L’Incorrect traverse actuellement une phase difficile. Exclusion de plateformes de financement participatif, suspension de leur plateforme marchande après une cyberattaque, blocage de leurs publicités payantes sur Facebook… Dans un communiqué publié le 1er août, le magazine conservateur a rapporté avoir été la cible, entre juin et juillet, d’une série d’« opérations de censure ». Dernier coup dur en date, la clôture de son compte bancaire, actée sans avertissement par Qonto le 25 juillet.
Cette décision, la fintech refuse de donner les raisons qui la sous-tendent. Contacté, Arthur de Watrigant, directeur de la rédaction de L’Incorrect, est formel : les motifs derrière cette soudaine rupture de contrat sont « purement politiques ». « Qonto, se préparant à entrer en bourse, a récemment nommé un directeur des risques, dont le rôle est d’examiner la liste des clients et d’évaluer les risques potentiels, notamment en termes d’image pour l’entreprise. Selon plusieurs directeurs des risques avec qui nous avons pu échanger, la dimension politique est de plus en plus prise en compte par les banques. Ce fait est d’autant plus pertinent dans le cas de Qonto si l’on considère le discours ‘woke’ affiché sur son site ».
Et sur son site web, la néobanque revendique effectivement une « politique en faveur de la diversité, de l’équité et de l’inclusion » aux fins de bâtir un espace professionnel en phase avec ces indicateurs. Marqué à l’extrême gauche, le controversé système DEI fait régulièrement polémique, prônant des pratiques de recrutement anti-méritocratiques sur la base de critères racistes et sexistes. Pour des universitaires, à l’instar de Wisse Ruth, spécialiste de l’histoire juive et professeur de littérature yiddish à l’université de Harvard, cette politique discriminatoire favorise également l’antisémitisme.
Parmi les actions mises en œuvre par la licorne française pour « créer une culture de la diversité » figurent des « ateliers sur la diversité », des évènements dits de « sensibilisation » et une attention particulière portée à l’index DEI à l’embauche. Ailleurs sur son site internet, Qonto soutient que la « diversité sur le lieu de travail » est « importante », notamment pour « mieux représenter les différentes communautés ». La diversité, écrit-elle, se définit par des caractéristiques telles que l’origine ethnique et le sexe de ses employés.
« Qonto ment »
Cette « vision politique woke » aurait-elle pu jouer dans la décision de l’établissement de mettre L’Incorrect à la porte, comme ce dernier l’accuse ? Epoch Times a joint Qonto. Au téléphone, on nous assure qu’« il n’y a jamais de raisons politiques qui motivent ce genre de décisions » : « C’est autre chose ».
Selon les raisons partagées par la banque sur son site Internet, la décision de clôture de compte prise à son initiative peut se justifier par l’exercice d’une activité illégale comme la vente de drogues, d’armes ou de matériel pornographique, une violation de leurs conditions générales d’utilisation, ou encore une non-réponse à une demande d’information sur des transactions.
C’est pourquoi, aux yeux d’Arthur de Watrigant, en affirmant qu’il n’y a pas de motif politique derrière la résiliation unilatérale de son contrat avec l’Incorrect, Qonto « ment ». Pour deux raisons : d’une part, car « ils refusent de fournir les raisons à l’origine de notre exclusion » et, d’autre part, car « un de nos actionnaires de L’Incorrect recourt aux services de Qonto pour plusieurs de ses entreprises, sans qu’il ne reçoive pour sa part aucun signalement, alors même que notre structure a un bon état de santé financier ». Par élimination, il ne peut donc rester, selon lui, qu’une raison politique.
Garder la confidentialité sur les raisons derrière les clôtures de comptes, une pratique courante de l’établissement bancaire ? « C’est légal », nous rétorque notre interlocuteur chez Qonto, qui précise : « En cas de rupture de contrat, la loi nous permet de ne pas communiquer de motifs ».
