Le Honduras va établir des relations « officielles » avec Pékin, a annoncé mardi la présidente Xiomara Castro, à qui Taipei a aussitôt demandé de ne pas prendre cette « mauvaise décision ».
« J’ai donné instruction au ministre des Affaires étrangères Eduardo Reina de gérer l’ouverture de relations officielles avec la République populaire de Chine », a annoncé Xiomara Castro sur Twitter. Elle n’a pas évoqué explicitement l’avenir des relations avec Taïwan, que le Honduras est l’un des 14 derniers pays à reconnaître diplomatiquement.
La Chine communiste, qui revendique la souveraineté sur Taïwan, n’accepte pas que des pays puissent avoir des relations diplomatiques à la fois avec elle et avec Taipei. Toute reconnaissance de Pékin par un pays entraîne de facto la rupture entre celui-ci et Taïwan. « Nous demandons au Honduras de bien réfléchir et de ne pas tomber dans le piège de la Chine en prenant une mauvaise décision qui nuirait à l’amitié à long terme entre Taïwan et le Honduras », a réagi le ministère des Affaires étrangères taïwanais dans un communiqué.
« Une décision très regrettable »
Xiomara Castro, qui a pris ses fonctions début 2022, avait annoncé avant son arrivée au pouvoir son intention de reconnaître « immédiatement » la Chine communiste. Mais Tegucigalpa avait par la suite fait savoir que les relations avec Taïwan se poursuivaient, après une visite du vice-président taïwanais William Lai pour l’investiture de Xiomara Castro. Le tweet de Xiomara Castro « ne clarifie pas quel type de relations » le Honduras souhaite nouer avec Pékin, a fait remarquer l’analyste hondurien Raul Pineda. « S’il s’agit de relations diplomatiques, cela va entraîner une rupture avec Taïwan et une prise de distance avec les États-Unis », a-t-il ajouté. « En ce moment les relations Chine-États-Unis sont très tendues, et de ce point de vue ce serait une décision très regrettable » du gouvernement de Xiomara Castro, a estimé cet analyste.
Le 1er janvier dernier, le chef de la diplomatie hondurienne avait rencontré le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Xie Feng, en marge de la cérémonie d’investiture du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva. Le 2 février, M. Reina avait annoncé des négociations avec la Chine pour construire un barrage hydroélectrique, tout en démentant que Tegucigalpa voulait reconnaître diplomatiquement Pékin. La Chine communiste avait déjà financé à hauteur de 300 millions de dollars un autre barrage au Honduras, inauguré en 2021 par le président de l’époque Juan Orlando Hernandez.
Mercredi matin, un journaliste de l’AFP a vu l’ambassadeur du Honduras à Taipei, Harold Burgos, arriver au siège du ministère taïwanais des Affaires étrangères. Ni l’ambassadeur ni le ministère n’ont commenté cette visite. Sollicité par l’AFP, le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas donné suite immédiatement.
L’Amérique latine, champ de bataille diplomatique entre Pékin et Taipei
L’Amérique latine a été un important champ de bataille diplomatique entre Pékin et Taipei depuis 1949, date à laquelle les communistes ont pris le pouvoir en Chine continentale et où le gouvernement nationaliste s’est réfugié sur l’île de Taïwan. Alignés sur Washington, tous les pays d’Amérique centrale sont restés pendant des décennies liés à Taïwan. Mais aujourd’hui, seuls le Honduras, le Guatemala et le Belize entretiennent des liens avec l’île. Le Costa Rica (en 2007), le Panama (2017), le Salvador (2018) et le Nicaragua (2021) ont rompu avec Taipei et ont reconnu Pékin. La République dominicaine a fait de même en 2018. Seuls 14 pays dans le monde reconnaissent Taïwan, dont le Paraguay, Haïti, le Vatican, l’Eswatini et sept petites nations insulaires des Caraïbes et du Pacifique. Taipei dispose cependant de bureaux de représentation faisant office d’ « ambassades officieuses » dans de nombreux pays.
Selon Alexander Huang, analyste à l’Université Tamkang à Taipei, Taïwan a peu de moyens de concurrencer la puissance de la Chine sur la scène diplomatique. « Les alliés diplomatiques formels de Taïwan sont relativement petits, et ont une capacité limitée de résister à l’attrait du marché et des opportunités économiques de Chine continentale », a-t-il estimé. Les relations entre Pékin et Taipei se sont envenimées depuis l’élection en 2016 à la présidence taïwanaise de Tsai Ing-wen, issue d’un parti traditionnellement favorable à l’indépendance. Depuis, Pékin a arraché à Taipei la reconnaissance diplomatique de huit pays.
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