de ses fils se partagent le royaume, mais son troisième fils illégitime, Griffon, tentera d’obtenir sa part, se réfugiera à Laon, mais sera neutralisé.
Laon deviendra ensuite la résidence royale des Carolingiens et ainsi capitale du Royaume des Francs à la fin du IXe siècle. Clovis y aurait déjà fait construire un Palais royal, probablement situé près de la porte d’Ardon. Berthe aux Grands Pieds, la mère de Charlemagne et épouse de Pépin le Bref, serait née dans le Laonnois. Charlemagne fera de Laon une de ses résidences de passage lors de ses voyages à Aix-la-Chapelle. Plusieurs rois carolingiens, Charles III Le Simple, Louis IV d’Outremer, Lothaire ou encore Louis V s’y succèderont et plusieurs palais royaux seront construits successivement, avant l’arrivée d’Hugues Capet, qui fera basculer le pouvoir définitivement à Paris.
Aujourd’hui, rares sont les vestiges de ces palais, souvent intégrés à des constructions plus récentes, telle la tour de Louis IV d’Outremer dont on peut visualiser la trace ellipsoïdale dans la salle principale d’un restaurant proche de l’Hôtel de Ville.
La cathédrale et les arts, couronnement de la montagne
« J’ai quitté Laon ce matin, vieille ville avec une cathédrale qui est une autre ville dedans, une immense cathédrale qui devrait porter six tours qui n’en a que quatre ; quatre tours presque byzantines, à jour comme les flèches du XVIe siècle. Tout est beau à Laon, les églises, les maisons, les environs, tout », écrivait Victor Hugo le 1er août 1835.
Depuis le Chemin des Dames, on peut déjà l’apercevoir, altière, se dressant au milieu de la plaine laonnoise. La cathédrale de Laon est un bijou architectural de l’art gothique, quasi antérieur à Notre-Dame de Paris, puisque construite dans un temps record pour l’époque. Première pierre posée en 1160, elle est le produit de l’héritage normand allié au meilleur des technologies de l’époque médiévale, qui fera d’elle un modèle pour les cathédrales futures de Reims, Chartres, Dijon et même Paris.
Construite sur les ruines d’une première cathédrale incendiée en 1112, Notre-Dame de Laon culmine à 75 mètres de la ville avec ses cinq tours, dont l’une, détruite à la Révolution, était surmontée d’un clocher. Le jeu de pleins et de vides formés par les tours et la façade ouest en fait son originalité extérieure, tandis que la rosace du chœur, l’une des premières de l’époque gothique, attire l’œil du visiteur ou du croyant. Autre particularité de la cathédrale, la présence de 16 bœufs de pierre, installés par deux sur les angles, rappelle la légende du bœuf mystérieux et miraculeux, venu remplacé son condisciple épuisé dans un attelage chargé de monter les matériaux nécessaires à la construction de la cathédrale…
Une cathédrale qui célèbre les arts et les sciences, voilà bien quelque chose d’exceptionnel, et pourtant… À Laon, ce fut le cas, d’où la célèbre rose des arts de la cathédrale constituée de sept vitraux entourant un vitrail central représentant la sagesse, aboutissement de ces arts. Particularité de l’époque, où les arts sont mêlés à la religion, cette rose constitue l’emblème des sept arts libéraux, le trivium (grammaire, rhétorique et dialectique) et le quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie), auxquels s’ajoute la médecine qui était considérée comme un art mécanique.
En effet, lors de la Renaissance carolingienne, alors qu’on redécouvre les écrits antiques, arrivent des moines colombaniens irlandais qui amènent ce savoir. Les lieux de cultes se multiplient, pas moins de 28 à la fin du Xe siècle. Au XIIe siècle, se crée l’école de Laon qui acquerra une renommée internationale, attirant clercs et élèves. Son rayonnement sera énorme, Anselme et Raoul de Laon furent les plus connus des professeurs. D’Anselme, le chroniqueur Sigebert de Gembloux dira qu’il est « le docteur le plus célèbre parmi les docteurs, qui a travaillé non seulement pour lui-même, mais a aussi enseigné à beaucoup toute sa vie et, même après sa mort, ses écrits ont enrichi pour le bonheur ses successeurs ». Parmi les étudiants, Abélard, devenu plus tard enseignant à la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont les échanges amoureux avec son élève, Héloïse, feront la renommée.
Des écrits subsistent, des manuscrits des moines irlandais ou encore certains enseignements de maître Anselme sont conservés dans la bibliothèque de Laon et sont en cours de numérisation.
Ville forteresse et ville tampon
Forteresse naturelle, Laon fut très tôt érigée en protection pour les hommes. D’abord castrum, des remparts seront ensuite édifiés par les Carolingiens. Au XVIe siècle, en pleine guerre de religion, Laon paiera un lourd tribut à la royauté. Attachée à la Ligue, elle s’oppose au pouvoir d’Henri IV qui l’assiège « de ville haute à ville haute » : il s’installe sur une autre éminence située au sud-ouest et attaque à coups de boulets de canon. C’est d’ailleurs l’un d’entre eux qui lui passera très près du visage, le blessant grièvement.
Las, quand la ville finit par tomber, il fait raser tout un quartier afin d’y construire une citadelle, mais pas n’importe lequel, le quartier des halles, considéré comme le poumon économique de la ville et comprenant 200 à 300 foyers jetés à la rue du jour au lendemain. Cette citadelle est donc édifiée en guise de représailles et est tournée vers la ville, et non vers l’extérieur. Façon symbolique de dire « vous vous tenez tranquille maintenant, c’est vous que l’on surveille »…
Laon constitue en effet le dernier bastion de défense à l’est avant l’entrée dans Paris, la capitale, et fut donc considérée, au cours des siècles, comme une ville-tampon pour la capitale.
La citadelle demeurera un fort militaire, notamment pendant la guerre de 1870, élément phare de la « ligne de fer » censée repousser les Prussiens. Occupée pendant la guerre de 1914 par les Allemands pour la conservation des poudres et l’entassement des prisonniers, elle sera ensuite cédée à l’État par l’Armée et deviendra cité administrative des années 1950 jusqu’à aujourd’hui.
De par sa formation calcaire, la colline de Laon renferme des poches naturelles, propices à l’installation de caves maraîchères, de glacières, mais aussi de souterrains militaires.
En 1870, ces souterrains « perchés » contenaient une poudrière que fera exploser le gardien de l’époque plutôt que de la céder aux Prussiens assiégeant la ville. Les souterrains ont ensuite été réhabilités et réutilisés pendant les deux guerres.
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