Le monde a besoin de courage moral

Par Jeffrey A. Tucker
19 juillet 2024 16:58 Mis à jour: 19 juillet 2024 16:58

Le célèbre économiste autrichien Joseph Schumpeter a fait part d’un grand nombre d’idées stupéfiantes dans son livre Capitalisme, socialisme et démocratie, paru en 1942. Je ne cesse de me référer à cet ouvrage pour m’orienter dans notre époque étrange, principalement pour mieux comprendre l’interaction entre l’économie, la politique, l’histoire et la culture. La vision de Schumpeter est probablement mieux décrite comme transidéologique. Partisan du système capitaliste, il n’était pas optimiste quant à la nature humaine elle-même.

Si je suis attiré par cet ouvrage, c’est en partie parce que j’avais l’habitude de le rejeter comme étant excessivement pessimiste. Bien sûr, Schumpeter écrivait en temps de guerre. Issu de l’Europe de l’ancien monde, il s’est fait un nom en tant qu’érudit avant la Grande Guerre. Son éducation était de la plus haute qualité avant cette guerre : toutes les langues romanes, toutes les disciplines, les grands livres de tous les temps, ainsi que d’importantes connaissances techniques. Nous ne reverrons probablement jamais de personnages semblables.

Au moment où la Seconde Guerre mondiale a éclaté en Europe, son opinion avait beaucoup mûri par rapport à ses premiers travaux. Il a vu l’impact de l’abondance et de la prospérité sur la civilisation occidentale dans son ensemble. Pour l’essentiel, son point de vue était que les marchés libres et le capitalisme conduisaient à la destruction de la culture et de la morale d’une civilisation.

Oui, le capitalisme fonctionne. Comme si la manne tombait du ciel. La vie meilleure, plus riche et ayant plus d’opportunités se présente à la population comme par magie, amenant des générations de gens à croire qu’aucun des avantages de notre civilisation ne demande plus d’anciennes vertus. Nous sommes tous dans le coup et nous ne faisons que profiter de ses richesses.

Qu’est-ce que cela fait au caractère humain ? Cela fait que les gens croient que les anciennes vertus ne sont plus valables. Nous n’avons plus besoin de force morale, de résilience, de courage et de détermination. Un monde imbibé de crédit n’a plus besoin de modération, de prudence ou de sobriété. Au lieu de cela, la richesse croissante que nous connaissons depuis la fin du 19e siècle apprend aux gens à se contenter de suivre le mouvement. Le carriérisme remplace le courage. Les diplômes remplacent le talent. L’érudition remplace la sagesse. L’indulgence remplace la prudence.

Cela a un effet profond sur la politique, écrit Schumpeter. Les États en viennent à croire qu’ils peuvent promettre n’importe quoi à leurs populations et que la comptabilité normale est dépassée. Ils créent des États-providence géants qui s’occupent des gens du berceau à la tombe. Ils interviennent dans tous les conflits, nationaux et étrangers, comme si les ressources étaient illimitées. Cela glorifie l’insouciance, la paresse et l’opportunisme au lieu de la discipline et de la force morale.

Et quel en est le résultat, selon Schumpeter ? Les fondements mêmes de la prospérité sont rongés, donnant naissance à une forme de socialisme qui fonctionne tant que la crise est tenue à distance. Cela se manifeste de diverses manières, par exemple dans l’enseignement supérieur. On veut que le plus grand nombre possible de personnes obtiennent un diplôme universitaire – ce qui finit par inonder le marché du travail de professionnels éduqués et ayant une mentalité d’ayant droit, mais pour lesquels il n’y a pas de demande réelle. Tant que la richesse persiste, ils finissent par créer des marchés pour eux-mêmes : de faux emplois dans de fausses institutions pour faire de fausses choses.

Joseph Schumpeter avait prédit tout cela en 1942, et c’est la raison pour laquelle il doutait tant de la capacité de survie du capitalisme et du libre marché. Son livre contient bien d’autres choses relatives à la situation actuelle.

On peut considérer l’ensemble de son ouvrage comme une élaboration du principe suivant, parfois attribué aux stoïciens : « Les temps difficiles créent des hommes forts. Les hommes forts créent des temps favorables. Les temps favorables créent des hommes faibles. Et les hommes faibles créent des temps difficiles. »

Vous comprenez peut-être pourquoi je ne voulais pas travailler lorsque j’étais plus jeune. J’ai atteint l’âge adulte pendant la grande prospérité. Je ne le savais pas, mais des générations étaient en fait entraînées à suivre le mouvement, tentées de croire que les anciennes vertus n’avaient plus d’importance ou, tout au plus, n’étaient qu’une pieuse indulgence convenant plutôt à des communautés religieuses.

