OPINIONS

Le marketing souffre d’une image négative auprès d’un tiers des Français

mars 3, 2023 7:26, Last Updated: mars 3, 2023 7:30
By Amina Béji-Bécheur, Université Gustave Eiffel; Alain Decrop, Université de Namur et Lydiane Nabec, Université Paris-Saclay

De No logo en 1999 à La main visible des marchés en 2022, nombreux sont les ouvrages et les réflexions remettant en cause le pouvoir du marketing, si bien que ce mot est souvent décrié et connoté négativement. Dans le langage courant, l’expression « c’est du marketing » renvoie au caractère trivial voire mensonger d’un produit ou d’un service ainsi qu’à l’aspect intrusif voire manipulateur de pratiques commerciales.

Pourtant, l’association française du marketing (AFM) en donne la définition suivante :

« Le marketing est une vision spécifique des échanges qui doivent être équitables et impliquer la création de valeur pour chacune des parties prenantes (individus, organisations, institutions) ».

Le marketing porte donc une grande responsabilité face aux défis environnementaux et sociétaux : contribuer à la transformation des marchés en accompagnant les changements de modes de production et de consommation de manière équitable et durable.

D’où vient, dès lors, ce décalage entre identité et image du marketing ? Pour le comprendre, Kantar et l’AFM ont mené une étude auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française.

Mauvaise image, oui, mais

Il en ressort notamment deux constats : tout d’abord, les métiers du marketing souffrent d’une image négative auprès de 33% des Français, contre 23% qui en ont une image positive, sachant qu’une grande majorité a une attitude neutre (44%). Il est à noter que les métiers de la publicité sont encore moins bien perçus avec 48% d’opinions négatives pour seulement 17% d’opinions positives.

Nuage de mots associés spontanément au marketing. Fourni par l’auteur

Second constat, le marketing est spontanément associé à des termes connotés négativement : arnaque, mensonge, harcèlement, surconsommation. Le nuage de mots ci-contre en réponse à la première question ouverte, « quand vous pensez au marketing, quelles idées, quels mots, quelles émotions ou quelles images vous viennent à l’esprit ? » rend compte de la réduction du marketing à la publicité et la vente ainsi que des clichés négatifs qui lui sont associés.

Les personnes participant à l’étude ont ensuite été exposées durant un temps à un document informatif présentant la diversité des activités du marketing (voir figure ci-dessous). L’objectif était de proposer aux répondants une vision plus factuelle et plus complète des pratiques liées à la fonction marketing pour dépasser les clichés et favoriser une évaluation en connaissance de cause.

Texte présenté aux répondants et top 5 des représentations du marketing. Fourni par l’auteur

Lorsque l’on s’intéresse aux croyances qui sous-tendent l’image du marketing, on constate que quatre fonctions sont associées aux pratiques marketing.

Les croyances négatives renvoient à deux fonctions, le potentiel aliénant et l’opportunisme des actions marketing, tandis que les croyances positives se résument en des fonctions informative et transformative. Même si ces deux dernières expliquent principalement l’image du marketing, la majorité des Français pensent que le marketing agit plus dans un sens aliénant et opportuniste qu’informatif et transformatif alors qu’il a pourtant le pouvoir de le faire.

Concrètement, les pratiques marketing ne remplissent pas leur contrat, l’information est considérée comme peu authentique, les discours sur le bien-être individuel ou sociétal sont extrêmement présents dans les promesses faites aux consommateurs mais sont perçus peu sincères.

Des carrières peu attrayantes sauf pour les jeunes

Nuançons, car tous les Français n’ont pas la même opinion du marketing. Une analyse plus fine des croyances signale que quatre types de représentations sont identifiés. Le groupe des anti-marketing (17%) évalue négativement le marketing (moyenne de 2/5) en raison de ses fonctions aliénante et opportuniste. Les critiques idéalistes (25%) le rejettent pour son pouvoir aliénant mais lui reconnaissent un potentiel utile pour la société via sa fonction transformatrice. Mais ce levier n’est pas encore suffisamment audible et crédible à leurs yeux, l’image qu’ils ont du marketing est mitigée (en moyenne 2,9 sur 5 points).

Ayant le même niveau d’attitude vis-à-vis du marketing, les critiques réalistes (33%), croient cependant plus en la capacité informative des dispositifs marketing mais les considèrent comme principalement opportunistes. Enfin, les défenseurs du marketing (25%) croient à son utilité pour les consommateurs et la société via ses rôles informatif et transformatif des marchés.

De manière significative, ce groupe est plus masculin que les trois autres, qui sont plus féminins. L’attitude moyenne de ce groupe à l’égard du marketing n’est cependant pas très élevée (3,4/5) ce qui sous-entend qu’ils attendent que les pratiques marketing s’améliorent sur ses deux fonctions principales.

Les quatre positionnements des Français à l’égard du marketing. Fourni par l'auteur

En accord avec le mauvais score d’attitude à l’égard du marketing en général, l’intention de décrocher un emploi dans le secteur du marketing est très faible dans notre enquête (en moyenne, 1,80 sur une échelle de 1 à 5), allant de seulement 19% des personnes souhaitant devenir professeurs de marketing à 27% qui aimeraient travailler dans le secteur du commerce de détail (score inférieur à l’intention de travailler dans la police de 61%).

Cependant, plus on est jeune, plus l’intention de travailler dans le marketing est forte (ci-dessous).

Fourni par l'auteur

En résumé, la majorité des Français a donc un regard critique exprimant des attentes claires à l’égard du marketing : informatif, attentif et sobre. Les entreprises doivent construire une relation de confiance avec les consommateurs et plus largement leurs parties prenantes, en mettant en œuvre un discours sincère et authentique qui correspond aux conditions réelles de production (écologiquement et socialement).

En conséquence, il en va de notre responsabilité et de notre intégrité scientifique en tant que chercheurs et enseignants d’analyser la performance globale des actions marketing. C’est ce qui permettra de rendre compte des pratiques inefficaces et destructrices de valeur sur les plans écologiques et sociétaux. En outre, c’est ce qui permettra d’identifier des solutions pertinentes et efficaces en vue de répondre adéquatement aux urgences climatiques et sociales pour les organisations.


Pierre Gomy, Head of Marketing, Central and Southern Europe chez Kantar Insights, a participé à la rédaction de cet article.

Article écrit par Amina Béji-Bécheur, Professeure des universités, membre de l'Institut de Recherche en Gestion, Université Gustave Eiffel; Alain Decrop, Professeur de marketing , Université de Namur et Lydiane Nabec, Professeure des universités en sciences de gestion et du management, Université Paris-Saclay

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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