Le gouvernement veut réagir face au laxisme de la justice

Par Ludovic Genin
11 octobre 2024 04:56 Mis à jour: 11 octobre 2024 23:03

Plusieurs responsables politiques, de droite comme de gauche, ont mis en cause « la chaîne pénale et administrative », reconnaissant une faillite de l’appareil judiciaire qui a causé la mort de Philippine le 20 septembre dernier, dernière victime d’une longue liste de Français morts sous les coups d’un multirécidiviste sous OQTF.

« La justice a été irresponsable, mais l’État a également failli […]. Combien faut-il de drames pour que nos dirigeants politiques prennent conscience de ce qui est en train de se passer aujourd’hui dans le pays?” lançait fin septembre Jordan Bardella, suite au meurtre de la jeune femme.

D’après une enquête réalisée par l’institut CSA début septembre, 80 % des Français jugent la justice trop laxiste. Arrivé récemment à la tête du gouvernement, Michel Barnier veut une application plus stricte des questions de justice et de sécurité, pour sortir du laxisme dont est accusé l’État.

Michel Barnier veut prendre un virage plus strict sur la justice

En proposant de « limiter » les possibilités d’aménagement des peines, Michel Barnier a donné le ton d’une politique pénale plus stricte.

« Il est nécessaire que les jugements soient respectés sans être transformés, que les peines soient exécutées […]. C’est pourquoi nous proposerons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits » et une limitation des « possibilités de réduction ou d’aménagement de peines », a avancé le Premier ministre.

Son discours survenait quelques jours après la mort de Philippine, étudiante tuée par un Marocain condamné pour viol, libéré en septembre alors qu’il était en instance d’expulsion vers son pays d’origine par une OQTF.

Retour des peines planchers ? Maisons d’arrêt bis pour les courtes peines ? « On comprend les grandes idées, mais ce qu’il veut faire concrètement n’est pas très précis », commentait Céline Bertetto, présidente de l’Association nationale des juges de l’application des peines.

Cette politique se heurtera à la lancinante surpopulation carcérale, commente Aurélien Martini, de l’Union syndicale des magistrats, alors que le nombre de détenus en France vient de battre un nouveau record.

Sur ce point, le Premier ministre a mentionné la nécessité de construire des places, les quelque 62.000 actuelles étant « très insuffisantes » au regard des près de 80.000 détenus.

Faire évoluer l’arsenal juridique

Après le meurtre de Philippine et le souhait d’une justice plus ferme de la part du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, le ministre de la Justice, Didier Migaud, a jugé qu’il était  « possible de faire évoluer l’arsenal juridique ». Il a promis de « faire en sorte que la justice soit toujours considérée comme une priorité”.

“Dans un contexte de finances publiques comme vous le savez difficile et plus dégradé que prévu, nous devrons trouver les voies et moyens pour continuer à investir dans les métiers et les services de la Justice », a-t-il complété.

Après quatre ans à la Justice, M. Dupond-Moretti avait souligné dans son discours de passation à M. Migaud, fin septembre, que près de 11 milliards d’euros ont été alloués à la justice d’ici à 2027, contre 7,6 à sa nomination en 2020.

Il est « indispensable » que la loi sacralisant ce budget soit « respectée », avait souligné M. Dupond-Moretti, notamment pour permettre l’embauche prévue de 1500 magistrats supplémentaires, 1800 greffiers, plus de 1100 contractuels et la poursuite du plan de construction de 18.000 places de prison supplémentaires.

« On ne peut pas avoir un discours sur la fermeté de la justice, sur une justice plus rapide et, en même temps, ne pas lui reconnaître les moyens nécessaires », avait ajouté M. Migaud, dans une allusion au bras de fer engagé avec le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.

La priorité pour l’Intérieur est de « rétablir l’ordre »

La priorité pour le nouveau ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est de « rétablir l’ordre », a-t-il martelé lors de la passation de pouvoir avec Gérald Darmanin.

« J’ai trois priorités : rétablir l’ordre, rétablir l’ordre, rétablir l’ordre. Je crois à l’ordre. L’ordre comme condition de la liberté. Quand il n’y a pas d’ordre, c’est la liberté d’abord qui est menacée. Je crois à l’ordre comme la condition de l’égalité », a répété M. Retailleau dans la cour de l’hôtel de Beauvau.

