INTERNATIONAL

Le « général-président » tchadien Mahamat Déby dans les pas de son père

août 20, 2022 14:21, Last Updated: août 20, 2022 14:35
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Mahamat Idriss Déby Itno, le regard fuyant, paraît bien timoré quand l’armée annonce le 20 avril 2021 à la télévision la mort de son père Idriss Déby Itno, maître absolu du Tchad depuis 30 ans, tué au front contre des rebelles.  

Le jeune général arbore déjà quatre étoiles à 37 ans mais son nouveau costume semble alors bien grand pour cet homme issu d’une école d’officiers tchadienne et n’ayant jamais approché la politique de près ou de loin: dans la même vidéo, il est proclamé, par les militaires fidèles à son père, chef d’une junte de 15 généraux et Président de la République jusqu’à des « élections libres et démocratiques ».

Seize mois plus tard, il campe un chef de l’État assuré, copiant les attitudes martiales de son géniteur, au pays ou en côtoyant de nombreux présidents à l’étranger, car rapidement adoubé par une communauté internationale tout aussi prompte à vilipender et sanctionner ailleurs en Afrique les militaires putschistes.

Mahamat Idriss Deby est assis à la tribune d’honneur lors des funérailles nationales de son père, le président tchadien Idriss Deby, à N’Djamena, le 23 avril 2021. Photo CHRISTOPHE PETIT TESSON/POOL/AFP via Getty Images.

Une communauté internationale à laquelle il donne des gages, s’engageant à limiter à 18 mois la période de transition et à organiser un dialogue national inclusif (DNI) pour rendre le pouvoir aux civils. Après plusieurs reports, le DNI s’ouvre samedi au palais du 15-Janvier, au cœur de la capitale N’Djamena.

Tout comme son père au début de son règne et dans un pays constamment en proie à des rebellions, Mahamat Déby ne se départ jamais de son treillis les premiers mois, et du béret rouge des commandos d’élite de la garde présidentielle qu’il commandait sous Idriss Déby.

Ni de ses lunettes noires qui lui donnent un air menaçant. Certains le décrivent comme taciturne et secret, d’autres disent qu’il s’efforce d’asseoir une autorité déjà contestée, dans la rue comme chez certains compagnons influents de son père.

N’a jamais cessé de se dépeindre en « guerrier »

Puis il troque progressivement la tenue militaire pour le boubou et la coiffe traditionnelle qu’affectionnait Idriss Déby. Ou bien le costume bien taillé, fines lunettes dorées sur le nez. Là encore, comme son père.

Surnommé « Kaka »« grand-mère » en arabe tchadien – en référence à la mère d’Idriss Déby qui l’a élevé, il est réputé s’être illustré au combat notamment en 2009, dans l’est, contre la rébellion.

Tout comme son père là encore, ancien rebelle qui s’est emparé du pouvoir en 1990 – à 38 ans – et n’a jamais cessé de se dépeindre en « guerrier » menant ses soldats au front.

Mahamat Déby a rapidement « consolidé son pouvoir en s’entourant des caciques de l’ancien régime », assure Thierry Vircoulon, spécialiste de l’Afrique centrale à l’Institut français des relations internationales (IFRI), pour qui « il y a une vraie continuité entre le père et le fils, le système Déby est toujours en place ».

En 1993, Idriss Déby, arrivé trois ans plus tôt au pouvoir par les armes, lançait une conférence nationale souveraine pour mettre en place les institutions de l’État après une période de transition. Tout comme « Kaka » avec le dialogue national. « Mahamat a la même volonté que son père d’afficher un semblant de dialogue avec les oppositions », affirme Kelma Manatouma, chercheur tchadien en sciences politiques, poursuivant que, par le passé, cela n’avait pas « débouché sur les résultats escomptés ».

Mahamat brandit aussi, depuis peu, un bâton de commandement similaire à celui dont Idriss se séparait rarement. Au-delà de l’habit et des accessoires, la ressemblance s’arrête là: le père faisait bien son mètre 80, le fils est de taille bien plus modeste.

Experts et officiers étrangers ironisaient volontiers sur ce jeunot à quatre étoiles. Il s’en est épinglé une cinquième le 21 décembre 2021, devenant général de corps d’armée, le plus haut grade possible.

S’appuie sur le même clan

Pour asseoir son pouvoir, Idriss Déby s’appuyait sur son ethnie, ultra-minoritaire, les Zaghawas, à qui il a confié les postes clés de l’armée. Mahamat, bien qu’à moitié gorane par sa mère, ethnie souvent rivale voire ennemie, s’appuie sur le même clan.

« Ce sont toujours les mêmes qui sont au pouvoir, autour des Zaghawas », souligne Roland Marchal, du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po Paris.

Certains observateurs notent cependant des différences dans l’exercice du pouvoir.

Contrairement à Idriss Déby, qui interdisait toute manifestation, Mahamat Déby « laisse un petit espace pour que les oppositions puissent s’exprimer », admet M. Marchal. Le nouvel homme fort du Tchad a également organisé un « pré-dialogue » au Qatar avec des groupes rebelles, que son père avait combattus pendant des années.

Le ministre des Affaires étrangères du Qatar, le cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim al-Thani, organise une cérémonie de signature à Doha le 8 août 2022 entre le dirigeant militaire tchadien et plus de 40 groupes d’opposition Photo par MUSTAFA ABUMUNES/AFP via Getty Images.

L’homme fort du Tchad a également tendu la main à des chefs rebelles – dont son propre cousin, Timan Erdimi, également membre de l’ethnie Zaghawa – qui avaient essayé à plusieurs reprises de renverser son défunt géniteur, leur permettant de participer au dialogue national.

« Il est moins impulsif que le père, plus posé, il écoute plus qu’il ne parle », assure anonymement un proche conseiller.

Il a également dû donner des gages à la communauté internationale à qui il a promis il y a un an de rendre, sous 18 mois, le pouvoir aux civils, et de ne pas se présenter aux futures élections.

Mais le chef de la junte a porté en juin 2021 un premier coup de canif à ses promesses, en envisageant une prolongation de 18 mois de la transition et en remettant son « destin » à « Dieu » sur une éventuelle candidature à la présidentielle.

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