BIODIVERSITé

Un allié de l’environnement, de retour dans les rivières françaises : le castor

juin 20, 2024 13:40, Last Updated: juin 20, 2024 14:39
By

Barrière contre l’érosion, créateur de zones humides ou régulateur des cours d’eau … Le castor, quasiment éteint en France il y a une centaine d’années, prospère désormais dans les fleuves et rivières du pays, apportant discrètement sa pierre à la lutte contre les effets des grandes sècheresses.

« Là on peut dire avec certitude qu’un castor est passé par là. » Penché sur une branche de saule pleureur, Stéphane Tessier, un naturaliste membre de l’association Perche Nature, est formel : cette coupe nette en biseau avec de petites dentelures façonnées par les dents du rongeur, « c’est un indice probant ».

Le castor « a arraché l’écorce puis le bois dur jusqu’à couper cette branche d’environ cinq à six centimètres pour aller la manger plus loin. Ça a dû lui demander 15-20 minutes de travail », précise David Caille, agent de l’Office français de la biodiversité (OFB).

Les deux hommes appartiennent au Réseau Castor, qui recense les traces de l’animal pour permettre aux autorités de prendre des arrêtés interdisant certains pièges. Car le castor, longtemps chassé pour sa fourrure, est une espèce protégée.

Un mammifère qui revient de loin

Selon le naturaliste Gilles Larnac, ce mammifère des rivières revient de loin : omniprésent en Europe au Moyen-Âge, il a peu à peu été décimé par la chasse. « Sa fourrure épaisse, sa viande, mais aussi ses glandes à castoréum étaient très prisées, raconte le naturaliste. On s’en servait pour faire du parfum, car la substance sécrétée est très persistante. » Au début du 20e siècle, il ne restait que quelques dizaines de familles en France, dans le Gard et l’Ardèche principalement, et guère plus dans le reste du continent.

« Le castor a été la première espèce protégée, interdite de chasse en 1909, et c’est ce qui l’a sauvé, poursuit M. Larnac. Il y a eu par la suite des opérations de réintroduction, et aujourd’hui, on compterait environ 20 000 individus à travers le pays, dans cinquante départements. » Il n’est désormais pas rare de croiser le nageur, à la tombée du jour, en train de grignoter ou de faire sa toilette. « Pour l’observer, repérez d’abord les lieux en journée, en vous promenant aux bords de la rivière, conseille M. Larnac, qui organise des sorties découvertes dans la région. Si vous apercevez dans l’eau des branches dénudées et rongées, vous êtes certainement dans une zone réfectoire, où les animaux viennent s’alimenter. Revenez de nuit, ou au crépuscule, restez discrets et ouvrez l’œil ! »

Pour exemple, le castor dans le Gard en quelques chiffres 

– 2000 castors vivraient actuellement dans le Gard.

– On compte environ 20.000 poils par centimètre carré de peau du castor, une densité qui empêche l’eau de pénétrer, même après une plongée.

– 7 km/h, voici la vitesse qu’un castor atteint en nageant sous l’eau, soit aussi vite que les nageurs olympiques. Sa queue, plate et écaillée, ainsi que ses pattes arrières, palmées, lui permettent de se propulser.

– Chaque année, la femelle peut mettre bas à deux petits. Après deux ans passés auprès de leurs parents, les enfants partiront en quête de nouveaux territoires.

– Un animal adulte mesure 1,20 mètre, du museau jusqu’au bout de sa queue, ce qui en fait le plus gros rongeur d’Europe.

Des effets sur son environnement « bien davantage bénéfiques que négatifs »

Souvent confondu avec le ragondin – une espèce invasive – et parfois décrié jusqu’en Écosse pour les inondations que ses barrages peuvent entraîner sur les parcelles agricoles, le castor a des effets sur son environnement « bien davantage bénéfiques que négatifs », affirment MM. Caille et Tessier.

« C’est vrai qu’il y a de la méconnaissance, et parfois un manque de tolérance à la cohabitation avec le vivant », estime le naturaliste. Pourtant le castor est « une des rares espèces capable de modeler son milieu à ses besoins, et son travail est précieux pour les écosystèmes », explique David Caille.