Élu vendéen, M. Retailleau est le tenant d’une ligne ferme en matière d’immigration, de sécurité ou de respect de la laïcité et n’a eu de cesse de dénoncer « le laxisme » de la macronie sur les sujets gérés par ce ministère.

« Il faudra évidemment, bien sûr, du dialogue, une force de conviction pour convaincre. Il faudra du respect de chacun, pour que, animés par l’intérêt supérieur de la Nation, nous puissions nous rassembler sur un seul objectif : protéger les Français parce que c’est le premier de leurs droits et c’est par conséquent le premier de nos devoirs », a encore ajouté l’ancien sénateur Les Républicains.

Des politiques mettent en cause la chaîne pénale et administrative

Plusieurs responsables politiques ont mis en cause « la chaîne pénale et administrative » dans l’affaire du meurtre de Philippine, jugeant que le suspect n’aurait pas dû être libéré avant l’obtention du laissez-passer permettant son expulsion vers le Maroc.

« Quand on a quelqu’un qui est en détention, qui est un individu dont on peut penser qu’il est une menace pour la société française, on ne devrait pas avoir à le libérer avant même qu’on ait l’assurance qu’il pourra repartir », a jugé le patron des socialistes, Olivier Faure.

« La gauche ne peut pas détourner le regard de Philippine », a pour sa part enjoint le sénateur communiste Pierre Ouzoulias, alors que les Insoumis sont restés globalement discrets sur cette affaire.

« Philippine n’aurait jamais dû mourir. La loi existe et n’est pas appliquée. Un violeur est un criminel. Il aurait dû être surveillé. Ça n’a pas été fait. Il aurait dû être expulsé. Ça n’a pas été fait. L’État est défaillant. Plus on le prive de ses moyens, plus il recule », a ajouté le patron du PCF Fabien Roussel.

Marine Le Pen a dénoncé un « laxisme devenu idéologie d’Etat ». « Les Français […] en ont assez de cet État défaillant et irresponsable qui, en renonçant à les protéger, encourage les criminels à récidiver et les victimes à subir une perpétuité de souffrances physiques et morales », a-t-elle écrit sur X.

« Un délinquant étranger ne devrait plus être en France, c’est la prison et l’avion ! », a ajouté Eric Ciotti devant la presse à l’Assemblée nationale, plaidant pour la création de « beaucoup plus de centres de rétention ».

Sur France Inter, le président Les Républicains du Sénat Gérard Larcher s’est, lui aussi, interrogé sur le fonctionnement de la chaîne pénale, estimant que « c’est une des urgences » à traiter.

« La France a tué mon mari […] par son laxisme et son excès de tolérance »

Un autre exemple du laxisme judiciaire, est la mort d’Éric Comyn. Le gendarme est décédé lors d’un refus d’obtempérer commis par un délinquant multirécidiviste, condamné dix fois par la justice, six fois pour des infractions routières – conduite en état d’ivresse et sous stupéfiants, et quatre fois pour des atteintes aux personnes.

Lors de l’hommage fin août au gendarme, sa veuve Harmonie Comyn avait pointé le laxisme de la France. « Je l’affirme haut et fort, la France a tué mon mari. […] La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance », avait dénoncé la veuve du gendarme, le 28 août, lors d’une cérémonie à Mandelieu-La Napoule, deux jours après les faits.

« Attention, je ne parle pas d’étrangers, mais de récidivistes », avait-elle précisé, sa voix se brisant dans des sanglots contenus en évoquant son « tendre époux », avec qui elle a eu deux enfants de 12 et 16 ans.

« Pourquoi cet homme multirécidiviste peut-il évoluer en toute liberté ? Quand est-ce que nos législateurs ouvriront véritablement les yeux ? Faut-il qu’ils soient touchés directement pour agir ? Combien de morts avant que ces assassins soient véritablement punis ? », s’était interrogée la mère de famille.

Le président du Rassemblement national Jordan Bardella avait évoqué sur X des mots « bouleversants », ajoutant qu’il fallait arrêter de « tolérer ceux qui pourrissent la vie des Français » […] et rétablir « une justice qui punit sévèrement ».

« Ce cri de douleur est un appel au sursaut. Notre nation doit réagir », avait commenté aussi le patron des députés Droite républicaine Laurent Wauquiez.

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