Le chef de la junte birmane sera exclu du prochain sommet de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), a annoncé samedi l’organisation, une mesure de représailles rare à l’encontre du pouvoir militaire qui semble peu enclin à désamorcer la crise.
Les ministres des Affaires étrangères de l’Asean, réunis virtuellement vendredi, ont décidé que Min Aung Hlaing ne serait pas invité au sommet qui se tiendra du 26 au 28 octobre, a déclaré le Brunei, qui assure actuellement la présidence tournante de l’Asean. A la place, il a été décidé « d’inviter un représentant apolitique birman ».
« Progrès insuffisants »
L’organisation, qui regroupe dix pays d’Asie du Sud-Est, a pris cette mesure exceptionnelle après que la junte a rejeté les demandes d’envoi d’un représentant spécial pour dialoguer pour notamment rencontrer l’ex-dirigeante Aung San Suu Kyi, renversée par l’armée en février.
Le communiqué fait état de « progrès insuffisants » dans la mise en œuvre d’un plan en cinq points, adopté en avril, qui devait contribuer à rétablir le dialogue en Birmanie et faciliter l’arrivée de l’aide humanitaire.
Envoie un « signal politique »
La junte a freiné sa mise en œuvre, retardant la visite d’Erywan Yusof, vice-ministre des Affaires étrangères du Brunei, désigné émissaire de l’organisation pour la Birmanie après des mois de négociations.
Pour l’Asean, cette décision est destinée d’abord à « apaiser les critiques internationales », a estimé Mustafa Izzuddin, spécialiste des relations internationales au sein du cabinet de conseil Solaris Stratégies à Singapour.
Southeast Asian foreign ministers will hold an emergency meeting Friday to discuss barring the Burmese military chief from an upcoming ASEAN summit, Indonesia’s ambassador to the regional bloc said Thursday.https://t.co/QbGH2moxLD
— Radio Free Asia (@RadioFreeAsia) October 15, 2021
« Ensuite, elle assoit sa réputation en tant qu’organisation qui peut encore jouer un rôle actif en Asie du Sud-Est », a-t-il déclaré à l’AFP.
Elle envoie un « signal politique » à la junte, selon lequel l’Asean ne se laisse pas faire et que la Birmanie doit montrer son sérieux et son engagement à mettre en œuvre le plan en cinq points, a-t-il ajouté.
Fin d’une parenthèse démocratique de dix ans
La Birmanie, essentiellement dirigée par des militaires depuis un coup d’État en 1962, est une épine dans le pied de l’Asean depuis son adhésion à l’organisation en 1997.
Un coup d’Etat a mis fin le 1er février à une parenthèse démocratique de dix ans. La répression militaire est sanglante contre les opposants, avec plus de 1.100 civils tués et 8.400 emprisonnés, selon une ONG locale, l’Association d’assistance aux prisonniers politiques (AAPP).
L’Asean, souvent jugée inefficace, est depuis l’objet de pressions face à la crise qui s’aggrave.
Elle a exprimé sa déception face au manque de coopération de la junte, qui continue de réprimer brutalement la dissidence.
Décision de l’Asean « complètement justifiée »
La junte s’est opposée à ce que M. Yusof rencontre des personnes faisant l’objet de poursuites judiciaires au premier rang desquels Mme Suu Kyi, 76 ans, lauréate du prix Nobel de la paix 1991.
Elle est poursuivie notamment pour avoir violé des restrictions liées au Covid-19 lors des élections de l’an passé que son parti avait remportées largement et pour importation illégale de talkie-walkie. Elle encourt des décennies de prison.
Un haut responsable de l’administration américaine, a qualifiée de « parfaitement appropriée » et « complètement justifiée » la décision de l’Asean avant même son annonce officielle.
« Dual task: Save Asean, save Myanmar. » Tick tock, I’d say. https://t.co/TQPc5YRLul #WhatsHappeningInMyanmar
— Philipp Annawitt (@p_annawitt) October 12, 2021
La ministre indonésienne des Affaires étrangères Retno Marsudi a déclaré dans un tweet, à l’issue de la réunion vendredi, que son pays avait proposé que la Birmanie « ne soit pas représenté au niveau politique » au sommet jusqu’à ce qu’elle rétablisse « sa démocratie par un processus inclusif ».
Un envoyé spécial devait rencontrer Mme Suu Kyi
Aung Myo Min, ministre des droits de l’Homme au sein du gouvernement d’unité nationale (NUG), formé par d’ex-députés du parti de Mme Suu Kyi, a salué cette exclusion comme « une mesure très forte » et dit espérer que l’Asean reconnaisse le NUG comme le gouvernement légitime.
Les principaux partenaires de l’Asean ont soutenu l’appel pour que l’envoyé spécial rencontre Mme Suu Kyi.
Dans un communiqué conjoint, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, la Norvège et le Timor-Oriental ont fait part de leur « profonde préoccupation face à la situation critique en Birmanie », appelant la junte à « participer de manière constructive » au dialogue avec l’envoyé spécial de l’Asean.
La junte a promis d’organiser des élections et de lever l’état d’urgence en 2023.
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