L’audiovisuel public faillit à sa mission de pluralisme, selon l’Institut Thomas More

Par Germain de Lupiac
27 mai 2024 14:05 Mis à jour: 27 mai 2024 14:05

En février, le Conseil d’État donnait à l’autorité de régulation de l’audiovisuel et du numérique (Arcom) 6 mois pour examiner le respect du pluralisme de la chaîne Cnews, suite à une saisine de Reporters sans Frontières. Parmi les pistes de réflexion, le fichage politique de tous les intervenants de la chaîne, journalistes, animateurs et chroniqueurs.

Bien qu’ils remettent en question un tel fichage politique, le think tank libéral Thomas More a pris cette méthodologie à la lettre et l’a appliquée au premier média qui doit la respecter en France, l’audiovisuel public.

Selon leur rapport, l’audiovisuel public,  « financé par l’impôt de tous les Français » , ne respecterait pas ses obligations légales d’impartialité et de pluralisme dans le choix de ses intervenants, représentant en grande majorité les tendances de gauche.

Pour faire ce travail, l’institut n’a pas utilisé les étiquettes habituelles : gauche, droite, extrême gauche, extrême droite, y préférant les courants idéologiques actuels : socialisme, progressisme, libéralisme et conservatisme, avec pour chacun une définition précise du cadre conceptuel.

Un biais idéologique majoritairement marqué  à gauche

L’institut Thomas More a analysé la sensibilité des intervenants dans les programmes de trois chaînes et trois stations du service public : France 2, France 5, France Info TV, France Info Radio, France Culture et France Inter. Au total, les profils de 587 personnes ont été étudiés sur la période du 19 au 23 février (animateurs, chroniqueurs, invités politiques et culture et invités issus de la société civile), pour deux mois et demi de travail d’analyse.

Selon le directeur général Thomas More, Jean-Thomas Lesueur, si la conception « inquisitoriale » d’un pluralisme construit par un fichage politique s’imposait, « elle devrait s’appliquer en premier lieu au service public, financé par le contribuable et soumis à une obligation d’impartialité ». Il a réalisé cet exercice avec son directeur général adjoint, Aymeric de Lamotte et une demi-douzaine de collaborateurs.

Le résultat confirme ce que la plupart savait déjà : si 50% des intervenants n’affichent pas d’orientation idéologique, 25% d’entre eux sont catégorisés sont dans la catégorie « socialiste et progressiste », 21% dans celle « libéral et progressiste » et seulement 4% comme « libéral et conservateur ».

France Info TV est le « meilleur élève du groupe » avec 8% d’intervenants libéraux conservateurs pour 27% de socialistes progressistes, 31% de libéraux progressistes et 34% d’intervenants neutres. Le moins bon élève est France Culture avec 1% d’intervenants libéraux conservateurs pour 28% de socialistes progressistes, 15% de libéraux progressistes et 56% d’intervenants neutres. C’est sur France Inter que les profils de gauche ont l’exposition la plus large avec 7% d’intervenants libéraux conservateurs pour 32% de socialistes progressistes, 24% de libéraux progressistes et 37% d’intervenants neutres.

À titre de comparaison l’Institut publie les résultats des élections législatives de 2022 où la gauche, EELV et l’extrême gauche (NUPES) représentaient 33,2% des voix exprimées, le centre (parti présidentiel) 27%, la droite 13,6% et la droite radicale 24%. Une représentation politique du pays très loin de la représentation des idées faite par le service public.

Pour l’Institut Thomas More, il apparaît que malgré leur devoir d’impartialité et de pluralisme, l’audiovisuel public à une sur-représentation des courants socialistes progressistes et libéraux progressistes et une sous-représentation très marquée du courant libéral conservateur.

Une orientation idéologique des thématiques

La deuxième partie du rapport aborde l’orientation des thématiques traitées par le service public à travers trois thématiques, l’écologie, le multiculturalisme et le traitement des personnalités politiques de droite.

Concernant l’écologie, 55,6% des avis relèvent d’une écologie que l’on peut qualifier de « décroissante » – défendue par les écologistes radicaux et l’extrême gauche, 9,4% d’une écologie « planificatrice » – celle de l’actuelle majorité, 7,8% d’une écologie « réaliste » et 17,2% d’une écologie « des solutions », plutôt apolitique.

