L’art coréen à l’honneur

10 septembre 2015 11:00 Mis à jour: 25 octobre 2015 22:24

Le 18 septembre débutera l’année France-Corée, célébrant le 130e anniversaire des relations diplomatiques entre Séoul et Paris. À cette occasion, 85 projets culturels et artistiques sud-coréens ont été mis sur pied.

Dans le cadre « Saison de Corée », le musée Guimet présentera du 14 octobre 2015 au 22 février 2016 l’exposition Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée, l’occasion de nous faire redécouvrir les œuvres de la collection, l’une des plus grandes hors de Corée.

Les origines de la plus grande collection d’Occident

Alors que les premiers liens entre la France et l’Extrême Orient s’instaurent dès le XVIIe siècle quand Louis XIV envoie des jésuites vers l’Empire du Milieu, les relations entre la France et la Corée sont beaucoup plus récentes et datent de la fin du XIXe siècle.

En 1886, avec l’aide de Victor Collin de Plancy, premier diplomate français à la cour de Séoul, Charles Varat est missionné pour rassembler des collections ethnographiques pour le musée du Trocadéro.

L’exposition universelle de 1889 sera l’occasion de présenter aux Français tout ce qui est exotique et singulier : le musée d’ethnographie du Trocadéro présentera ces collections, lors d’une exposition sur la Corée.

En 1891, la collection est déplacée au tout nouveau musée Guimet et en 1893, une galerie coréenne y est mise en place par Charles Varat.

Pourquoi une galerie coréenne ?

Pour Pierre Cambon, commissaire de l’exposition et conservateur des collections coréennes du musée Guimet, « l’idée était de pouvoir présenter l’Asie du nord-est dans sa globalité et sa diversité, la Chine, le Japon et la Corée. La Chine restait la référence et en même temps les sensibilités étaient un peu différentes. Par ailleurs, la question de l’Extrême-Orient occupait la Une des journaux, avec la guerre sino-japonaise et ensuite la guerre russo-japonaise. La Corée était au centre de ces guerres et à ces deux titres, la Corée intéressait Paris ».

« Aujourd’hui », précise le commissaire, « l’idée est toujours de montrer un panorama le plus complet possible de l’Asie du Nord, mais cette fois-ci en montrant les connections et les échos entre les trois pays : la Chine, le Japon et la Corée. En France, on connaît mieux l’art contemporain ou le cinéma coréen que le patrimoine coréen. On est plus habitué au Japon et on attribue souvent aux Japonais des choses qui sont en fait chinoises, ou reprises de Chine et déclinées par les Japonais en oubliant l’étape coréenne. »

Cinq siècles de peinture coréenne

Dans le cadre de Tigres de papier, cinq siècles de peinture en Corée, le musée Guimet propose un voyage à travers cinq siècles d’art coréen.

130 œuvres remarquables, de la dynastie Choson (1392-1910), retracent les thématiques et l’évolution de la peinture coréenne entre le XIVe et le XVIIe siècle. Rouleaux, peintures, albums, paravents, céramiques, jarres et mobiliers aux thèmes religieux ou profanes évoquent la vie et les croyances d’une société confucéenne qui fit sienne les codes du palais.

Le parcours de l’exposition relate trois périodes majeures de cette dernière dynastie, dont le règne s’étend sur 600 ans : l’âge d’or (XVe-XVIe), un « siècle des Lumières » (XVIIe-XVIIIe) et une voie coréenne (XIXe-XXe).

« La Corée est toujours restée autonome, mais sous protection chinoise. Elle a été influencée par la culture chinoise. On pourrait la comparer dans un sens à l’Italie de l’Est », explique Pierre Cambon.

Paravent Chaek’kori (détail) Corée, XVIII-XIXe siècles, Paravent à six panneaux, couleurs sur papier,  Collection Lee Ufan (2001). (© Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais/Thierry Ollivier)
Paravent Chaek’kori (détail) Corée, XVIII-XIXe siècles, Paravent à six panneaux, couleurs sur papier, Collection Lee Ufan (2001). (© Musée Guimet, Paris, Dist. RMN-Grand Palais/Thierry Ollivier)

L’âge d’or

La Corée Choson souhaite instaurer un royaume idéal, un royaume lettré. C’est aussi à cette époque que l’alphabet hangul propre à la Corée est établi. Les peintures se caractérisent par des paysages et le genre animalier. Le paysage se réfère au style des Song du Sud, avec la présence de montagnes aux formes vertigineuses et de paysages fantomatiques qui émergent des brumes et expriment une vive sensibilité plus visuelle que la peinture chinoise.

