Si la révolte sécessionniste ne cesse de prendre de l’ampleur au Cameroun anglophone, elle reste encore sans véritable chef ou figure charismatique, mais avec une diaspora devenue le fer de lance de la contestation et de plus en plus tentée par la violence à mesure que la répression s’est accrue dans le pays, selon des analystes.
La fronde anglophone actuelle, qui a éclaté fin 2106 et menace désormais de tourner à « l’insurrection armée » selon le International crisis group (ICG), s’est d’abord canalisée autour du « Cameroon anglophone civil society consortium (CACSC) », baptisé localement « le Consortium ».
Formé en décembre, il était initialement constitué de quatre associations d’avocats et de plusieurs syndicats d’enseignants, plutôt modérés et partisans du fédéralisme, avec comme président Félix Khongo Agbor Balla.
Le « consortium » a été dissous en janvier et deux de ses responsables arrêtés. Ils ont été libérés depuis mais plusieurs de ses membres ont fui à l’étranger, où ils ont abandonné la ligne fédéraliste pour venir grossir les rangs des sécessionnistes.
Dans les régions anglophones du pays (Sud-ouest et Nord-ouest, qui représentent environ 20% des 23 millions d’habitants), le combat sécessionniste « s’appuie sur des relais locaux » qui agissent dans la « semi-clandestinité » avec une efficacité certaine, observe l’universitaire Mathias Eric Owona Nguini, chercheur à la Fondation Paul Ango Ela, spécialisée dans les analyses géostratégiques en Afrique centrale.
Sur le terrain, les incidents se sont multipliés de façon alarmante ces derniers mois. Si des divergences persistent sur la stratégie et les modes opératoires, plusieurs petits groupes sécessionnistes, encore sans visibilité, ont fait leur apparition, prônant ouvertement la violence -notamment contre les forces de l’ordre et les francophones- et usant de l’intimidation contre les élites locales hostiles au mouvement.
Les sécessionnistes augmentent et se nourrissent de la répression
Mais le combat politique est « mené de l’étranger » par des figures agissant à visage découvert et assumant ouvertement l’indépendantisme, estime M. Nguini Owona.
Aux Etats-Unis où il réside, Julius Ayuk Tabe Sisiku, le « président » autoproclamé de l’Ambazonie se déplace avec une garde rapprochée. Sur sa page facebook, cet ingénieur informatique, peu connu de l’opinion au Cameroun, donne des directives et administre l’Ambazonie, travaillant en coulisses pour la reconnaissance internationale de son « pays ».
Des membres exilés du Consortium, Wilfred Tassang et Harmony Bobga, ont annoncé la création d’un « Southern Cameroons Ambazonia Consortium United Front » (SCACUF) qui prône l’indépendance et pilote la lutte contre Yaoundé.
Des militants en exil du vieux Southern Cameroon national council (SCNC), un mouvement clandestin défendant la sécession, décapité ces 20 dernières années par les services de sécurité, sont venus grossir leurs rangs.
Dans le pays, un célèbre animateur de radio locale, Mancho Bibixy alias « BBC », s’est révélé à l’opinion comme la voix des radicaux à Bamenda. Mais il a été arrêté dès janvier et reste emprisonné pour « terrorisme ».
« Cette crise marque un renouvellement générationnel au sein du mouvement anglophone et de la diaspora », observait ICG dans un rapport publié en août. « Les porte-étendards historiques de la question anglophone issus du SCNC, du Cameroon Anglophone Movement ou des AAC ont été peu entendus. Aux militants des années 1990, issus de l’université du Cameroun qui ont émigré à partir de 1995, ont succédé des jeunes issus de l’université de Buea et de l’University of Buea Student Union, qui ont quitté le Cameroun plus récemment ».
La « radicalisation » de certains anglophones est la résultante d’un intense activité de « propagande » menée depuis l’extérieur via les réseaux sociaux, et qui surfe sur le sentiment de marginalisation des populations locales, estime le chercheur Nguini Owona.
Les séparatistes s’appuient aussi sur une chaîne de télévision câblée, la Southern Cameroon Broadcasting Corporation (SCBC TV), depuis l’Afrique du sud, interdite au Cameroun.
« La mobilisation sur Internet a contribué à exacerber le ressentiment des anglophones et à populariser les idées sécessionnistes », analyse également ICG, pour qui « la diaspora a donné à la crise une visibilité au niveau international (…) ».
Mais cette même diaspora « n’a pas impulsé cette crise, contrairement aux précédentes contestations. Son rôle n’est devenu prépondérant qu’après l’arrestation des responsables du Consortium » en janvier.
Pour le centre de prévention des conflits, l’idéologie séparatiste se nourrit désormais de la répression menée par les autorités, en particulier la « répression meurtrière » des manifestations de proclamation « d’indépendance » le 1er octobre qui aurait fait des dizaines de morts.
Dans ce contexte, « les rangs des sécessionnistes augmentent de jour en jour, et certains d’entre eux évoquent plus résolument l’idée de l’auto-défense ».
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