SOUTHAMPTON, N.Y. — On ressent une joie instantanée lorsqu’on regarde les fleurs peintes de Katie G. Whipple. Lorsqu’on observe plus attentivement, chaque fleur nous révèle toutes sortes de choses. Chacune rayonne de beauté et de grâce. Même celles avec des pétales fanées nous émerveillent en nous rappelant notre vulnérabilité face à l’adversité ou à la nature éphémère de la vie.
« Je peins une fleur par jour », dit Katie Whipple dans son studio d’été à Southampton, qu’elle partage avec son mari, l’artiste Brendan Johnston. Elle est assise devant un grand tableau d’une branche de cognassier, partiellement fleurie, liée à des tulipes et des jonquilles.
Elle venait de finir et de signer le dernier tableau qui devait être expédié en Californie pour l’exposition « Three Under Thirty », avec deux autres jeunes artistes, dans la galerie Arcadia Contemporary.
« Même si je suis assez jeune, je peins depuis longtemps, depuis plus de 20 ans ! » dit-elle en riant. Elle a commencé à peindre à l’âge de 4 ans avec sa mère.
Aujourd’hui, à 26 ans, après avoir terminé une formation académique rigoureuse au Grand Central Atelier (GCA), Katie Whipple peut peindre tout ce qu’elle veut représenter avec une grande dextérité. Cette année, elle a choisi de peindre des fleurs, ou peut-être que les fleurs l’ont choisie, sachant qu’elle les sublimerait au-delà de leur rôle décoratif.
S’épanouir dans le jardin
La carrière de Katie Whipple s’est développée sur une trajectoire ascendante constante. Avant de terminer ses études, elle a commencé à enseigner au GCA et a remporté des prix sur son parcours, y compris le prix Alma Schapiro, qui lui a permis d’aller étudier les œuvres des anciens maîtres à Rome. C’est dans les jardins de l’Académie américaine de Rome qu’elle a commencé à exécuter des peintures botaniques de vigne, de fleurs, de légumes, de citronniers, d’orangers et de pommiers.
En revenant aux États-Unis, elle a été chargée par l’Institut C.S. Lewis de l’Ohio de peindre l’Annonciation, un triptyque dans la Bible montrant le moment où l’ange Gabriel annonce à la vierge Marie qu’elle donnera naissance à Jésus. La peinture a des citronniers en arrière-plan et plusieurs décorations florales. Tandis qu’elle peignait les personnages de Gabriel et Marie, elle avait envie de retourner peindre les fleurs en arrière-plan.
Dans ce tableau, une branche du citronnier au niveau de la bouche de Gabriel s’allonge du panneau de gauche jusqu’à Marie sur le panneau de droite. « C’était ma représentation de la parole », dit Katie Whipple. C’était comme si un ange en fleurs lui murmurait à l’oreille qu’elle allait donner naissance à de nombreuses peintures florales. « Cette révélation m’a vraiment surprise car j’avais toujours pensé que je peindrais des portraits », a-t-elle dit.
Le lendemain après avoir déposé L’Annonciation en Ohio, j’ai pensé : « Bon… retournons au travail. Pas de pause, pas de dépression post-projet », dit-elle en riant. C’était il y a environ un an et demi. « Je n’ai tout simplement pas arrêté de peindre des fleurs depuis. »
Inventer de magnifiques arrangements floraux
Les arrangements floraux que Katie Whipple peint ne peuvent exister que comme tableaux. Contrairement à d’autres peintres qui placent un bouquet dans un vase et peignent l’éclosion des fleurs jusqu’à ce qu’elles tombent, Katie Whipple peint une fleur à la fois. Elle crée son arrangement floral à mesure qu’elle peint.
Elle mentionne qu’elle a développé sa propre méthode qui lui permet de consacrer une journée entière à chaque fleur, en exprimant en détail la différence entre chacune. Comme les incroyables bouquets peints à l’âge d’or des maîtres hollandais, Katie Whipple peint des fleurs que nous ne pourrions jamais voir fleurir ensemble en même temps dans la nature.
« J’adore la façon dont on peut créer des choses qui ne peuvent exister que dans un tableau, et en particulier avec des fleurs, qui sont très éphémères », dit-t-elle.
Parfois, elle doit être créative pour se dépanner. Elle utilise des rubans et des cordes pour maintenir chaque fleur en place, en particulier pour les tulipes, car elles bougent beaucoup et continuent de grandir après avoir été coupées.
En regardant la peinture derrière elle, elle dit : « J’ai aussi utilisé des cordes et du ruban adhésif pour soutenir les corolles en place. Parfois, mes réglages ont l’air un peu bizarre. » C’était comme si elle venait de révéler le secret d’un tour de magie.
