L’Arabie Saoudite accueille à partir de samedi une réunion sur l’Ukraine, une nouvelle tentative d’imposer sa puissance internationale, même si les attentes restent limitées quant aux résultats de cette énième initiative de paix.
La richissime monarchie du Golfe a annoncé vendredi soir la venue de « conseillers de sécurité de pays frères » pour discuter de la « crise ukrainienne », lors de cette réunion de deux jours à Jeddah, sur la mer Rouge, sans dévoiler le nom des États y participant.
Cette réunion reflète, selon l’agence de presse officielle SPA, la « disponibilité du royaume à exercer une mission de bons offices pour contribuer à trouver une solution qui conduira à une paix permanente ».
Les alliers habituels, mais pas seulement
Une trentaine de pays, sans la Russie, ont été invités, selon des diplomates tenus au courant des préparatifs et qui ont requis l’anonymat. Selon eux, Ryad tient particulièrement à recevoir le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, membres des Brics (avec la Russie) qui, contrairement aux Occidentaux, n’ont pas pris partie pour l’Ukraine sans toutefois soutenir l’invasion russe lancée en février 2022.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a salué vendredi une réunion « très importante ». Proche de Moscou et entretenant de bonnes relations avec Kiev, l’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de pétrole brut, a déjà cherché à se positionner en médiatrice dans la guerre.
L’Ukraine a néanmoins reproché à Ryad de faire le jeu de la Russie, sous le coup de sanctions occidentales, en menant conjointement avec elle une politique pétrolière visant à doper les prix sur les marchés mondiaux.
Devenir une puissance moyenne mondiale
Critiquée par les pays occidentaux pour son refus de condamner la Russie, la Chine sera représentée à la réunion de Jeddah par son émissaire pour l’Ukraine, Li Hui. L’Inde et l’Afrique du Sud ont aussi fait savoir qu’elles participeraient.
L’Arabie Saoudite, après plusieurs années de diplomatie erratique sous la houlette du prince héritier Mohammed ben Salmane, se voit aujourd’hui en médiateur international.
Le royaume a assaini ses relations avec ses propres rivaux, à commencer par le Qatar, la Turquie et même, cette année encore, l’Iran et la Syrie. « En accueillant ce sommet, l’Arabie Saoudite veut renforcer son ambition de devenir une puissance moyenne mondiale capable d’être médiatrice dans les conflits », observe Joost Hiltermann, responsable du Moyen-Orient à l’ONG spécialisée International Crisis Group.
Pour Ryad, également à l’œuvre dans les pourparlers sur le Soudan, théâtre d’un conflit depuis mi-avril, le but est aussi de « faire oublier certains de ses échecs passés, comme son intervention au Yémen ou le meurtre de Jamal Khashoggi », dit cet expert à l’AFP.
L’Arabie Saoudite a lancé en 2015 une opération militaire au Yémen voisin pour y soutenir les forces gouvernementales combattant les rebelles Houthis, proches de l’Iran. Les accusations de crimes de guerre et la crise humanitaire, l’une des pires au monde, a terni l’image de l’Arabie Saoudite.
Mais c’est la stupeur provoquée par l’assassinat en 2018 du journaliste critique saoudien Jamal Khashoggi par des agents saoudiens à Istanbul qui a plongé le royaume, jadis discret, dans sa pire crise diplomatique.
« Stratégie classique d’équilibriste »
La volatilité des marchés de l’énergie liée à la guerre en Ukraine a toutefois donné l’occasion à l’Arabie Saoudite de se refaire une place sur la scène mondiale. Désormais, Ryad « veut se voir aux côtés de l’Inde ou du Brésil, car ce n’est qu’en tant que groupe que ces puissances moyennes peuvent espérer avoir un impact », estime Joost Hiltermann.
L’Arabie Saoudite a soutenu les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU dénonçant l’invasion russe ainsi que l’annexion déclarée par Moscou de territoires dans l’est de l’Ukraine.
En mai, le royaume avait convié à un sommet de la Ligue arabe le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui en avait profité pour accuser certains dirigeants de la région de fermer les yeux sur l’invasion russe. Mais Ryad adopte une « stratégie classique d’équilibriste », constate Umar Karim, expert en politique saoudienne à l’université de Birmingham, au Royaume-Uni.
« La Russie verra sûrement une telle initiative de façon très favorable, ou, en tout cas, ne la jugera pas inacceptable », dit-il à l’AFP.
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