Pour le multiculturalisme, il y a une mise en avant systématique de la diversité. « La totalité des déclarations est systématiquement favorable au multiculturalisme, c’est-à-dire qu’elle propose un éloge de la diversité, présentée comme une chance pour le pays d’accueil et une condition pour le développement d’une société plus harmonieuse. La fierté de sa culture ou de ses racines est considérée avec scepticisme quand ladite culture est française, mais fortement valorisée quand elle est étrangère » peut-on lire dans le rapport, et ce quelque soit les médias de l’audiovisuel public.

Concernant le traitement des personnalités politiques qualifiées de « libéral conservateur », l’hostilité est affichée et assumée. Parmi les déclarations faites sur les six chaînes de télévision et de radio publiques, 57% expriment une opinion défavorable à leur égard, 8% une opinion favorable et 35% une opinion neutre. La foi catholique du député européen François-Xavier Bellamy est, par exemple, moquée sur France Inter. Le RN est considéré unanimement comme un danger pour la démocratie et proche du nazisme, alors que les idées du Parti communiste, qui s’est « engagé aux côtés d’Hitler à l’occasion du Pacte germano-soviétique », connaissent un traitement favorable.

La promotion d’une déconstruction de la jeunesse

Les équipes de l’Institut Thomas More présentent ensuite plusieurs études de cas sur France Inter, l’émission Compléments d’enquête, la question de l’euthanasie – très largement promue par le groupe, ou encore les contenus de la plateforme France TV Slash, destinée aux jeunes.

Pour cette dernière, la cible officielle est le public de 18-30 ans, alors que de nombreux programmes sont destinés à des cibles plus jeunes, en mettant en scène des lycéens évoluant dans les problématiques de l’homosexualité, du féminisme, du racisme ou de l’oppression des minorités et y défendant toujours le progressisme.

Selon le think tank, l’obligation de pluralisme devrait être plus drastique en raison de la jeunesse du public, en citant l’article 1.1 4 de la Charte des antennes de France Télévisions, selon lequel « France Télévisions développe un ensemble de services qui, par leur diversité, contribuent au pluralisme des courants de pensée et d’opinion, permettant à tous les publics, et notamment à la jeunesse, d’exercer son libre choix entre des programmes qui garantissent l’expression des différents points de vue et analyses ».

Les différents programmes de cette plateforme ont été classés selon les qualifications suivantes : « Neutre » , « progressiste » et « conservateur ». Si 44% d’entre eux sont neutres, 56% sont considérés comme progressistes et 0% conservateurs. Les 56% des programmes qualifiés de progressistes contiennent systématiquement les concepts, idées ou représentations relevant de l’univers LGBTQIA+ , sans aucune contradiction directe ou indirecte. L’Institut relève un biais de représentativité par rapport au public alors qu’en France seuls 3,2% des personnes se définissent comme homosexuelles et 4,8% comme bisexuelles, selon une enquête IFOP pour la Fondation Jasmin Roy Sophie Desmarais.

L’audiovisuel public se défend 

Le rapport de l’Institut Thomas More a fait la Une du Figaro Magazine du 24 mai, pointant le manque de professionnalisme de l’audiovisuel public. Dans un communiqué , Radio France répond que ses équipes sont sensibilisées et mobilisées quotidiennement pour le respect du pluralisme. Le groupe public se défend en dénonçant une interprétation de la part de l’Institut Thomas More et les propres biais libéraux du think tank.

À quoi Jean-Thomas Lesueur a répondu qu’une recherche minutieuse et impartiale avait été conduite concernant les intervenants non-neutres, en étudiant leurs positions politiques ou idéologiques prises publiquement dans des livres, des médias ou sur les réseaux sociaux.

La mission du service public en question

En juillet 2023, Delphine Ernotte, présidente de France Télévision déclarait lors de son audition à l’Assemblée nationale : «Je tiens à dire qu’on ne représente pas la France telle qu’elle est parce que si on représentait la France telle qu’elle est, on aurait toujours 5% de femmes dans les expertes (…) mais on essaie de représenter la France telle qu’on voudrait qu’elle soit », montrant la volonté du groupe public de ne pas représenter la pluralité des opinions, mais cherchant plutôt à imposer les leurs. De son côté, la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, assumait sur le Figaro en mars 2024 sa ligne progressiste : «Les faits, c’est que nous sommes une radio progressiste, et nous l’assumons».

Pour l’Institut Thomas More, qui voulait montrer par cet exercice le danger de la catégorisation politique si elle était appliquée, « au terme de cette étude, nous croyons que l’ensemble des éléments présentés permet d’établir le constat solide et argumenté que l’audiovisuel public faillit à sa mission de pluralisme en ce qu’il ne diffuse pas équitablement les différents courants d’opinion ».

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