JO 2024 de Paris : le casse-tête chinois du QR code

Par Germain de Lupiac
7 juin 2024 11:04 Mis à jour: 19 juin 2024 09:57

D’abord, il faut comprendre si l’on se situe dans une zone rouge, bleue ou grise, en anticipant les prochains déplacements pendant l’été et en prenant compte des changements de zones, selon les épreuves des Jeux.

Ensuite, il faut demander le Pass Jeux, qui n’a rien à voir avec le Pass Covid insiste le Préfet de Paris. Pour l’obtenir, les résidents vont faire l’objet d’une enquête administrative des services de l’État en recoupant leurs informations personnelles avec les différents fichiers judiciaires. L’objectif de ce système est de réaliser « des criblages de sécurité […] pour s’assurer qu’aucune personne dangereuse ne puisse accéder aux périmètres de sécurité », a expliqué le ministre de l’Intérieur en avril.

Le message d’alerte « extrêmement grave » accompagné d’une sonnerie stridente, envoyé le 15 mai par le ministère de l’Intérieur, avait surpris près d’un million de Parisiens, les poussant à s’inscrire pour avoir le fameux « sésame ».

Un parcours d’obstacles, difficile à comprendre pour beaucoup de Parisiens, tant les situations et les activités sont différentes à Paris. Les restaurateurs demandent quant à eux plus de visibilité, même si beaucoup a déjà été fait, et certains une indemnisation suite aux difficultés d’accès à leur commerce pendant la durée des Jeux.

Le casse-tête des périmètres de sécurité pour les riverains

Cérémonie d’ouverture ou site de compétition ? Piéton ou véhicule ? Zone rouge ou bleue ? Devant la complexité de l’application des zones de circulation et de déplacements, certains Parisiens ont du mal à anticiper. Lors d’une réunion publique à la mairie du XVe arrondissement le 15 mai, une foule majoritairement âgée de riverains semblait perdue.

Le XVe, plus grand arrondissement de la ville, est directement concerné : zone de débarquement de la cérémonie d’ouverture, il comprend le parc des expositions de la porte de Versailles (haltérophilie, handball, volleyball, tennis de table) et jouxte la tour Eiffel (beach-volley) et le Champ-de-Mars (judo, lutte).

Jean-Paul Barbiche, 78 ans, a expliqué à l’AFP ne pas « savoir à quelle sauce (il va) être cuit ». Il se demande notamment comment « rentrer chez soi » pendant l’événement olympique. Moins négative, sa femme Nicole juge « inévitable » qu’il y ait « un peu de bazar dans toutes les grandes manifestations de cet ordre ».

13 sur 25 des sites olympiques franciliens se situent dans Paris intra-muros, une des villes les plus denses au monde, où plusieurs stades éphémères ont été érigés près de certains monuments emblématiques (tour Eiffel, Invalides, Concorde).

Le problème, c’est bien « cette histoire de bleu et rouge » commente la résidente Nicole Barbiche. Difficile en effet, avec le même code couleur, de faire le distinguo entre les cartes de la cérémonie d’ouverture et des sites de compétition, auxquelles il faut rajouter cinq cartes d’épreuves de course sur route (marathon et cyclisme), explique-t-elle.

Une femme « sans téléphone portable » a demandé « comment faire pour utiliser le QR code ». « Vous serez accompagnés dans vos mairies d’arrondissement » pour obtenir un laissez-passer sur papier, lui répond Ivoa Alavoine, déléguée générale aux JO de la mairie de Paris.

Une colle pour M. Nuñez, présent à la réunion : un homme résidant dans le périmètre de protection anti-terroriste (Silt) – la zone grise – de la cérémonie d’ouverture demande s’il doit s’inscrire une deuxième fois pour circuler en tant qu’automobiliste dans la zone rouge. « Je vais regarder cela », lui promet le préfet.

« Ce système est très compliqué », commente un participant qui demande si les organisateurs ont prévu « des simulations » et « des solutions pour les blocages ». Le préfet promet d’ « améliorer la lisibilité de la carte » en haussant le ton: « L’alternative, c’est de tout interdire », les organisateurs « seraient ravis », ajoute-t-il.

Métro, périphérique, livraisons des magasins, accès des touristes, Airbnb, la complexité des cas est vertigineuse. Le maire du XVe, Philippe Goujon, mettant fin à la réunion, a souhaité « bonne chance à tous et à toutes ». Comme pendant la période Covid, les Parisiens pourraient être à la merci de l’appréciation des forces de l’ordre, de la Préfecture et du ministère de l’Intérieur, sans savoir en temps réel exactement quand, comment et jusqu’où ils pourront se déplacer à Paris.

