Emmanuel Macron a enchaîné les réunions mercredi soir à l’Élysée sur le dérapage du déficit public qui menace la crédibilité de la France sur les marchés et nourrit un procès en « incompétence » budgétaire instruit par les oppositions.
L’Insee rendra son verdict le 26 mars, mais les chiffres ne sont pas bons et le gouvernement le sait: le déficit public 2023 sera « significativement » supérieur aux 4,9% du PIB prévus, a averti le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. L’objectif d’un déficit ramené à 4,4% cette année apparaît hors de portée.
Selon le journal Les Echos, le gouvernement craint désormais un déficit public qui se creuserait jusqu’à 5,6% du PIB pour 2023. Le Figaro cite, lui, une source selon laquelle il atteindrait 5,5% avec une marge d’erreur de 0,3 point.
Le président a convié mercredi soir les chefs des partis et groupes parlementaires qui composent sa majorité, pour un long dîner aux allures de réunion de crise. « On doit faire face a un choc économique conjoncturel lié notamment a la géopolitique. On assume et on dit la vérité aux Français », a-t-il déclaré à ses hôtes, selon l’un d’eux, ajoutant que la France échappait à la récession, au contraire de plusieurs de ses voisins.
Certaines pistes pour freiner les dépenses
Auparavant, Emmmanuel Macron avait reçu en fin de journée Bruno Le Maire, ainsi que les ministres chargés des collectivités locales et des affaires sociales, Christophe Béchu et Catherine Vautrin. L’occasion de remettre sur la table certaines pistes déjà avancées par l’exécutif, notamment pour freiner les dépenses d’assurance chômage et de santé.
Le gouvernement va consulter toutes les parties prenantes de la dépense publique, a dit le chef de l’État aux responsables de sa majorité, selon un participant. Mais Emmanuel Macron a semblé écarter la possibilité de présenter dans les prochains mois un projet de budget rectificatif, une démarche risquée alors qu’il ne dispose que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale et pourrait s’exposer à un vote de censure.
Un mois après avoir annoncé 10 milliards d’euros d’économies, Bruno Le Maire a de nouveau mis les pieds dans le plat dimanche, proposant de « remplacer l’État providence par l’État protecteur », car « la gratuité de tout, pour tous, tout le temps » est « intenable ». Initiative qui a agacé le chef de l’État : « Il devrait en parler à celui qui est ministre de l’Économie depuis sept ans », a raillé Emmanuel Macron, selon Le Canard enchaîné. Des propos confirmés à l’AFP par un familier du Palais. Quelques députés plaident pour augmenter les impôts des « ultra-riches » ou des grandes entreprises, dont le chef du groupe MoDem Jean-Paul Mattei. Mais le gouvernement se refuse à toucher au levier de la fiscalité.
Menace d’une dégradation de note de la France
À tout le moins, il faudra donner des gages avant le couperet des agences de notation : Fitch et Moody’s le 26 avril, et surtout S&P le 31 mai. Une dégradation de la note de la France pourrait entraîner une hausse des taux d’intérêt auxquels le gouvernement se refinance sur les marchés et rendre plus difficile la gestion de la dette.
Alors que s’amorce la campagne pour les élections européennes du 9 juin, les oppositions dénoncent ce dérapage des finances publiques qui, selon elles, ne saurait être imputé qu’à la seule détérioration de la conjoncture économique.
« Jamais on n’a eu des chiffres aussi épouvantables », a affirmé la présidente des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, fustigeant les « résultats pitoyables » et « l’incompétence de ce gouvernement dans le domaine financier ». Mêmes accusations à gauche du député La France insoumise Adrien Quatennens : « Ces gens-là sont de piètres économistes » qui « ont creusé le déficit et la dette pour faire des cadeaux toujours aux mêmes » et « n’ont pas à donner des leçons aux Français », a-t-il fustigé sur CNews et Europe 1.
Le président du parti des Républicains, Éric Ciotti, a dénoncé de son côté la « situation dramatique » des finances publiques françaises, assurant que le pays « emprunte le même chemin que la Grèce », dont l’économie s’était effondrée au début des années 2010 sous le poids d’une dette insoutenable.
« Les coups d’éclat dans les médias, c’est bien. Mais être en cohérence dans les débats à l’Assemblée nationale, c’est peut-être mieux », a répondu la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l’issue du conseil des ministres, accusant LR de multiplier les « propositions » qui « vont dans un sens d’augmenter les dépenses de l’État ».
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