L’utilité de la beauté
Pour Katie Whipple, l’idée que la beauté est dans l’œil de celui qui regarde n’est que partiellement vraie. « Évidemment, tout le monde a des goûts différents, mais il y a une universalité dans ce que nous trouvons beau. Quiconque, quelle que soit sa culture, s’arrête quand il voit la statue ailée de la Victoire au Louvre. Nous pouvons tous vraiment apprécier les choses magnifiques et bien faites. Il y a un langage universel », dit-elle. Les fleurs sont un exemple évident de ce qui est universellement considéré comme beau.
Tout comme les fleurs ont inspiré d’innombrables poèmes, Katie Whipple peut facilement entrevoir le potentiel illimité de la peinture. « Il y a quelque chose à propos des fleurs. Je pense que nous en avons besoin. J’en ai besoin. Elles me ravissent, surtout les jonquilles. Elles ont tellement de caractère. »
Son visage s’illumine quand elle se souvient de sa citation préférée dans Les Misérables de Victor Hugo : « Le beau est aussi utile que l’utile, peut-être plus », dit-elle.
Peindre des fleurs s’est avéré plus utile qu’elle ne le pensait. La transition entre les études et la carrière de Katie Whipple s’est faite tout naturellement. Pourtant, elle a connu un revers au cours de sa quatrième et dernière année d’études au GCA. À 22 ans, elle est tombée malade, et son médecin a diagnostiqué une dépression accompagnée d’anxiété qui se manifestait physiquement chez elle.
Depuis qu’elle peint des fleurs, elle ne souffre plus autant de ces symptômes. Elle n’a plus besoin de médicaments. « Comment peut-on regarder une jonquille rose et ne pas être heureuse ? », dit-elle en riant. « Je n’ai aucune difficulté à aller travailler dans mon studio mais c’était difficile auparavant pendant un certain temps. » Elle est convaincue que peindre des fleurs l’a aidée à surmonter sa dépression et son anxiété.
« Nous avons toujours cultivé des fleurs », a-t-elle dit. Dans un sens, c’est comme si les fleurs l’aident à se cultiver et à développer son talent. Les peindre fait ressortir le meilleur en elle. Toute la joie qu’elle ressent quand elle peint se transfère dans ses tableaux, et quand on les regarde, on sent facilement cette joie.
Apprécier l’art floral à sa juste valeur
Bien que les œuvres des peintres floraux hollandais de l’Age d’or, ainsi que l’artiste français Henri Fantin-Latour, soient très appréciées, les peintures représentant des fleurs ne sont généralement pas considérées comme aussi sérieuses que d’autres genres de peintures, telles que les portraits ou les paysages. C’est peut-être parce que les fleurs sont si belles qu’elles peuvent facilement être perçues comme cliché, c’est donc plus difficile pour une peinture florale d’être considérée comme un chef-d’œuvre.
« J’ai tout simplement décidé de peindre des fleurs le mieux possible en restant fidèle à moi-même », a-t-elle déclaré. Si elle avait commencé à peindre quelque chose d’autre, comme des portraits, en pensant qu’ils sont considérés comme plus importants, dit Katie Whipple, ces tableaux seraient probablement affreux parce qu’elle serait malheureuse.
En regardant son tableau de lys blancs, elle dit : « Je les considère comme des portraits. Tout comme un portrait est la seule façon d’immortaliser quelqu’un, j’aime penser que je donne à ces fleurs une vie plus longue qu’une durée de deux semaines. »
Elle applique aux fleurs toutes les techniques qu’elle a apprises pour peindre des portraits. Peindre des pétales, par exemple, ressemble à peindre la peau humaine « parce qu’elles sont translucides, ont des effets de lumière semblables et sont vivantes », dit-elle.
Peindre chaque fleur est une expérience unique. « C’est important de noter ces nuances individuelles, le rythme dans la conception ». En particulier, comme peintre académique, elle a appris à « ralentir, à faire attention aux petits détails et à voir tous les beaux moments qui se produisent », dit-elle.
Les artistes capturent ces moments. Au temps des anciens Grecs et Romains, tout ce que les artistes et les artisans créaient était sacré et dédié aux divinités, que ce soit une décoration de fond de scène pour une tragédie grecque ou une sculpture en marbre. C’est comme si les peintures de Katie Whipple contribuaient à l’héritage créatif collectif, s’ajoutant aux peintures murales décoratives romaines anciennes qui l’inspirent.
Elle espère que chaque personne honorera sa propre créativité à sa propre façon, en cuisinant de délicieux repas pour sa famille, en construisant des habitations, etc. « C’est une chose très humaine et la beauté en fait partie dès le début », dit-elle.
Les peintures de Katie G. Whipple sont exposées du 15 au 31 juillet 2017 à l’exposition « Three Under Thirty » à Arcadia Contemporary, à Culver City en Californie.
Version originale : Artist Katie G. Whipple Kindles Joy and Contemplation
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