Le ponton en bois où autrefois était attaché son bateau repose désormais sur le sol craquelé. Hernan Sandino contemple avec tristesse l’étendue vide d’eau du lac de Suesca, dans le centre de la Colombie, en train de lentement disparaître sous ses yeux.
L’ingénieur de 73 ans pointe son doigt au loin vers le centre du lac où subsiste une poche d’eau d’un mètre de profondeur, contre six mètres dans ses plus lointains souvenirs.
C’est la deuxième fois en dix ans que ce réservoir d’eau naturel de 5,4 km2, situé à quelque 90 km au nord de Bogota, dont la taille augmente ou diminue au gré des précipitations, est en train de totalement disparaître.
En 2009, le lac avait atteint des niveaux encore plus bas qu’aujourd’hui. Mais au cours des deux années suivantes, le phénomène climatique La Niña, qui augmente les précipitations dans ce pays tropical, avait fait regagner au lac ses profondeurs, au prix toutefois de millions de dollars de dégâts sur les infrastructures du pays en raison des fortes intempéries.
Le lac de Suesca déclaré réservoir de biodiversité
Relevés pluviométriques en main, Hernan Sandino dit avoir constaté autour du lac une diminution des précipitations au cours des huit dernières années. Ce sont « les effets du changement climatique que seuls certains inconscients nient encore », peste-t-il.
Avec le réchauffement climatique, l’intensité et la fréquence des épisodes de sécheresse risque encore d’augmenter.
En 2006, le lac de Suesca a été déclaré réserve d’eau et réservoir de biodiversité – un refuge pour les oiseaux migrateurs – dans le cadre de la lutte contre le changement climatique.
Les autorités se sont ensuite engagées dans un plan environnemental visant à interdire les cultures alentours et leur irrigation avec les eaux du lac.
Mais quinze ans plus tard, les efforts se révèlent insuffisants.
Lente agonie du lac
« C’est une tragédie environnementale que notre lac soit dans cet état », déplore Humberto Hernandez, ingénieur à l’Autorité environnementale du département de Cundimarca, où est situé le lac.
« Ce n’est pas seulement un mois ou une longue période de pluie » qu’il faudrait pour recharger les sols en eau « mais plusieurs années », affirme-t-il.
Fidela Castillo témoigne de la lente agonie du lac. Elle vit ici depuis 65 ans. Jeune femme, elle se souvient qu’elle lavait le linge sur la rive pendant que ses voisins puisaient de l’eau pour irriguer les cultures et abreuver les animaux.
Aujourd’hui, s’appuyant sur sa canne, c’est elle qui doit apporter de l’eau de sa maison jusqu’au bord du lac où l’attendent une vache et son veau assoiffés.
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