« J’ai soudainement senti une douleur intense dans ma jambe gauche. J’ai essayé de l’atteindre… avec mon unique bras, mais me trouvant trop faible, j’ai appelé l’infirmier et lui ai demandé :« S’il-vous-plaît aidez moi à gratter la démangeaison dans mon mollet gauche. » Il a répondu : « Le mollet ? Nous avons dû l’enlever ! »
La partie inférieure du soldat américain George Dodlow n’était plus là, mais il pouvait toujours la sentir. La sensation émanant de son membre manquant semble impossible à expliquer logiquement, et pourtant Dodlow – qui a perdu son bras et sa jambe durant la Guerre civile – est l’un des milliers de cas du syndrome du membre fantôme que le neurologiste du XIXème siècle Weir Mitchel a rapporté au cours de sa longue carrière. De nos jours, certaines estimations suggèrent que près de 80% des patients amputés autour du monde expérimentent cet étrange phénomène. Des individus ayant perdu un membre, un oeil ou une dent continuent à percevoir les sensations du toucher, de la chaleur, du froid et de la douleur dans leur anatomie physiquement non-existante.
De la même façon, il existe un certain nombre de cas dans lesquels des patients paralysés ayant été sujets à l’examen médical le plus rigoureux ne semblent pas avoir de problèmes physiques. Leurs muscles et leurs vaisseaux sanguins présentent l’immobilité attendue dans la paralysie habituelle, et pourtant les nerfs correspondant au membre qui ne réagit pas apparaissent normaux.
Qu’y a-t-il alors derrière cet étrange phénomène ? De nombreux neurologues pensent qu’avec la perte d’un membre, la zone dans le cerveau correspondant à ce membre devient inactive, entraînant les senseurs somatiques adjacents à provoquer des réponses comme la douleur ou l’engourdissement. En 1998, les professeurs de psychologie à l’Université Vanderbilt Neeraj Jain, Sherre L. Florence et Jon H. Kaas ont conduit des études montrant que la douleur du membre fantôme pourrait être dû au cerveau essayant de se réorganiser après un trauma.
« Il y a encore peu de temps, la plupart des neuroscientifiques pensaient le cerveau programmé et quasiment incapable de se réorganiser. Les seules zones du cerveau où certaines réorganisations auraient pu se produire seraient celles impliquées dans l’apprentissage et l’acquisition de la technique. Cependant, au cours des vingt dernières années, il a été définitivement établi que même les zones sensorielles primaires du cerveau sont capables de réorganisation en réponse à des blessures ou à des changements dans les modèles de stimulation périphérique, » écrivent les professeurs de Vanderbilt.
Même ainsi, alors que le cerveau peut expérimenter une réorganisation partielle après un trauma, comment se fait-il que des enfants nés sans un membre présentent les mêmes symptômes que les adultes amputés ?
Le corps intangible
Une des dernières et des plus controversées hypothèses couramment avancées pour expliquer comment le cerveau peut continuer à accommoder une représentation spatiale sensorielle complète du membre perdu est décrite comme un corps intangible ou « microcosmique ». Cette théorie suggère qu’un corps intangible composé de particules subatomiques fonctionnant en accord avec les dimensions physiques de l’organisme expliquerait pourquoi un membre enlevé dans cette dimension cellulaire peut rester intact dans une autre dimension. En outre, elle pourrait expliquer pourquoi dans différents cas, sans qu’il existe d’indication observable de pathologie ou de blessure dans le corps physique, le membre d’un patient refuse de bouger ou ne perçoit aucune sensation.
Cependant, l’existence d’un autre corps composé de particules extrêmement microscopiques est-t-elle scientifiquement possible ? Peut-on vérifier qu’un appendice déterminé, sans avoir d’existence physique, puisse continuer à vivre dans une autre dimension ? Tandis que ces questions en appellent à notre sens de l’émerveillement et de l’imagination, il est peut-être plus important d’appliquer cette théorie pour un traitement efficace. S’il y a un « autre corps, » comment peut-on alors y accéder ?
Dans son livre Phantoms in the Brain, le Dr. V. S. Ramachandran écrit sur un curieux cas de membre fantôme. Un de ses patients a vu son bras amputé à la suite d’un accident de voiture, et a pourtant souffert d’une forte douleur dans son bras manquant qui a duré des années. Après l’amputation malheureuse de son bras, le patient a souffert d’une douleur aigüe émanant de son membre manquant – de là où se situait sa main jusqu’à moignon de son coude. Selon le patient, la cause de sa douleur persistante est apparue au moment où son bras a été enlevé. Réagissant à la procédure en enfonçant les ongles de sa main dans sa paume, le patient a eu l’impression de sentir que sa main s’était définitivement figée dans un poing serré.
En cherchant un moyen d’apaiser la douleur mystérieuse de cet individu, le Dr. Ramachandran a créé un dispositif pour l’aider à s’associer à son membre fantôme : une petite boîte rectangulaire avec une paire d’emmanchures et un miroir qui divise le dispositif en deux compartiments. Le patient devait étendre les deux bras vers la boîte, introduire sa main indemne à l’intérieur, et avec l’aide du miroir devait imaginer que sa main amputée se trouvait toujours de l’autre côté. De cette façon, avec sa main visible s’ouvrant très lentement, le patient a pu sentir que ses ongles se sont finalement retirés de la paume de sa main manquante.
Entre médecine et mysticisme
Dans la théorie du « corps intangible, » lorsqu’un membre est enlevé, la procédure n’affecte pas les dimensions plus profondes. L’énergie ainsi que les particules incorporelles de l’organisme restent attachées à l’individu et à son cerveau dans d’autres dimensions, bien qu’ils s’adaptent et se transforment selon les exigences de l’état physique.
Bien que cela puisse sembler un peu mystique à première vue, la théorie n’est qu’une question de perspective. Par exemple, lorsque la médecine occidentale observe l’inflammation d’un ulcère, la médecine chinoise traditionnelle peut y voir un blocage de l’énergie vitale (le qi). Chaque système prend une approche différente pour le traitement, mais dans les deux cas les symptômes cessent quand le patient est guéri. Bien que le système de méridiens de la médecine chinoise ne soit pas « visible », il a néanmoins été utilisé pendant des milliers d’années pour traiter une grande variété de problèmes de santé dans le corps physique.
« En médecine chinoise si un patient perd un organe, un membre ou n’importe quelle partie anatomique du corps, l’énergie de ce tissu et les méridiens correspondants avec les points d’acupuncture restent », explique Mary Helen Lee, une praticienne en médecine orientale de Chicago. « Un traitement d’acupuncture peut être utilisé sur le méridien de l’organe manquant ou sur le membre opposé restant pour soigner la douleur fantôme. »
Le phénomène du syndrome du membre fantôme questionne la vraie nature de notre corps, son interaction avec l’esprit et avec l’environnement qui l’entoure. Ces patients ne souffrent-ils qu’en raison d’un problème dans le cerveau, ou cela indique-t-il un processus plus profond ? Dans la même optique, nos noyaux atomiques meurent-ils après la désintégration cellulaire, ou survivent-ils d’une manière ou d’une autre dans un état invisible à la vue ?
Version originale : The Other Body
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