Le dilemme des parents américains : parler des tueries à l’école sans inquiéter leurs enfants

Par Epoch Times avec AFP
30 mars 2023 10:55 Mis à jour: 30 mars 2023 14:18

Quand elle a récupéré son fils de 11 ans à la sortie des classes lundi, Elizabeth Barese s’est sentie obligée de lui expliquer qu’une tuerie venait d’avoir lieu dans une école de leur quartier.

« On habite vraiment tout près, il fallait que j’en parle tout de suite », explique cette habitante de Nashville, dans le sud des États-Unis, la voix étranglée par l’émotion. « Je lui ai dit : tu vas voir beaucoup de voitures de policiers… » Mais « ce n’est vraiment pas une conversation que l’on a envie d’avoir avec ses enfants », confie-t-elle à l’AFP devant de grandes croix blanches érigées en mémoire des six victimes. « C’est très délicat d’être honnête sans les effrayer ».

Comme elle, de nombreux parents américains se retrouvent dans une position intenable à chaque bain de sang en milieu scolaire, obligés de rassurer leurs enfants, alors qu’ils sont eux-mêmes bouleversés et pétris d’angoisse.

« Et ça fait particulièrement mal d’en parler aux plus jeunes »

Dans un pays qui compte plus de 400 millions d’armes à feu en circulation, les établissements scolaires n’échappent pas à la violence des balles. Depuis le massacre au lycée Columbine en 1999, il y a eu au moins 376 épisodes de violences par armes à feu dans des écoles du pays, selon un décompte du journal Washington Post qui recense 199 morts, 424 blessés et 348.000 élèves exposés.

Logiquement, cette réalité effraie les parents américains : un sondage de l’institut Pew affirme que 32% d’entre eux se disent « très ou extrêmement inquiets » à l’idée que des coups de feu puissent éclater dans l’école de leurs enfants. Xsavier Cleary, qui habite à une cinquantaine de kilomètres du lieu de la tuerie de Nashville, en fait partie. « On se demande si nos enfants sont bien en sécurité à l’école… »

Lundi après-midi, les siens, qui sont âgés de 3 à 22 ans, ne parlaient que du nouveau drame, survenu dans une petite école chrétienne où un tireur lourdement armé à abattu trois élèves de neuf ans et trois employés. « Ils disaient : ‘papa, on parle de la tuerie partout, à la radio, à la TV, à l’école… Pourquoi des enfants ont-ils été tués ? », rapporte-t-il. « C’est tellement triste, on n’a aucun contrôle » sur ces tragédies. « Et ça fait particulièrement mal d’en parler aux plus jeunes : ils sont en primaire et il faut leur dire quoi faire » en cas d’intrusion dans leur école, s’étrangle Xsavier Cleary.

Mise en ligne de « conseils pour parler aux enfants de la violence à l’école »

Elizabeth Barese a participé à des exercices organisés pour préparer ses enfants à ce scénario. « Je ne pouvais pas m’empêcher de pleurer », raconte-t-elle. Et savoir que les maternelles mènent aussi ces simulations « me donne envie de vomir », dit-elle. En revanche, cette femme de 47 ans est très reconnaissante envers l’école de son fils de lui avoir transmis des conseils sur la manière d’aborder l’attaque de la « Covenant School ». « Ils ne voulaient pas que les enfants en parlent avec leurs amis. Ils voulaient que l’information vienne des parents, qu’elle soit honnête et qu’on n’en dise pas plus que nécessaire », détaille-t-elle. Suivant ces consignes, elle s’est contentée de répondre aux questions posées et a fait attention à regarder les informations télévisées à l’écart de ses enfants.

Depuis des années, les psychologues américains ont développé des ressources pour aider les parents à faire face à ces discussions. L’Association nationale des psychologues scolaires (NASP) a ainsi mis en ligne ses « conseils pour parler aux enfants de la violence à l’école ». Sa première recommandation : « rassurez les enfants sur le fait qu’ils sont en sécurité à l’école », notamment en soulignant qu’il y a une différence entre la « possibilité » que quelque chose survienne et sa « probabilité ».

C’est plus facile à dire qu’à faire, estime une mère de famille qui souhaite rester anonyme. « On veut les rassurer et leur dire ces mots, mais on n’y croit pas forcément », avoue-t-elle. « Ils ne sont pas forcément en sécurité. C’est désespérant. »

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