Né il y a cent ans de l’imagination d’un nationaliste breton, le drapeau breton, autrefois très marqué idéologiquement, est devenu au fil du temps un emblème fédérateur et populaire de toute une région et un signe de reconnaissance dépassant les frontières de la péninsule.
Au début des années 1920, la Bretagne sort meurtrie de la guerre de 1914-1918, qualifiée « de grand rite de passage sanglant dans la nation française » par Didier Guyvarc’h, auteur de « Histoire populaire de la Bretagne ». Pour certains nationalistes, la Bretagne, contrairement à l’Irlande, n’a pas réussi à se défaire du centralisme pendant la Grande guerre.
Parmi cette minorité agissante figure un jeune architecte, Morvan Marchal (1900-1963), adhérent au Parti national breton, qui décide de créer un nouveau drapeau, plus moderne, en 1923 (certaines sources évoquent aussi la date de 1925).
Des anciens symboles bretons, Marchal ne garde que l’hermine et les couleurs. Avec un graphisme éloigné de l’héraldique et calqué sur le drapeau américain, symbole de liberté et de modernité, le « gwenn ha du » (« blanc et noir » en breton) est composé de rayures symbolisant les neuf évêchés tandis que onze hermines stylisées se retrouvent dans l’angle supérieur gauche.
Un drapeau de militants politiques dans le passé
« Au départ, c’est un drapeau politiquement et idéologiquement très lié au nationalisme breton. Il ne représente absolument pas la population bretonne ou la province, mais un courant idéologique », rappelle Alain Croix, spécialiste de l’histoire de la région.
Il ne sort véritablement de ces sphères autonomistes qu’en 1937 au pavillon de la Bretagne lors de l’exposition universelle de Paris.
Malgré cet épisode, le drapeau « va mettre du temps à se populariser : il y a des effets de la guerre où il y a eu une compromission d’une partie des militants nationalistes bretons avec l’occupant allemand », note M. Croix.
Il faut attendre l’après 1968 pour voir le drapeau déployé dans des manifestations, dont celle emblématique du Joint français à Saint-Brieuc, ou dans des stades de football, comme après la victoire en coupe de France du Stade rennais en 1971.
« La vraie naissance du Gwenn ha du survient plus de 40 ans après sa création, c’est un peu le paradoxe », fait remarquer Florian Le Teuff, adjoint au maire de Nantes et délégué aux enjeux bretons.
Le Gwenn ha du « dans tous les milieux populaires »
« D’abord restreint à un petit cercle de militants politiques (…), il est maintenant implanté partout sur la planète, lors des festivals, dans les stades et campings, et dans tous les milieux populaires », relève M. Le Teuff.
« Le nombre de fois où dans l’année on m’envoie des photos d’un Gwenn ha du quelque part, en Chine ou au Japon… On voit qu’il est très utilisé pour afficher son amour de la Bretagne, sa fierté pour le territoire », remarque Loïg Chesnais-Girard, président (ex-PS) de la région.
À Saint-Grégoire, près de Rennes, l’atelier du Mée a vendu près de 15.000 « Gwenn ha du » en 2022 et a récemment confectionné le plus grand drapeau breton du monde de 1400 m2 (46 m x 31 m), qui a été déployé en 2022 dans le centre de Rennes et Nantes.
Car s’il a perdu son aspect sulfureux, le drapeau peut toujours être l’objet de querelles politiques, parfois au sein d’une même famille politique, sur fond de question d’identité.
Ainsi, en décembre 2020, le Gwenn ha du a été hissé sur la mairie de Nantes, dirigée par la socialiste Johanna Rolland, jugeant que cette bannière était « un symbole de notre volonté de faire vivre la culture et la langue bretonnes ».
À 60 km plus à l’ouest, dans la 2e ville du département, le conseil municipal de Saint-Nazaire, également PS, refuse lui de voir la bannière flotter sur le fronton de l’hôtel de ville après un nouveau vote sur la question en décembre.
« On a déjà l’hermine sur le blason nazairien. L’identité bretonne est déjà représentée, on considère que ce Gwenn ha du n’a pas sa place à cet endroit », juge Michel Ray, maire adjoint à la culture.
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