« De la période qui précède l’âge d’or, toute la peinture profane a été détruite », dit Pierre Cambon. « À part la peinture murale » datant des Trois Royaumes (Ier-VIIe siècle), où des archers à cheval poursuivent un tigre, « il ne reste que la peinture bouddhique et chamanique. »

Le tigre en Corée a une longue histoire. Du chamanisme au bouddhisme, le tigre se retrouve aux côtés de Sansin, dieu de la montagne, auquel la plupart des monastères de l’époque Choson vouent un pavillon. Le tigre renvoie aux mythes fondateurs du peuple coréen et se retrouve associé à la légende de Tangun. On le retrouve parfois en compagnie d’immortels issus du taoïsme, mais avant tout il renvoie à l’environnement local, symbolique du culte des montagnes.

XVIIe-XVIIIe : un siècle des Lumières

« À cette époque, la Corée se coréanise », résume Pierre Cambon. « C’est le siècle des lumières coréennes. Nous trouvons les premières scènes de genre à la coréenne, les premières peintures de paysage à la coréenne, les premiers textes littéraires rédigés en alphabet coréen, le hangul, car avant la référence était systématiquement chinoise. »

Le XVIIIe siècle est caractérisé par une période de stabilité et de paix, une ouverture vers d’autres mondes et des réformes, après la guerre Imjin (invasions japonaises de la Corée entre 1592 et 1598).

C’est aussi l’essor de la peinture en bambou. La peinture en Corée exprime à travers le bambou ou la branche de prunier un monde silencieux après la guerre. « L’approche chinoise du bambou est plus conceptuelle et métaphysique, en Corée elle est plus romantique et élégiaque », explique Pierre Cambon.

Plus tard, le thème des monts de diamants inspire le peintre Chong Son (1676-1759), thème cher à la tradition coréenne avec une symbolique teintée de chamanisme, premier exemple de paysages coréens représentés d’après nature.

« Le Mont de diamant est un thème très populaire. Dans les peintures de montagnes, il y a à la fois l’approche lettrée et un côté chamanique. La peinture coréenne est caractérisée par cette juxtaposition des univers bouddhistes, confucianistes et taoïstes, à la fois structurée et fantaisiste, avec l’ouverture vers l’Occident. On le trouve parfois à l’européenne, avec des versions presque abstraites », continue le commissaire de l’exposition.

Créatures mythiques

C’est à cette époque que les images des créatures mythiques, tels le dragon et le phénix, se développent en Corée.

Associé au pouvoir et à la monarchie, le dragon – ou maître des pluies – est une créature mythique qui renvoie à la Chine. Dans la version coréenne, il est représenté tout en souplesse au milieu des nuages et symbolise l’énergie du monde, de la nature, témoin d’un univers surnaturel et de la force des éléments. Symbole royal à l’origine, le dragon se popularise au XVIIe siècle et devient l’un des motifs préférés des céramistes de l’époque.

Le phénix, apparaît, lui, au XVIIIe siècle comme l’un des motifs récurrents sur les porcelaines. Si la référence est chinoise sa déclinaison est manifestement coréenne par sa fraîcheur et sa simplicité, son harmonie des couleurs de tonalités franches basée sur des contrastes de rouge, de vert, de bleu ou de jaune.

Traditionnellement, le phénix sert de messager entre les sphères célestes et le monde d’ici-bas, mais il peut apparaître de façon plus familière lorsqu’il nourrit sa progéniture, le bec grand ouvert, sous le soleil couchant.

XIXe et XXe siècles

Dernière phase de la peinture Choson, cette période est celle d’une transformation faite de bouillonnement et d’innovation. Confrontée à la modernité, la Corée entend rester elle-même selon ses propres règles offrant une peinture qui exprime la juxtaposition de traditions et le maintien d’un royaume idéal confucéen, à l’écart des turbulences qui s’emparent de l’Asie du Nord-Est. Les paravents puisent dans un répertoire ancestral sur fond de thèmes favoris comme les dix symboles de longévité, le banquet chez Xiwangmu, la Déesse de l’Ouest, le soleil et la lune qui dominent les cinq pics.

 

Infos pratiques

Musée national des arts asiatiques – Guimet : 6, place d’Iéna – 75116 Paris

Ouverture au public de 10h à 18h

Plein tarif : 7,50 €,

tarif réduit : 5,50 €

Tél : 01 56 52 54 33

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.