Peut-être plus pour bien longtemps. En avril, le sénateur centriste Philippe Folliot a déposé une proposition de loi « visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires », qui a été examinée début juin par la commission des Finances du Sénat. « Les personnes politiquement exposées, plus que quiconque, sont sujettes à des fermetures intempestives et injustifiées de comptes », souligne-t-il dans l’exposé des motifs. Pour prévenir une « forme d’arbitraire », le législateur souhaite introduire dans le Code monétaire et financier une disposition qui oblige les banques à justifier la fermeture d’un compte si le client en fait la demande expresse : un article qui « vise un objectif de transparence et qui empêcherait dans le même temps les fermetures aléatoires ou injustifiées ».
Pour rappel, la législation française interdit strictement les discriminations basées sur les opinions politiques dans la fourniture de produits et services, y compris bancaires. L’article L121-11 du Code de la consommation dispose en effet qu’il « est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime. » Par ailleurs, l’article 225-1 du Code pénal indique que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes morales sur le fondement […] des opinions politiques », tandis que l’article 225-2 précise que « la discrimination définie aux articles 225-1 commise à l’égard d’une personne physique ou morale, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende lorsqu’elle consiste », entre autres, à « refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ».
La politique qui s’invite dans les pratiques bancaires, une affaire qui ne date pas d’hier
Ce n’est pas la première fois que des banques sont soupçonnées de prendre des décisions à caractère politique contre des personnes physiques ou morales dont les opinions sont classées à droite.
En juillet 2017, la Société générale engageait une procédure de clôture des comptes du Rassemblement national, sans donner d’explications, et, en novembre de la même année, la banque britannique HSBC décidait elle aussi de rompre son contrat avec Marine Le Pen, qui avait alors dénoncé une « persécution bancaire ». Dans une retranscription de son échange avec le directeur du marché des particuliers à HSBC France, ce dernier aurait justifié ce choix par le fait que la patronne du mouvement était une « personne politiquement exposée » (PPE), ainsi que « le libre arbitre de la banque ».
Selon l’hebdomadaire de droite Valeurs Actuelles, l’écrivain Julien Rochedy, le collectif féministe Nemesis, l’activiste Thaïs d’Escufon, ainsi que les YouTubers Baptiste Marchais et Valek ont également subi le même sort. Les familles de certains d’entre eux auraient même été ciblées par ces établissements bancaires, alors même qu’elles ne sont pas impliquées dans des activités militantes. L’homme d’affaires Charles Gave a vu lui aussi son compte clôturé par le Crédit du Nord seulement quelques jours à peine après un virement à l’association des amis d’Éric Zemmour, en 2021.
Pour Arthur de Watrigant, « certaines personnes au sein des banques sont des militants et font clairement de la politique. D’autres, sans être nécessairement engagées politiquement, se soumettent au magistère moral de la gauche lorsqu’elles évaluent leur risque réputationnel ».
Au Royaume-Uni, c’est ce fameux « risque pour sa réputation » qu’avait fait valoir Coutts, filiale de la banque NatWest, en fermant les comptes de Nigel Farage en juillet 2023. Dans un rapport interne, l’entreprise lui reprochait son rôle dans la campagne référendaire pour le Brexit en 2016, ses critiques contre la politique migratoire, ou encore son opinion négative du vaccin anti-Covid.
La polémique déclenchée par la suppression des comptes bancaires du chef de Reform UK avait alors conduit à la démission de la patronne de NatWest, Alison Rose, qui avait présenté ses excuses à l’homme politique, et à un rappel à l’ordre du gouvernement de Rishi Sunak à destination de l’ensemble du secteur : « La liberté d’expression est un droit fondamental, avait martelé Jeremy Hunt, le chancelier de l’Echiquier (l’équivalent du ministre des Finances). On peut être d’accord ou pas d’accord avec Nigel Farage, mais chacun doit être en mesure d’exprimer ses opinions. »
Le 18 juillet 2024, après une enquête faisant suite à l’affaire Farage, la Financial Conduct Authority (FCA), saisie par le gouvernement l’année dernière, a émis un avertissement à l’attention des grandes banques britanniques, les exhortant à mettre en place des mesures garantissant l’égalité de traitement des personnes politiquement exposées (les personnes physiques qui exercent une fonction publique importante). Certains en France attendent un rappel à l’ordre de cette nature avec impatience.
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