Au moins une douzaine de journalistes, d’employés d’ONG et d’officiels arméniens ont vu leurs téléphones piratés avec le logiciel espion Pegasus lors du conflit avec l’Azerbaïdjan, selon un rapport de l’organisation Access Now publié jeudi.
Ce programme informatique conçu par la société israélienne NSO Group peut prendre le contrôle d’un smartphone et permettre d’accéder à distance aux données, au micro et à la caméra. Selon l’ONG Access Now, qui défend les droits des internautes, il s’agit de la première utilisation documentée de Pegasus dans un conflit militaire international.
L’Arménie et l’Azerbaïdjan, des ex-républiques soviétiques, se sont affrontées pour le contrôle de la région disputée du Nagorny Karabakh lors de deux guerres, l’une dans les années 1990 et l’autre en 2020. Malgré un cessez-le-feu parrainé par Moscou, des affrontements éclatent régulièrement à la frontière entre les deux pays.
L’enquête d’Access Now menée conjointement avec d’autres ONG et groupes de recherche a pu confirmer que 12 personnes avaient été visées avec Pegasus entre octobre 2020 et décembre 2022. Parmi eux, la responsable arménienne des droits de l’homme Kristinne Grigoryan, plusieurs journalistes de Radio Free Europe et un représentant des Nations unies.
« Les faits et les précédents pointent vers les autorités azerbaïdjanaises »
Anna Naghdalyan, porte-parole du ministère arménien des Affaires étrangères pendant le conflit, fait également partie des victimes. Elle avait été prévenue en 2021 par Apple que son téléphone était susceptible d’être attaqué. « Pour la première fois, je me suis sentie vulnérable et inquiète de l’intégrité de mes informations personnelles et professionnelles », a-t-elle déclaré à l’AFP. Access Now a déclaré qu’elle ne pouvait pas savoir avec certitude qui avait procédé à l’espionnage, l’Arménie et l’Azerbaïdjan ayant tous deux déployé des systèmes de surveillance par le passé. « Bien que la nature clandestine de (ces technologies) signifie qu’il n’y a pas toujours de traces claires qui mènent à un auteur, les faits et les précédents pointent vers les autorités azerbaïdjanaises », a toutefois déclaré Giulio Coppi, un responsable de l’ONG, à l’AFP.
« Plus de 50.000 noms susceptibles d’avoir été surveillés via Pegasus, dont des chefs d’État »
Pour l’organisation, un moratoire s’impose sur la vente de tels logiciels tant qu’ils ne seront pas conformes au droit international. « Fournir le logiciel espion Pegasus aux autorités de l’un ou l’autre pays dans le contexte d’un conflit violent comporte un risque substantiel de contribuer et de faciliter de graves violations des droits de l’homme, voire des crimes de guerre », écrit-elle dans son rapport. NSO fait l’objet de nombreuses poursuites, de la part d’Apple et d’autres entreprises. En juillet 2021, une enquête avait révélé une liste de plus de 50.000 noms susceptibles d’avoir été surveillés via Pegasus, dont des chefs d’État.
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