Le nouveau film des frères Coen rend hommage à l’industrie cinématographique de l’âge d’or d’Hollywood, il revisite ses codes, ses paradoxes, ses vertus et ses défauts.
Quinze ans après Barton Fink, Joel et Ethan Coen reviennent aux coulisses des grands studios de cinéma.
Eddie Mannix (Josh Brolin) est le « fixer » des studios Capitol Pictures, la sœur jumelle de la MGM déjà présentée dans Barton Fink. Le personnage est inspiré d’un véritable « fixer » qui portait le même nom et dont le rôle est de régler tous les problèmes des studios : la réputation des stars, les mariages, les castings, l’image, l’unanimité sur les thèmes sensibles, répandre ou démentir les rumeurs, bref un travail sans fin et sous pression.
En passant avec Eddie Mannix d’un studio à l’autre, le spectateur redécouvre avec bonheur l’éventail de l’ « Entertainment » proposé par les grandes usines cinématographiques telles la MGM ou la Paramount. Des péplums aux comédies musicales, des westerns aux drames sophistiqués sans oublier les films de ballets aquatiques avec la championne Esther Williams interprétée délicieusement par Scarlett Johansson.
« Je n’ai pas d’opinion »
Ave César ! présente le collage trompeur et magnifique avec lequel est fabriquée la poussière des étoiles hollywoodiennes. Et comme toujours chez les frères Coen, chaque composante, chaque scène est ambigüe, véhiculant un va-et-vient entre idéologie et réalité, passé et présent, bien et mal.
Une attitude exposée magistralement dans l’une des premières scènes se concluant par les mots d’un rabbin qui après avoir tout dénigré, finit par dire « Je n’ai pas d’opinion ».
Idéologies et croyances sont au cœur de ce film qui s’ouvre dans l’église où Mannix va se confesser. Il y va à chaque fois qu’il a un dilemme moral à régler ou qu’il a fumé une cigarette alors qu’il a dit à sa femme qu’il arrêtait… donc quasiment tous les jours. Une scène qui ferait surgir le nom de Martin Scorsese dans la conscience du spectateur. Serait-ce pour suggérer que l’enfer est pavé de bonnes intentions ? Ou au contraire, pour nous dire que la croyance candide nous permet de traverser les épreuves de la vie sans avoir forcément à s’en remettre à des « psy », comme les « braves gens » d’antan.
Après avoir sauvé une starlette des mains d’un paparazzi qui allait détruire sa carrière, Eddie Mannix réunit des représentants des principales religions pour parler de son prochain péplum dont le héros , un centurion subjugué par le Christ – interprété par la méga star Baird Whitlock (George Clooney).
Ainsi cette scène apparaît comme une blague juive américaine : « un curé un prêtre et un rabbin se réunissent pour parler de Jésus… » Et pourtant cette scène nous rappelle également que dans les « fifties » pour assurer un block Buster il ne fallait surtout pas susciter la polémique.
Des boulons dans la machine
Baird Whitlock (George Clooney), l’acteur le plus prisé d’Hollywood interprète un centurion converti au christianisme. Il est kidnappé en jupette romaine par des scénaristes communistes qui « en ont assez d’être exploités par les studios ». Dans une villa hitchcockienne au bord de mer, la bande lui inocule le « virus du marxisme ». Whitlock est sauvé par un cowboy cascadeur star de westerns reconverti pour les besoins des studios en acteur de drames psychologiques (Alden Ehrenreich).
Whitlock, de son retour aux studios avec des idées révolutionnaires plein la tête, recevra quelques claques d’Eddie Mannix pour lui rappeler sa place dans la grande machine à stars, dans laquelle chacun doit jouer son rôle au mieux et ne pas trop réfléchir dans l’intérêt général et pour que le film soit réussi.
Ave César ! n’est pas un film nostalgique. Il dégage le plus grand respect – bien que mêlé d’ironie – envers cet enfer consumériste pavé de bonnes intentions. Entre deux scènes étourdissantes de comédie musicale, de claquettes ou de ballet aquatique à plongeons, les références cinématographiques s’enchaînent.
Le plus grand respect est également manifesté envers les gardiens du rêve hollywoodien tel Eddie Mannix car après tout, cet homme qui est responsable de la machine à rêves hollywoodienne est un homme honnête, sincère et dévoué, voire naïf, qui va se confesser tous les jours et rentre chez lui manger le rôti que sa femme lui a préparé malgré son emploi du temps extrêmement.
Eddie Mannix croit profondément en sa mission. Quand il doit choisir entre son travail épuisant et une offre plus rentable d’une société « sérieuse » (puisqu’elle fabrique des avions), mettant sur la balance « le facile et le difficile » il opte finalement pour « le juste », après mûre réflexion, consultation de sa femme et confession bien évidemment.
La moquerie
Les frères Coen n’épargnent aucun aspect de la moquerie.
Les acteurs sont plutôt bêtes et les starlettes vulgaires, manipulés comme des marionnettes par les grands studios. Les stars auxquels rêvent les femmes ont souvent des inclinaisons homosexuelles, les journalistes (des soeurs jumelles interprétées avec délice par Tilda Swinton) sont des « méchantes » et les photographes sont des paparazzi.
Les seuls à avoir un semblant de cerveau sont les réalisateurs qui sont des prétentieux et les scénaristes qui sont des « loosers » cachant leur frustration derrière une idéologie communiste. Ce qui permet de mettre le tout dans le contexte du délire du maccarthysme et de la chasse aux sorcières et en même temps de se moquer des grands films de propagande soviétiques de l’époque pour offrir une intrigue hilarante aux spectateurs.
Et peut-être que finalement, les frères Coen comme le rabbin du début, après avoir tiré leurs flèches sarcastiques dans tous les sens n’ont pas vraiment d’opinion…
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