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Le gendarme du renseignement veut plus de pouvoir pour contrôler les services

juin 16, 2023 9:40, Last Updated: juin 16, 2023 10:01
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Le gendarme des espions français réclame plus de moyens techniques, notamment l’accès à distance aux données recueillies et conservées par les services, une requête qui a toujours fait grincer des dents dans la communauté du renseignement.

Dans son rapport annuel publié jeudi, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), décrit « un décalage qui risque d’aller croissant entre, d’une part, la complexité et la diversité des dispositifs de surveillance utilisés par les services et, d’autre part, les modalités, parfois obsolètes, de leur contrôle ».

« Soyons juste : le dialogue avec les services de renseignement a fini par produire des progrès non négligeables », admet en avant-propos du rapport Serge Lasvignes, président de la CNCTR, organe indépendant chargé de la surveillance de l’usage des outils techniques par les services français. « Il paraît cependant difficile d’aller au-delà sans qu’une décision politique soit prise », ajoute-t-il, réclamant un accès à distance à « l’ensemble des données recueillies, quels que soient la technique utilisée et le service bénéficiaire ».

L’enjeu est majeur : « La situation internationale démontre avec brutalité à quel point l’activité des services de renseignement est nécessaire. Dans un souci de bon équilibre démocratique, leur renforcement devrait aller de pair avec une facilitation des contrôles ».

Or, certaines techniques dont le contrôle est prévu par la loi sont de moins en moins utilisées, telles que les traditionnelles écoutes. D’autres, comme le recueil de données informatiques, se développent et concernent des volumes de datas monumentaux centralisés au sein des services. Donc inaccessibles à la commission.

Inquiétude « sur la violation de l’intimité » des services

Et l’usage des techniques les plus intrusives sont en forte hausse. Le document trahit les frictions, notamment entre la CNCTR et les services du premier cercle, renseignement intérieur (DGSI) et extérieur (DGSE) en tête. Serge Lasvignes dit à l’AFP admettre un « rapport de force entre contrôlés et contrôleurs » et une inquiétude « sur la violation de l’intimité » des services. Il convient aussi que cette requête percute le principe de cloisonnement des informations, cher aux espions.

Sur l’activité des services, le rapport souligne la baisse du nombre de personnes surveillées en 2022 (20.958) de 9% sur un an. Mais le nombre de demandes d’autorisation de surveillance (89.502) augmente encore, « résultat d’un effort de ciblage plus précis » des services. La prévention du terrorisme conserve la part la plus importante (38%) de l’activité, mais n’échappe pas à la hausse (à 25%) de tout ce qui concerne « les intérêts géostratégiques de la France ». L’invasion de l’Ukraine par la Russie « est pour partie à l’origine de cette évolution, ainsi, plus largement, que les activités d’espionnage soutenues sur le territoire national, reflet d’une évolution du contexte international », relève le document.

« Irrégularités »

La CNCTR égratigne au passage quelques mauvaises pratiques. Elle pointe les « nombreux » agents « qui persistent à travailler sur des fichiers propres non centralisés, à partir de leur poste individuel de travail, sans aucune traçabilité », dans le domaine de la « surveillance intérieure ». Elle dénonce plusieurs cas d’exploitation de données sur « des cibles expressément exclues par l’autorisation délivrée par le Premier ministre » dans la surveillance des « communications électroniques internationales ». « Ces irrégularités sont très sérieuses », estime-t-elle. En l’absence « de volonté délibérée de dissimulation ou de contournement », elles témoignent « des difficultés persistantes d’appropriation des bonnes pratiques par certains agents ».

La commission insiste : « L’accès à distance, depuis ses locaux, aux outils d’exploitation et de traçabilité de ces deux services (DGSE et DGSI, ndlr) est nécessaire ». Et relève que sa mission ne saurait « s’accommoder d’un mode ‘boîte noire’ ».

Interrogé par l’AFP, Alexandre Papaemmanuel, professeur à l’Institut d’ études politiques de Paris et spécialiste du renseignement, relève qu’il « n’est jamais agréable pour les services d’aller plus loin dans le contrôle, mais c’est une tendance de fond ». De fait, leur « modernisation autour de la donnée n’est pas parfaite. Parfois, certains contournent les procédures parce que l’urgence l’impose ». Mais il « faut rester vigilants » sur des méthodes parfois « très intrusives », ajoute-t-il. « La technologie peut beaucoup. Souvent les freins sont culturels. Le contrôle fait son travail, voit des failles et demande des correctifs ».

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