Le combat du siècle?

4 mai 2015 13:42 Mis à jour: 23 mai 2015 05:04

 

Les vieux syndicalistes y croient encore, la lutte contre le patronat et pour le maintien des acquis sociaux est le «combat du siècle», plus que le récent grand show à Las Vegas d’un boxeur multimillionnaire arrogant et décérébré contre son adversaire philippin.  La lutte syndicale serait, elle aussi, un match de boxe, une poursuite au XXIe siècle des grands piquets de grève de 1936. Mais pourquoi? Ni pour le samedi chômé, ni pour la journée de 8h, ni pour l’assurance-maladie – puisque tout a déjà été acquis et amélioré. Pourquoi alors? Pour l’augmentation des salaires, pour la diminution de la charge de travail, pour une retraite plus tôt et dans de meilleures conditions…  pour plus de moyens, pour plus de reconnaissance, pour de meilleures vacances, pour une nouvelle télévision. Changement d’ambitions.

Il n’y a plus de force, plus de nerfs dans ces revendications. Dans la rue ce 1er mai, des cortèges faméliques, désunis, conduits par ces vieux syndicalistes qui ont la larme à l’œil en pensant à leurs rêves des années 60; mais personne parmi les jeunes pour prendre la relève, pour la prendre sérieusement. Qui donc pourrait y croire, hors quelques étudiants qui sortent de la lecture de Gorki et envisagent encore des barricades pour la défense des faibles? Mais ceux-ci ne font que passer à travers leurs années d’université; ils rejoindront des bureaux plutôt que la vie de production, que la vie d’usine qu’ont connue leurs aînés. Sous les bannières rouges de la CGT ce 1er mai, monotonie et ennui…  La CFDT a tenté tant bien que mal le jeunisme avec un «working time» festival, mais FO résumait l’ambiance en prenant sa tête d’enterrement pour pleurer au Père-Lachaise les morts de la Commune de Paris, et ce «bon vieux temps» où l’on pouvait faire couler le sang pour en teinter des drapeaux.

Dans les colonnes de l’Humanité, des articles appellent depuis à «enseigner l’histoire du syndicalisme» comme on appellerait à un devoir de mémoire. Le syndicalisme français serait mort? Ses signes vitaux l’indiquent: Moins d’un français sur deux le juge utile, moins d’un sur trois l’estime représentatif des salariés. Perception valable puisque les syndicats français sont accablés du plus faible taux de représentativité de l’OCDE: 5%.  Autrement dit, si même ils étaient unis et défendaient les mêmes positions, tous ensemble ne parleraient qu’au nom d’un salarié sur vingt.

Punition justifiée: En n’étant pas capable d’un dialogue constructif, en s’arc-boutant sur des visions passéistes et la défense de leur appareil politique, loin de protéger les emplois les syndicats pourraient avoir accéléré des faillites et la fuite d’entreprises hors de France. Alors qu’ils devaient construire l’harmonie au travail, la vertu de l’effort récompensé, ils sont devenus synonymes de grèves inutiles, de prise en otage d’usagers, bien loin de ce que recouvre la terminologie de «partenaire social.» Après des années de cette attitude, le fruit amer est là: les dernières grèves vont avec le désespoir dans des usines proches de la fermeture où la fumée des pneus brûlés emporte aussi la possibilité d’emploi et de maintien sur le territoire des savoir-faire en production. La volonté maladive d’une lutte des classes a réussi à faire oublier que, pour protéger les travailleurs, il faut avant tout montrer qu’ils ont ici plus qu’ailleurs de l’or dans les mains et l’amour de leur travail.

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