Comment transmettre la chorégraphie d’un ballet dont il y a peu de traces écrites de son auteur ? Par oral, « de génération en génération » de danseurs, et avec l’appui de la vidéo, répondent répétiteurs et interprètes de Casse-Noisette, œuvre majeure du répertoire classique, dansée à Paris ce mois-ci.
« Tu mets ton énergie presqu’un peu trop devant », « ta direction, elle est là ! ». En cet après-midi de fin novembre, Élisabeth Maurin, professeure du ballet à l’Opéra de Paris et répétitrice sur ce ballet, conseille deux étoiles, Myriam Ould-Braham et Germain Louvet, qui travaillent « le grand pas de deux », dans un studio du Palais Garnier. Dans une autre salle, c’est le corps de ballet, en tutu, qui s’entraîne à La Danse des flocons, sous l’œil attentif de Sabrina Mallem, maîtresse du ballet.
La première de ce classique féérique, qui raconte l’histoire d’une petite fille, Clara, recevant un jouet qui se transforme en prince, a lieu à Paris lundi (les représentations de vendredi et dimanche sont annulées, conséquence d’un mouvement de grève d’une partie du personnel au moment des dernières répétitions). Le ballet est donné jusqu’au 1er janvier.
Conçu en Russie au XIXe siècle par les chorégraphes Marius Petipa et Lev Ivanov, sur une musique de Tchaïkovski, Casse-Noisette est régulièrement dansé, en France et ailleurs, dans sa version créée en 1985 à l’Opéra de Paris par Rudolf Noureev, alors directeur du ballet (1983-1989).
Pourtant, « il n’y a pas d’écrit » de sa main de la chorégraphie, affirme à l’AFP Charles Jude, ancien danseur étoile, chargé de la partie artistique de la Fondation Noureev. Tout au plus « quelques traces sur des dessins, qui indiquent surtout l’architecture de sa chorégraphie, mais il n’y a pas les pas ».
Une transmission de maître à élève
« On a une pratique assez unique », celle de « la transmission orale », explique Élisabeth Maurin, entre deux répétitions. Cette ancienne danseuse de l’institution, qui a décroché son titre d’étoile en 1988 sur ce ballet précisément, fait partie de la « génération Noureev ».
« Je me base sur ce que j’ai reçu, sur le fait de l’avoir travaillé avec les maîtres de ballet nommés à la création » et de l’avoir dansé pendant « une quinzaine d’années », ajoute-t-elle.
À son tour, Myriam Ould-Braham bénéficie de son coaching « oral et physique » pour interpréter Clara, le rôle-titre, qu’elle a déjà dansé en 2009. « C’est un cadeau de l’avoir en studio pour nous transmettre tout son savoir », témoigne-t-elle, alors que la chorégraphie de ce ballet peut paraître « complexe », avec « beaucoup de pas, sur peu de musique ».
« Cette transmission passe aussi par toutes les sensations et visions artistiques qui ont été emmagasinées par les interprètes et nous sont redonnées », estime pour sa part Germain Louvet, qui joue l’oncle Drosselmeyer et le prince.
Sabrina Mallem, engagée dans la compagnie en 1998, n’a pas connu Noureev, mais a appris aux côtés d’un danseur étoile l’ayant côtoyé. De lui, elle a retenu ce qui fait, selon elle, le « style Noureev »: « des ports de bras très arrondis, des positions très précises, des placements impeccables », entre autres.
La vidéo comme outil de travail
C’est « une transmission de génération en génération », qui lui a permis d’acquérir une « mémoire physique » des ballets travaillés.
Pour les danseurs comme les répétiteurs, s’ajoute un outil : la vidéo. L’Opéra dispose de nombreuses archives audiovisuelles. Élisabeth Maurin en visionne pour parfaire sa préparation. Sabrina Mallem étudie les versions en « plans serrés », mais aussi en « plans larges ».
Placements des danseurs, comptage des temps d’une séquence musicale, etc., tout est ensuite consigné dans ses notes. « Je n’ai jamais essayé de changer quoi que ce soit, surtout pas. Une pirouette reste une pirouette, un échappé reste un échappé », dit-elle.
La Fondation veille également : « à chaque fois qu’un ballet de Noureev se remonte à travers le monde, je fais attention à retrouver les personnes les plus adéquates pour remonter l’œuvre et j’y vais moi-même de temps en temps », explique Charles Jude.
Pour autant, « on n’est pas un musée, on travaille aussi avec l’interprète qu’on a en face de soi », souligne É lisabeth Maurin. « La chorégraphie est une chose, l’interprétation, c’est encore autre chose », abonde Sabrina Mallem. Chaque danseur a « sa technique » et « sa sensibilité ».
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