L’annonce par le numéro un mondial du lait, Lactalis, de la réduction progressive de près de 9 % de ses volumes collectés en France a été dénoncé le 26 septembre comme « une déflagration » par les éleveurs, déjà soumis à rude épreuve.
Le groupe laitier va réduire à partir de fin 2024 les volumes de lait collecté dans les fermes françaises à destination des marchés internationaux, afin de se recentrer sur les produits vendus en France, mieux valorisés.
En parallèle, la multinationale investit des sommes de plus en plus conséquentes sur le lait brésilien qu’elle compte également importer en France, mettant une pression supplémentaire sur les agriculteurs français déjà au bord de la rupture.
Lactalis va réduire sa collecte de lait en France fin 2024
La multinationale, qui revendique le titre de premier groupe laitier mondial, a annoncé la réduction « de l’ordre de 450 millions de litres » sur une collecte annuelle « de quelque 5,1 milliards de litres » de lait d’excédent auprès des éleveurs français.
Pour amortir l’impact de cette décision « difficile » sur la taille des troupeaux de vaches à lait en France, et donner du temps aux éleveurs pour s’organiser, le groupe s’engage à ce que la réduction des volumes « soit progressive entre 2024 et 2030 ».
Le groupe estime nécessaire « de se recentrer sur les produits de grande consommation français, mieux valorisés car moins sujets aux aléas des marchés mondiaux ». « C’est aujourd’hui une décision difficile pour nous qui étions toujours parvenus à collecter les surplus de lait en France et à les valoriser à l’international » ajoute Lactalis.
Le mix-produit de Lactalis est composé de 50 % de produits de grande consommation vendus en France, de 20 % de produits de grande consommation vendus à l’export, et de 30 % de produits industriels vendus sur les marchés de « commodités laitières » (beurre, poudre de lait..) fortement soumises aux aléas des cours mondiaux.
Avec près de 30 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023, Lactalis a intégré le top 10 mondial du secteur. Le groupe compte 270 sites de production dans 51 pays et emploie 85.000 personnes.
La colère des agriculteurs
Cette décision de Lactalis a ranimé la colère du monde agricole, qui dénonce un industriel « sans scrupule ». Arnaud Rousseau, le patron de la première organisation agricole, FNSEA, a donné le ton, évoquant une « déflagration pour le milieu laitier » en France, alors que le monde de l’élevage, déjà fragilisé, est menacé par des maladies animales.
« Pour nous, l’enjeu est de s’assurer que les producteurs de lait continueront à trouver quelqu’un qui leur collecte le lait », a déclaré Arnaud Rousseau, jugeant qu’il était « trop tôt » pour évaluer le nombre de vaches qui pourraient disparaître, alors que le cheptel décroît déjà faute de jeunes prenant la relève.
« Nous n’avons jamais cessé d’alerter sur la dépendance économique structurelle des producteurs face aux laiteries », souligne dans un communiqué la Confédération paysanne, qui avait investi le siège de Lactalis en février. « Cette diminution de la collecte sert pour Lactalis à éliminer des producteurs et à faire pression sur celles et ceux qui restent. La peur d’une cessation de collecte empêche les revendications légitimes pour améliorer le revenu » des éleveurs, estime l’organisation.
Une stratégie « regrettable » ou « incompréhensible » pour des éleveurs laitiers contactés par l’AFP en Meurthe-et-Moselle et dans le Bas-Rhin. « Leur but, ça doit être d’importer du lait étranger qui se retrouvera dans du beurre Président. Le consommateur n’y verra rien », anticipe Daniel Perrin, qui possède 80 vaches laitières à Fraimbois (Meurthe-et-Moselle).
La France exporte plus de lait qu’elle n’en consomme. La moitié du lait collecté dans le pays par Lactalis part sur les marchés internationaux, très fluctuants (notamment sous forme de poudre).
Lactalis mise sur le Brésil et son énorme marché
Leader mondial des produits laitiers, le groupe français Lactalis mise sur le Brésil, cherchant à conquérir les consommateurs de ce pays-continent avec ses quelque 200 millions d’habitants.
Entre le géant français du lait et le Brésil, marché énorme et puissance agricole d’envergure mondiale, le rapprochement paraît logique. « On a encore un potentiel très important de développement », a déclaré Thierry Clément, directeur général des opérations de Lactalis.
Les 100 millions d’euros injectés par le groupe Lactalis pour élargir les capacités de production d’Itambé, l’une des plus importantes entreprises laitières du marché brésilien, ont boosté le chiffre d’affaires de la marque brésilienne : celui-ci a doublé depuis l’acquisition, atteignant 900 millions d’euros en 2023.
Lactalis ne détient aujourd’hui que 13 % de parts de marché au Brésil. « Notre objectif est d’atteindre les 20 % d’ici à 2028 et d’améliorer notre rentabilité via le développement des produits à valeur ajoutée », indique Patrick Sauvageot, directeur général de Lactalis Brésil.
Quatrième producteur mondial de lait après avoir cédé il y a deux ans sa troisième place sur le podium occupé par les États-Unis, l’Inde et la Chine, le Brésil a d’ailleurs importé 9 % du lait consommé sur son territoire l’an dernier, contre 3 à 5 % en temps normal.
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Des « pratiques déloyales » de Lactalis en Italie
Le géant laitier Lactalis s’est retrouvé dans le viseur du ministère italien de l’Agriculture qui lui a infligé une première amende de 74.000 euros pour « pratiques déloyales », lui reprochant d’avoir abaissé l’an dernier de manière « unilatérale » le prix du lait payé aux producteurs.
Une accusation qui a été réfutée par Lactalis, dont la filiale Italatte compte faire appel de cette amende et d’éventuelles autres sanctions futures, considérant « le préjudice économique allégué comme totalement infondé ».
L’an dernier, « les modifications contractuelles proposées ont permis aux agriculteurs de gagner 40 millions d’euros » de plus qu’en 2022, soit « 10 % de plus que ce qui était initialement prévu, à un prix conforme au marché », fait valoir Lactalis.
La multinationale « a profité de sa position dominante en Italie pour réviser unilatéralement les contrats conclus avec nos producteurs de lait, ce qui a entraîné une baisse de leurs revenus », avait au contraire affirmé en février le ministre de l’Agriculture Francesco Lollobrigida. « Lactalis doit respecter les règles de ce pays, nos producteurs et nos coûts de production », avait-il déclaré.
Outre une première amende, l’Inspection de la répression des fraudes des produits agroalimentaires, qui dépend du ministère, a notifié à Lactalis l’ouverture de 100 autres procédures pour des « pratiques déloyales » concernant le prix du lait payé aux éleveurs italiens.
« C’est une première victoire historique dans une bataille sur le prix du lait qui sera longue et difficile », a réagi le président du principal syndicat agricole Coldiretti, Ettore Prandini. »Nous avons été la seule organisation à dénoncer la multinationale Lactalis parce qu’elle n’a pas respecté les contrats passés avec les agriculteurs, en les modifiant unilatéralement », a-t-il affirmé.
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