Le courage moral n’a jamais été nécessaire, du moins pas de manière habituelle. Certes, il y a eu des gens qui se sont engagés dans l’armée, il y a eu des travailleurs de la santé et d’autres personnes qui se sont engagées dans des métiers de première ligne, ainsi que de nombreux exemples de défis extrêmes dans la vie privée. Je généralise évidemment, mais les défis de la vie elle-même, dans l’ensemble, ont été minimisés probablement plus qu’à n’importe quel moment de l’histoire. Le capitalisme a fonctionné, même trop bien fonctionné, pourrait-on dire.

Joseph Schumpeter avait encore plus raison qu’il ne le pensait. En 2020, après le déclenchement de la pandémie du Covid-19, la richesse semblait si automatique, si inévitable, si indestructible, que la plupart des pays du monde ont décidé d’arrêter toute leur économie. Et ce, dans le cadre d’une nouvelle expérience scientifique visant à atténuer les maladies et en attendant que les laboratoires mettent au point un remède magique qui s’est avéré inefficace.

Et comment la plupart des gens ont-ils réagi ? Ils ont suivi le mouvement. Les églises ont été fermées, tout comme les entreprises et les écoles, les voyages ont été annulés, etc. Les chaînes d’approvisionnement ont été détruites. Les populations habituées à ce que le « système » s’occupe d’elles ne savaient pas quoi faire. La plupart des gens ont donc suivi la norme : acquiescer, faire confiance, attendre leur heure, rester prudents et ne pas perturber le cours de la vie.

La voie de la conformité maximale a toujours fonctionné dans le passé. Pourquoi pas aujourd’hui ? Et pourtant, toute une génération d’écoliers a été ruinée. La vie des gens s’est effondrée. Les arts, la culture, la religion traditionnelle et bien d’autres choses encore se sont effondrés. Les grands médias se sont alignés pour diffuser les messages officiels. Il en va de même pour les grandes entreprises technologiques. Le bouleversement a complètement changé le fonctionnement de la vie elle-même.

C’était un fiasco sans précédent, et savez-vous pourquoi ? Les hommes faibles ont en effet créé des temps difficiles, et ceux-ci ont frappé tout le monde de plein fouet. Cela ne fait pas la une des journaux, et les données officielles sont encore dans le déni, mais tout le monde le ressent dans sa vie personnelle.

Notre niveau de vie baisse, baisse même de manière considérable. On le sait au plus profond de soi, mais la culture publique ne l’a pas vraiment admis.

Tout cela n’est que la toile de fond de la véritable crise actuelle – une crise politique qui peut être illustrée par la tentative d’assassinat de Donald Trump. Il a été épargné par la grâce de Dieu : en tournant brusquement la tête vers l’écran, la balle a tranché le haut de son oreille, mais n’a pas atteint sa tête qu’elle visait.

Comme par miracle, il a survécu.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après avoir essuyé des tirs et saigné, sans savoir s’il y avait d’autres balles à être tirées par le même ou d’autres tueurs, Trump s’est levé et a rallié la foule en promettant de continuer à se battre et en exhortant les autres à faire de même. Lorsque les forces de sécurité l’ont éloigné de l’endroit où il a été ciblé, Trump a levé le poing en air pour la dernière fois avant de partir.

De nos jours, nous voyons rarement, sinon jamais, une telle chose. Ceux qui disaient qu’il n’était qu’un acteur, un influenceur, un politicien opportuniste ou un homme d’affaires ont vu un homme différent lorsqu’il a été confronté à la mort elle-même. Il a fait preuve de résilience, de force morale et de courage moral, toutes ces vertus anciennes qui sont si mal pratiquées de nos jours, mais qui sont le moteur de l’histoire en fin de compte.

La plupart des gens que je connais, même ceux qui s’opposent totalement aux politiques de Trump, sont toujours émerveillés par cette scène. Elle a bouleversé le monde et a marqué l’histoire. Les vidéos en temps réel présentent un spectacle époustouflant.

Nous sommes tellement habitués à une culture de l’inauthenticité, de l’opportunisme, de la performance, de la pose, de l’escalade carriériste et de la mesquinerie qu’il est surprenant d’assister à une démonstration authentique d’une véritable intrépidité face à la mort. Si je puis dire, nous en avions besoin. Désespérément. Nous avions tous besoin de nous rappeler et de savoir que c’est important.

Toute politique mise à part, notre époque a déprécié et abandonné les anciennes vertus et, avec elles, le courage moral. Je suis convaincu que c’est précisément de cela que le monde a besoin aujourd’hui. Nous en avons plus que jamais besoin dans nos vies. Sinon, nous continuerons à suivre la voie prédite par Schumpeter, c’est-à-dire à aller tout droit vers la mort qu’il prévoyait pour la civilisation occidentale.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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