Le casse-tête logistique pour les restaurateurs

Livraison des marchandises dans les zones où la circulation est restreinte, gestion des stocks, circulation des employés… Les restaurateurs se préparent également aux nombreux défis logistiques posés par les Jeux olympiques et paralympiques.

« C’est l’aspect logistique qui va déterminer le comportement des professionnels », estimait début avril Pascal Mousset, président de la branche francilienne du groupement des hôtelleries et restaurations de France (GHR). « Il y a encore beaucoup de professionnels qui ne savent pas ce qu’ils vont faire au mois d’août. Ceux qui étaient ouverts habituellement vont-ils maintenir leur ouverture, ceux qui étaient fermés habituellement vont-ils ouvrir? », s’interroge le restaurateur. « Aujourd’hui, on n’a pas de vision claire », estime-t-il alors qu’approche l’échéance pour donner leurs congés payés aux collaborateurs.

Au cœur des préoccupations : la circulation, avec l’activation à partir du 15 juillet des 185 km de voies olympiques, réservées au transport des accrédités, aux secours, aux taxis et aux transports en commun. Viendront s’y ajouter, les jours de compétition, des zones de circulation restreintes, rouges, bleues ou grises, en fonction de la proximité avec les sites olympiques et la fermeture des trois ponts majeurs pour traverser la Seine (le pont du Carrousel, le pont de l’Alma et le pont Royal).

« Beaucoup de travail a été fait… Si on va sur le site de la mairie de Paris aujourd’hui, on a techniquement toutes les informations qui concernent les professionnels sur l’organisation du travail au quotidien pendant la période », assure de son côté David Zenouda, un dirigeant de la branche parisienne de l’Union des métiers et des industries hôtelières (UMIH).

Sur le site anticiperlesjeux.gouv.fr, une carte interactive permet de visualiser les zones restreintes. Divers outils pour aider les professionnels dans leurs déplacements vont également voir le jour, comme l’application Joptimize, sorte de « Waze des JO » qui « permettra en temps réel en fonction des épreuves de savoir où, comment et combien de temps il faudra, pour circuler dans Paris », détaille David Zenouda.

« On avait beaucoup d’inquiétudes par rapport aux livraisons de nos clients sur Paris mais la préfecture a été rassurante », rapporte à l’AFP Alexandre Puech, grossiste au marché de gros de Rungis, près de Paris. « On s’attendait à ce que les livraisons ne soient autorisées que la nuit mais finalement même dans les zones rouges, on pourra livrer la journée », détaille-t-il, même si lui-même privilégiera les livraisons nocturnes.

De son côté, le syndicat de cafetiers et restaurateurs GHR a demandé le 5 juin au préfet de police de Paris un dédommagement pour les professionnels des quais de Seine. Dans le cadre des préparatifs de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, tous leurs clients devront être en possession d’un laissez-passer numérique afin de pouvoir pénétrer dans cette zone ultra-sécurisée entre les 18 et 26 juillet, jour de la parade nautique.

Un confinement qui ne dit pas son nom

« Ces dispositions sont typiques d’un état d’urgence. Mettre en place de telles mesures dans une situation qui a vocation à être heureuse (…) est extrêmement curieux », avait réagi le sénateur centriste Philippe Bonnecarrère, interpellant le gouvernement dans l’hémicycle en ouverture de la séance publique en novembre.

« Sommes-nous encore libres quand le gouvernement nous fiche, contrôle nos allers et venues et nous confisque arbitrairement l’utilisation de l’espace public ? » interrogeait l’avocat et essayiste Thibault Mercier sur le JDD, assimilant le criblage de centaines de milliers de personnes à un contrôle de masse.

Pour les autorités, le QR Code permettra de circuler « librement » pour assister à une grande « fête populaire ». Il ne s’agira en aucun cas d’une restriction des déplacements et les contours d’un confinement pour des centaines de milliers de Parisiens et de Franciliens. Le risque d’un tel outil numérique est de s’habituer à cette façon de gérer les populations en Occident par des restrictions pouvant être punitives, comme le modèle de crédit social chinois.

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Le préfet de Paris, Laurent Nuñez, assurait sur Franceinfo que le Pass Jeux n’a « rien à voir avec le QR code Covid » ajoutant que « ceux qui assimilent les deux sont dans l’erreur, ou dans la polémique et la manipulation politique ». Pas de place à la nuance du côté des autorités déjà sous pression, dans un contexte international tendu par la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien et le terrorisme islamiste, importés sur le sol français par des forces étrangères et politiques cherchant à alimenter le chaos.

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