Le Ceta « pourrait » s’appliquer malgré un rejet du Parlement, assure Valérie Hayer, tête de liste Renaissance aux européennes

Par Ludovic Genin
26 mars 2024 08:40 Mis à jour: 25 avril 2024 16:15

Le 25 mars, la tête de liste Renaissance pour les européennes Valérie Hayer a assuré que le Ceta pourra s’appliquer même en cas de vote défavorable de l’Assemblée nationale fin mai, après son rejet vendredi par le Sénat. 

Le Ceta, traité de libre-échange entre l’UE et le Canada en application provisoire depuis 2017, « pourrait » continuer à fonctionner même si, après le Sénat la semaine dernière, l’Assemblée venait à le rejeter, a assuré lundi Valérie Hayer, tête de liste Renaissance aux Européennes.

Le Ceta, traité de libre-échange entre l’UE et le Canada

Le Ceta (« Comprehensive Economic and Trade Agreement ») est un traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, qui prévoit 3 types de mesures: une diminution des droits de douane sur 98% des barrières tarifaires, une réduction des réglementations et un tribunal spécial pour les entreprises européennes investissant au Canada, et inversement.

Parmi les principaux arguments en faveur du Ceta, le gouvernement argue que le traité a permis d’augmenter de 33% les exportations françaises vers le Canada entre 2017 et 2023 grâce à la chute des barrières tarifaires. Parmi les secteurs français ayant le plus profité de ces nouvelles règles pour exporter davantage figurent l’agroalimentaire, les vins et spiritueux et les fromages, rapporte la Direction générale du Trésor, mais aussi les produits pharmaceutiques, sidérurgiques et textiles.

De l’autre côté, les éleveurs et les ONG sont vent debout contre un traité qui autorise des quotas pour une viande non soumise aux mêmes critères sanitaires, et sans avoir assorti le texte de clauses de protection. Après le rejet par les sénateurs le président de la Fédération nationale bovine (FNB) a déclaré que c’était « une bonne nouvelle ». « Il y a des bonnes nouvelles de temps en temps », a déclaré Patrick Bénézit, par ailleurs deuxième vice-président du syndicat agricole majoritaire FNSEA, estimant que les sénateurs ont « enfin eu l’occasion de faire le bon choix, celui de ne pas ratifier un traité qui autorise des denrées alimentaires qui ne respectent pas nos conditions de production ».

Pour le moment, le bœuf canadien n’a pas encore déferlé en Europe : l’UE a importé 1360 tonnes l’an dernier contre 340 tonnes en 2016, et la France moins de 30 tonnes en 2023, bien loin des exportations de bœuf européen.

Appliqué même si rejeté par l’Assemblée

Formellement, le traité pourrait en effet continuer à s’appliquer tant que le gouvernement n’a pas notifié à Bruxelles qu’il ne peut ratifier le traité. La France « a des process institutionnels sur ces questions là », a expliqué Valérie Hayer sur Franceinfo, se disant par ailleurs « convaincue que cet accord est bon pour nos agriculteurs ». « Ce sera la décision du gouvernement de voir quelle position sera prise », si l’Assemblée le rejetait, a-t-elle ajouté. Pourrait-il être appliqué même si les deux chambres votent contre ? « Il pourrait », a-t-elle répondu.

Dénonçant une « posture démagogique » de la part de « l’extrême gauche et de la droite française », Valérie Hayer a jugé qu’un rejet serait « dévastateur pour nos agriculteurs français et pour le signal qui serait envoyé à nos partenaires européens ».

« Il y a de bons accords, il y a de mauvais accords, des mauvais accords, on s’y oppose », a tranché la présidente du groupe Renew au parlement européen, citant le Mercosur, accord de libre-échange avec l’Amérique du Sud. « L’accord Ceta était et reste un bon accord pour nos filières ».

Un « déni de démocratie »

Une coalition de sénateurs de droite et de gauche, à l’initiative des élus communistes, a réussi jeudi le tour de force de mettre au vote le projet de loi de ratification du Ceta appliqué provisoirement depuis 2017 à l’échelle européenne mais que le gouvernement n’avait jusqu’ici jamais inscrit à l’agenda de la chambre haute.

Les députés communistes ont déjà annoncé leur intention de proposer son rejet à l’Assemblée en reprenant le texte de leurs homologues sénateurs, le 30 mai prochain, à 10 jours des élections européennes. Mais le gouvernement semble vouloir temporiser et pourrait tarder à déposer le texte sur la table de l’Assemblée.

« Belle conception de la démocratie », commente le député LR de Belfort Ian Boucart quand Thibaut François du RN ironise sur sa « grande considération pour les parlements nationaux ». Manon Aubry, tête de liste LFI, accuse le gouvernement de vouloir « passer en force » sur cet accord, quand sa collègue Leïla Chaïbi fustige un « déni de démocratie en Macronie ».

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