En invoquant des raisons de sécurité nationale, l’Italie a approuvé vendredi 16 juin des mesures visant à contenir l’influence grandissante de Sinochem – une entreprise publique chinoise – sur le manufacturier italien de pneumatiques Pirelli. Le patron de ce dernier, Marco Tronchetti Provera, a déclaré entre temps que «les Chinois sont dangereux et [que] le futur de Pirelli est en péril,» rapporte le Financial Times.
Selon l’AFP, l’emblématique fabricant italien de pneumatiques Pirelli a décidé en avril dernier de reporter au 29 juin son assemblée générale des actionnaires pour donner au gouvernement italien le temps nécessaire pour examiner le pacte d’actionnaires impliquant le conglomérat chinois Sinochem. Ce dernier est le plus grand investisseur de Pirelli avec une part de 37%. Il est lié par un protocole d’accord au deuxième actionnaire de Pirelli, la holding Camfin contrôlé par Marco Tronchetti Provera, qui détient une part de 14,1%.
Emprise grandissante du Parti communiste chinois
Le début de la saga entre Pirelli, cinquième producteur mondial de pneumatiques, et ses investisseurs chinois remonte à 2015. Cette année, l’entreprise chinoise ChemChina, qui fait maintenant partie de Sinochem, a acquis une participation majoritaire dans Pirelli pour 7,1 milliards d’euros. Selon The Wall Street Journal, c’était également le moment où des grandes entreprises contrôlées par le Parti communiste chinois (PCC) ont commencé à racheter des sociétés européennes. En Italie en particulier, des entités étatiques chinoises ont acquis des parts de grandes entreprises italiennes comme la compagnie pétrolière Eni ou encore le constructeur automobile Fiat Chrysler, intégré depuis à Stellantis.
Fin 2020, l’administration Trump a inclus Sinochem dans une liste de surveillance du Pentagone concernant des firmes étroitement liées à l’armée du PCC. M. Tronchetti Provera s’est alors résolu à sonder d’éventuels investisseurs alternatifs en Europe et au Moyen-Orient, mais n’a pas réussi à convaincre les investisseurs chinois de Pirelli de bouger.
En septembre dernier, Sinochem a exigé que Pirelli l’informe à l’avance de toute rencontre avec des responsables politiques, y compris des Italiens, rapporte le Financial Times. Peu après, le comité interne quinquennal du PCC de Sinochem a eu lieu et a émis des instructions pour les cinq ans à venir pour respecter la tradition communiste. À la suite de ces instructions, les filiales de Pirelli en Chine ont été incitées à sélectionner leurs membres du conseil d’administration et leurs «talents» selon la «vision du socialisme aux caractéristiques chinoises pour une nouvelle ère» du Secrétaire général du PCC Xi Jinping.
Récemment, M. Tronchetti Provera a fait pression sur Rome pour qu’elle intervienne, en expliquant que Sinochem essayait d’interférer dans la gestion de Pirelli selon des méthodes que lui interdit l’accord conclu au moment du rachat de ses parts par l’entreprise chinoise. Ainsi, le patron historique de Pirelli met les responsables gouvernementaux italiens en garde contre le contrôle accru du régime communiste chinois sur les décisions stratégiques de Pirelli. Il tire ainsi la sonnette d’alarme : «Les Chinois sont dangereux et le futur de Pirelli est en péril.»
«Golden Power», un «pouvoir en or» du gouvernement italien pour contrer l’influence du PCC
Après le conseil des ministres du 16 juin dernier, le gouvernement Meloni a décidé une série d’interventions afin de restreindre l’emprise de Sinochem sur le joyau industriel italien Pirelli. Cela consiste en grande partie à limiter l’accès et le partage d’informations entre Pirelli et son actionnaire chinois, en invoquant les risques de sécurité liés aux secrets technologiques. En d’autre termes, l’objectif est de protéger «les informations stratégiquement pertinentes et le savoir-faire de l’entreprise [italienne]», a déclaré le bureau de la Première ministre.
Les restrictions mises en place par le gouvernement Meloni s’inscrivent dans le cadre d’une initiative gouvernementale baptisée «Golden Power» qui vise à protéger les actifs jugés stratégiques pour le pays. Rome, après avoir accepté certaines propositions faites par Sinochem pour répondre à ses préoccupations, a également mentionné des mesures spécifiques pour protéger la technologie des cyber-capteurs pouvant être intégrés aux pneus Pirelli.
«L’utilisation inappropriée d’une telle technologie peut entraîner des risques importants non seulement pour la confidentialité des données des utilisateurs, mais aussi pour le transfert éventuel d’informations relatives à la sécurité [nationale]», a souligné le bureau de la Présidente du Conseil des ministres italiens.
La composition du conseil d’administration de Pirelli est également un sujet préoccupant. Un récent accord entre Sinochem et Marco Tronchetti Provera prévoit que la représentation chinoise au sein du conseil d’administration de Pirelli peut augmenter, mais le dirigeant italien tente désormais de l’empêcher, à en croire The Wall Street Journal.
Rome a en effet décidé que Sinochem ne devait pas choisir plus de neuf membres du conseil d’administration de Pirelli, qui en compte quinze. En outre, le gouvernement italien stipule que «certaines» décisions stratégiques du conseil d’administration de Pirelli nécessiteraient l’approbation d’au moins 80 % de ses administrateurs. Cette règle des «quatre cinquièmes» permettrait en quelque sorte aux Italiens de rester décisifs au sein du conseil d’administration du géant fabricant de pneumatiques milanais, d’après Il Giornale.
Révision du pacte sino-italien concernant la « Route de la Soie » prévue en 2024
Comme le rapporte le quotidien italien, le ministre des affaires étrangères Antonio Tajani a déclaré sur Stasera Italia que «l’État protège les données qui ne peuvent être mises à la disposition des étrangers, en l’occurrence des Chinois. Il ne s’agit pas là d’une politique hostile, mais d’un acte de prudence et de protection de l’intérêt national».
La prudence du gouvernement italien face à l’emprise grandissante du géante étatiques chinoise Sinochem sur Pirelli s’explique par le fait que Rome veut éviter de créer des tensions d’ici mars 2024, date d’expiration du protocole d’accord entre l’Italie et le régime communiste chinois sur l’initiative «la Ceinture et la Route» (BRI).
En mai dernier, Giorgia Meloni a déclaré qu’il serait possible d’entretenir de bonnes relations avec la Chine même sans faire partie de la BRI. Cependant, «notre évaluation est très délicate et touche à de nombreux intérêts», comme l’a alors déclaré le Première ministre italienne.
Dans une interview accordée à Reuters avant d’accéder au pouvoir lors des élections de septembre dernier, Madame Meloni a clairement indiqué qu’elle désapprouvait la décision de rejoindre la BRI prise par le gouvernement Giuseppe Conte en 2019. Et d’ajouter qu’elle n’avait «aucune volonté politique […] de favoriser l’expansion chinoise en Italie ou en Europe».
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