Le 15 août 1824, un grand homme débarque à New York, pour la première étape de son « Grand tour » de l’Amérique. Initialement prévu pour ne durer que quatre mois et ne couvrir que les 13 états originels du pays, son séjour a duré 16 mois et l’a amené à rencontrer des foules enthousiastes dans les 24 états qui formaient les États-Unis de l’époque.
Le bien-aimé aristocrate a reçu l’invitation du président James Monroe lui-même, en vue du 50e anniversaire de l’Amérique en 1826. C’était le choix parfait. Cet estimé Marquis de Lafayette était venu en Amérique depuis sa France natale alors qu’il n’était encore qu’un adolescent, désireux d’aider le pays à garantir sa liberté et son indépendance.
Lafayette a risqué sa vie pour « la cause américaine » et n’a jamais reçu un centime pour ses efforts. Il a rejoint l’état-major du général George Washington (qui l’a aimé comme un fils), a subi une grave blessure à la jambe lors de la bataille de Brandywine, souffert avec les troupes lors de l’horrible hiver à Valley Forge, aidé Benjamin Franklin à obtenir le soutien de la France à l’effort de guerre et a joué un rôle essentiel en tant que commandant lors de plusieurs batailles, dont la bataille finale et décisive de Yorktown en 1781. A 20 ans, il accède au rang de général de division dans l’Armée continentale.
Ce bilan serait impressionnant en lui-même, si Lafayette s’en était tenu là, mais la grandeur de l’homme dépasse ces quelques faits. Il suffit pourtant d’expliquer en quoi son Grand tour de 16 mois a été la marque de reconnaissance la plus importante et la plus longue que les Américains aient jamais offerte à un étranger.
Près de 90 % des habitants de la ville de New York sont venus l’accueillir lorsqu’il a débarqué de son navire. Des foules immenses et remplies d’adoration l’ont entouré à Boston, Philadelphie, Charleston, St. Louis – en fait, partout où il est allé. L’homme a 67 ans. Peu d’Américains ont vu ou parlé à cette légende vivante depuis les 50 dernières années. Mais tout le monde le connaît et l’aime profondément. L’historienne Shannon Selin écrit de lui :
« Lafayette a parcouru près de 10.000 kilomètres, et a visité les 24 États, certains plus d’une fois. Il a été accueilli par des acclamations enthousiastes, des réceptions, des parades, des processions, des fêtes, des banquets, des concerts et des bals. Les habitants décorent son parcours et érigent des arches de cérémonie sous lesquelles lui et son entourage pourront passer. Les cloches des églises sonnent en son honneur. Des canons sont tirés en guise de saluts. Les gens le louaient dans des toasts, des discours, des poèmes et des chansons. Il a passé en revue les milices. Il a parlé avec des anciens combattants et a visité des champs de bataille, notamment le site de la bataille de Brandywine, où il a été blessé à la jambe en 1777. Il a posé des pierres angulaires et inauguré des monuments. Il a visité des moulins, des canaux, des fermes et des usines. Il a béni des enfants. Il a rencontré des Amérindiens. Une industrie du souvenir s’est développée autour de lui, avec de la vaisselle, des rubans, des épingles, des badges, des médaillons, des éventails, des courtepointes et des vêtements portant son nom ou son image. Des lithographies et des peintures représentaient des scènes de la Révolution américaine ou de sa visite aux États-Unis. De nouvelles biographies de Lafayette étaient publiées. Des bâtiments, des rues et des villes étaient nommés en son honneur, et même des enfants. Les journaux relataient ses déplacements avec passion. »
D’une certaine manière, les Américains lui rendent encore hommage aujourd’hui. Pas moins de 36 villes américaines portent son nom, par exemple Fayetteville, en Caroline du Nord, ou Lafayette, en Louisiane.
Né Marie-Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier en 1757, le marquis de Lafayette mérite de figurer au panthéon des champions de la liberté. Voici d’autres faits remarquables sur la vie du Marquis:
L’Independence Hall de Philadelphie a été préservé grâce à Lafayette. Le bâtiment tombait en ruine lorsque les autorités municipales ont décidé de le remettre en état pour la visite du marquis. À 19 ans, en 1777, Lafayette avait humblement frappé à la porte du Congrès pour demander à rejoindre la lutte contre George III. Une fois la guerre terminée, il a déclaré : « L’humanité a gagné sa bataille. La liberté a maintenant un pays ».