Le logo de l’Office français de la biodiversité sur un uniforme du personnel. (Photo LUDOVIC MARIN/AFP via Getty Images)

Végétarien, ce mammifère aux dents acérées se nourrit principalement d’écorces et de branchages. « Il va avoir tendance à abattre une partie de ce qu’il va consommer, ce qui va rajeunir la végétation, créer des trouées amenant de la lumière, et donc favoriser tout un cortège d’autres espèces », selon l’agent de l’OFB.

Un castor nageant dans la Houille, un affluent de la Meuse, près de Thilay. Le castor d’Europe est en effet de retour dans les Ardennes, après avoir disparu pendant plusieurs décennies. (Photo FRANCOIS NASCIMBENI/AFP via Getty Images)

Des études ont montré que la biomasse peut être multipliée jusqu’à 80 en présence de castors.

Sur la rivière française du Loir, il joue aussi un rôle « d’entretien des berges là où l’homme le fait de moins en moins », luttant ainsi contre l’érosion des rives, souligne M. Tessier.

Contre les inondations et les incendies

Ses constructions de boue et de branchages, principalement sur des petits cours d’eau, ont aussi un rôle de lutte contre les inondations, pouvant réduire les débits de crues jusqu’à 60%, selon une étude britannique menée sur une rivière du comté du Devon (sud de l’Angleterre).

« Ça a tendance à retenir l’écoulement, ce qui permet aussi à l’eau de mieux s’infiltrer dans le sol », favorisant le remplissage des nappes phréatiques. Et dans beaucoup de rivières, ses digues retiennent les sédiments qui absorbent et filtrent les polluants, explique l’OFB.

Face à la sécheresse, les castors peuvent recréer des mini-zones humides en bloquant l’eau, servant de refuge aux insectes et batraciens. En cas d’incendies, elles peuvent également stopper la progression des flammes. Ces marécages, en stockant de la matière organique ou des sédiments, servent également à retenir le carbone. En 2018, des chercheurs finlandais avaient calculé que chaque année, les zones humides créées par les castors pouvaient stocker jusqu’à 470.000 tonnes de carbone, mettant toutefois en garde contre un risque d’inversion dans certaines régions.

Mais globalement, malgré ces incertitudes, « je parierais que (les ouvrages de castors) stockent plus de carbone qu’ils n’en produisent », estimait dans une autre étude Jennifer Edmonds, écologiste à l’Université de l’Alabama.

Nathalie Bear-Caubel, ingénieure biodiversité à l’EPAMA (Agence publique pour l’aménagement de la Meuse et de ses affluents) inspecte un tronc d’arbre rongé par les castors sur la Houille, un affluent de la Meuse, près de Hargnies, le 1er août 2019. Le castor d’Europe est également de retour dans les Ardennes. (Photo FRANCOIS NASCIMBENI/AFP via Getty Images)

La cohabitation avec le Castor nécessite parfois une médiation

Selon Thomas RUYS, écologue spécialisé en mammifères sauvages et président de la Société française pour l’étude et la protection des mammifères (SFEPM), la cohabitation avec le Castor nécessite parfois une médiation. Il arrive que les barrages perturbent les activités humaines lorsqu’ils inondent des cultures, des vergers, ou des populicultures. L’espèce peut rogner quelques arbres pour se nourrir, mais cela ne les tue pas. Les rejets renforcent le système racinaire et solidifient les berges. Quoi qu’il en soit, des solutions sont toujours trouvées au cas par cas, par exemple en laissant un espace non exploité sur 30 mètres à partir de la berge, en protégeant les plantations par des manchons, en installant un siphon pour réduire l’effet d’un barrage… Certaines parcelles peuvent aussi être rachetées pour une mise en gestion naturelle compatible avec les inondations. Ces démarches sont assurées par le Réseau Castor. D’abord animé par l’Office français de la biodiversité missionné par le Ministère de l’écologie en 1987, il est désormais élargi au réseau associatif avec une nouvelle charte depuis 2024.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.

Voir sur epochtimes.fr
PARTAGER