Le juge Édouard Durand appelle à sortir du « déni social » sur les violences sexuelles faites aux enfants

Par Vincent Solacroup
8 février 2024 15:30 Mis à jour: 8 février 2024 16:01

La parole des victimes de violences sexuelles doit être entendue sans arrière-pensée, préalable non négociable de la protection de l’enfance, exhorte le juge pour enfants Édouard Durand dans un court essai publié jeudi dans lequel il appelle à sortir d’un « déni social ».

« En France, chaque année des dizaines de milliers d’enfants sont victimes de violences sexuelles », rappelle le juge, qui a co-présidé pendant trois ans la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), dans « 160.000 enfants. Violences sexuelles et un déni social » (Tracts Gallimard).

« Mais le problème, c’est qu’on ne les voit pas ou qu’on fait comme si on ne les avait pas vus. Les violences sexuelles font l’objet d’un déni massif, puissant, ancien », dénonce le magistrat, un « déni qui a un corollaire immédiat, l’impunité des agresseurs ».

Un coût « monumental »

Pour preuve, les chiffres de la Ciivise qui montrent que lorsqu’un enfant révèle les violences sexuelles qu’il subit à un professionnel, « celui-ci ne fait rien dans 60% des cas ». Plus de 70% des plaintes déposées pour violences sexuelles sur mineurs font l’objet d’un classement sans suite et 3% des pédocriminels sont déclarés coupables par un tribunal ou une cour d’assises, ajoute le juge Durand.

Or ce déni, poursuit-il, a un coût « monumental », à la fois humain « avec la souffrance des victimes et de leurs proches », social avec « la perte de confiance dans le contrat social et dans la loi » et économique avec « 9,7 milliards d’euros chaque année pour les dépenses publiques ».

Face à ce constat, Édouard Durand estime qu’il n’y a qu’une seule solution : « croire la personne qui dénonce des violences. » « Il faut prendre cette parole au sérieux, la tenir pour vraie et agir en conséquence, il n’y a absolument aucune autre manière de lutte contre l’impunité des agresseurs », juge-t-il. Il regrette qu’à l’heure actuelle, au lieu « de protéger les enfants qui révèlent ces violences, on les soupçonne de mentir, d’exagérer ou on accuse leur mère ou tout autre adulte protecteur de mentir, de manipuler. »

Quant à la présomption d’innocence, elle est souvent « improprement invoquée » car ce principe « n’a jamais été conçu pour garantir l’impunité des criminels et des délinquants », relève-t-il. Ce principe « ne peut pas être opposé aux victimes de violences pour leur interdire de dire qu’elles sont victimes de violence ».

Avec la Ciivise, « nous avons cru que ‘la honte allait changer de camp’ », confie enfin le juge, dont le maintien à la tête de l’instance a été réclamé par les associations de victimes – en vain. « Pourtant, tout laisse à penser que la parole des victimes, on l’a assez entendue. Ça suffit. On éteint la lumière. »

« Évincé »

Le gouvernement avait confirmé lundi 11 décembre 2023 le maintien de la Ciivise mais sans Édouard Durand se disant « évincé » dans une interview de Franceinfo. L’ex-rugbyman et responsable associatif Sébastien Boueilh a été nommé président aux côtés de l’experte judiciaire Caroline Rey-Salmon, vice-présidente. Édouard Durand avait déclaré être en désaccord avec la communication du gouvernement affirmant le maintien de la Ciivise avec un élargissement de ses missions. « Je ne laisserai pas dire que nous ne sommes pas occupés de formations et des enfants victimes de prostitution, de pédocriminalité en ligne ou de toute autre violence sexuelle » avait-il indiqué. Il a déploré que le communiqué du gouvernement ne reconnaissance pas les « personnes qui en si grand nombre, 30 000 témoignages, ont donné leur confiance à la Ciivise ». Pour lui, « s’il n’y a pas d’appels à témoignages, ce n’est pas la Ciivise ». Et les missions sont au contraire « rétrécies ».

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