Abolitionniste de longue date, Lafayette était en avance sur son temps sur la question de l’esclavage. Il a entretenu de nombreuses et étroites amitiés avec des Noirs en Amérique et a fréquemment appelé à la « liberté pour toute l’humanité ».
Lorsque la Révolution française éclate en 1789, c’est Lafayette (en tant que membre élu des États généraux) qui rédige le projet initial de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Ainsi, Lafayette a joué un rôle essentiel dans la naissance des républiques américaine et française, ce qui lui a valu le surnom durable de « Héros des deux mondes ». Sa Déclaration contenait cette définition superbe et concise qui résume son objectif le plus cher : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance des mêmes droits ».
Alors que la Révolution française prend un tour tyrannique et anti-liberté, il tombe en disgrâce auprès des radicaux au pouvoir (notamment le sanglant Maximilien Robespierre). Il est déchu de sa citoyenneté française.
Lorsque la France révolutionnaire entre en guerre contre le reste de l’Europe, Lafayette est capturé et emprisonné par les Autrichiens pendant deux ans. C’est peut-être ce qui l’a sauvé des radicaux et de leur guillotine meurtrière.
Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir en 1799, rétablit la citoyenneté de Lafayette et lui propose de devenir ambassadeur de France en Amérique. Mais Lafayette refuse car son affinité avec l’Amérique est telle, dit-il, qu’il ne peut s’imaginer être de l’autre côté de la table, loin de ses amis. Bien qu’il lui soit reconnaissant de l’attention qu’il lui a réservé, il s’oppose fermement à la décision de Napoléon de se déclarer empereur à vie. Lafayette refuse même publiquement ses offres répétées de le nommer à des postes politiques, affirmant qu’il n’envisagerait de tels postes que s’ils émanaient d’un gouvernement responsable devant un peuple libre.
Après l’abdication de Napoléon et la restauration de la monarchie des Bourbons en 1815, Lafayette refuse d’apporter une quelconque autorité morale au roi Louis XVIII. En conséquence, il est écarté du gouvernement. Seule sa renommée internationale lui permet d’échapper à un mauvais sort. Lorsque l’invitation du président Monroe à visiter l’Amérique arrive sur son bureau en 1824, Lafayette est plus que disposé à recevoir l’accueil chaleureux du pays pour l’indépendance de laquelle il s’est battu.
Tard dans sa vie (il est mort en mai 1834 à l’âge de 76 ans), Lafayette pouvait se remémorer une vie pleine d’aventures, de dangers et de réussites. Il ne lui échappait pas que des millions de personnes des deux côtés de l’Atlantique le vénéraient pour tout ce qu’il avait fait pour la liberté des autres. Ces mots, parmi les derniers qu’il a écrits, témoignent de sa profonde affection pour sa nation « adoptive » :
« L’enthousiasme de la religion, l’entraînement de l’amour, la conviction de la géométrie, voilà comment j’ai toujours aimé la liberté. Au sortir du collège, où rien ne m’avait déplu que la dépendance, je vis avec mépris les grandeurs et les petitesses de la cour, avec pitié les futilités et l’insignifiance de la société, avec dégoût les minutieuses pédanteries de l’armée, avec indignation tous les genres d’oppression. L’attraction de la révolution américaine me transporta tout à coup à ma place; je ne me sentis tranquille que lorsque, voguant entre le continent dont j’avais bravé les puissances, et celui où mon arrivée et notre succès étaient problématiques, je pus, à l’âge de dix-neuf ans, me reposer dans l’alternative de vaincre ou de périr pour la cause à laquelle je me dévouais. »
Si vous visitez Paris, ne manquez pas de vous recueillir au cimetière de Picpus, le plus grand cimetière privé de la ville. Un drapeau américain y flotte au-dessus du corps de Lafayette. Il est enterré en terre américaine car le site a été saupoudré de terre qu’il avait lui-même apportée dans une malle lors de sa visite de Bunker Hill à Boston, des années auparavant. Pendant la Première Guerre mondiale, les troupes américaines s’arrêtaient fréquemment sur la tombe du grand homme, où elles criaient : « Lafayette, nous voici ! (Lafayette, we are here) ».
N’oublions jamais le marquis de Lafayette. Il reste l’un des meilleurs amis que la liberté ait jamais eu. Que son Grand tour pour la Liberté ne s’arrête jamais.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.