Une nouvelle loi canadienne sur le discours haineux, qui sera bientôt déposée par le gouvernement fédéral, comprendra une nouvelle définition légale de la haine et pourrait faire revivre une loi controversée précédemment abrogée pour atteinte aux droits.
Abrogé en 2013, l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne avait rendu le fait de communiquer, en ligne ou par téléphone, des informations « susceptibles d’exposer » une personne à la haine ou au mépris, si cette personne est « identifiable sur la base d’un motif de discrimination interdit », un acte de discrimination.
La loi controversée a été largement critiquée pour sa portée démesurément large et ses faibles garanties de protéger la liberté d’expression.
Ian McLeod, porte-parole du ministère de la Justice, déclare que « les mandats confiés au ministre de la Justice et à ses collègues nécessiteraient une approche plus large qu’une simple remise en vigueur de l’article 13 », ajoutant qu’un « recours civil » est nécessaire pour que les victimes puissent faire appel.
« Le ministre de la Justice a entendu de nombreuses personnes, organisations et experts dire qu’un recours civil pour les victimes de haine en ligne devrait faire partie de toute stratégie globale de lutte contre le discours haineux en ligne, et nous envisageons cette option », a déclaré M. McLeod à Epoch Times.
Contrairement aux lois pénales, un recours civil est généralement assorti d’une norme de preuve moins stricte et vise habituellement à mettre fin à l’inconduite, à la prévenir ou à indemniser la victime plutôt qu’à porter des accusations criminelles.
Avant l’abrogation de l’article 13, des groupes de défense des libertés civiles avaient exprimé des inquiétudes quant à l’utilisation d’un tribunal des droits de l’homme quasi-judiciaire pour entendre les plaintes déposées en vertu de cette loi qui remplacerait le système plus rigoureux des tribunaux pénaux. Le tribunal avait le pouvoir d’imposer des amendes allant jusqu’à 10 000 $ ou d’émettre des ordonnances de cessation et d’abstention en réponse à des plaintes de haine.
Selon Joseph Hickey, directeur général de l’Association ontarienne des libertés civiles (OCLA), la volonté actuelle du gouvernement de légiférer sur les discours haineux, y compris le rétablissement potentiel de l’article 13 sous quelque forme que ce soit, est problématique et sujette à des abus.
« Le gouvernement ne devrait pas ‘combattre’ un type de discours. Au contraire, le gouvernement est tenu par la Constitution de protéger et de ne pas interférer avec la liberté d’expression de ses citoyens », a déclaré M. Hickey dans une interview.
« Toutes les dispositions légales qui censurent ou punissent autrement les individus pour avoir exprimé des opinions ou des points de vue doivent être abrogées, qu’elles soient pénales ou civiles. »
Les tentatives de légiférer la haine « ou toute autre émotion humaine » devient une pente glissante pour le droit à la liberté d’expression, parce que la haine est fondamentalement subjective et vulnérable à la partisanerie, dit M. Hickey. L’OCLA a déjà décrit l’article 13 comme « une loi sévère utilisée pour attaquer la liberté d’expression des individus ».
Selon M. McLeod, toute définition légale de la haine sera éclairée par la façon dont la Cour suprême du Canada a défini la haine lors de décisions antérieures, en particulier la décision de 2013 dans l’affaire de la Commission des droits de la personne de la Saskatchewan c. William Whatcott, un militant chrétien qui faisait campagne contre l’homosexualité et l’avortement.
« Dans cette décision, la Cour a défini le discours haineux de manière spécifique et étroite afin de minimiser les impacts sur la liberté d’expression », a déclaré M. McLeod.
Abrogation de l’article 13
Les appels à l’abrogation de l’article 13 ont pris de l’ampleur il y a près de 15 ans, après qu’une affaire a été portée devant la Commission des droits de la personne de la Colombie-Britannique concernant un article publié dans le magazine Maclean’s par le commentateur et auteur conservateur Mark Steyn.
Un groupe d’étudiants en droit musulmans et le Congrès islamique canadien ont déposé une plainte contre M. Steyn en 2007, affirmant qu’il exposait les musulmans à la haine et au mépris lorsqu’il affirmait que les taux de natalité élevés et la propagation de l’idéologie radicale dans les pays musulmans représentaient une menace pour les valeurs et les modes de vie occidentaux.
L’affaire a finalement été rejetée, mais elle a suscité des critiques selon lesquelles l’article 13 pourrait être utilisé de manière abusive pour censurer des opinions et menacer le discours public.
Ces dernières années, les progressistes ont laissé entendre qu’ils souhaitaient faire revivre cette loi. Ils ont notamment exprimé cette intention lors des recommandations du comité de la justice, dominé par des progressistes, lequel étudie la haine en ligne.
En 2019, le Premier ministre Justin Trudeau a annoncé que le Canada lancerait une « charte numérique » qui régirait la façon dont le pays combat les discours haineux et la désinformation en ligne. Cette initiative a été déclenchée par les fusillades visant des musulmans dans deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, au cours desquelles 51 personnes ont été tuées et dont l’attaque a été diffusée en direct en ligne.
Dans sa lettre de mandat au ministre du Patrimoine Steven Guilbeault, M. Trudeau a déclaré que la réglementation des plateformes de médias sociaux, y compris les discours haineux, devrait être une priorité absolue.
Selon la lettre, la réglementation devrait commencer par l’obligation pour « toutes les plateformes » de retirer « le contenu illégal, y compris les discours haineux, dans les 24 heures, sous peine de sanctions importantes ». Cela inclurait également d’autres « préjudices en ligne » tels que « la radicalisation, l’incitation à la violence, l’exploitation des enfants ou la création ou la diffusion de propagande terroriste. »
M. Guilbeault a indiqué que son gouvernement présentera une telle loi dans les prochaines semaines, qui comprendra un nouvel organisme de réglementation qui « mettra en œuvre les nouvelles règles et surveillera les discours haineux ».
Les opposants ont fait remarquer que le Code criminel contient déjà des dispositions sur le discours haineux concernant l’incitation à la violence et les menaces de mort, la promotion du génocide et la distribution de propagande haineuse.
Modification de la Loi sur la radiodiffusion
Le 8 mars, on a demandé à M. Guilbeault de défendre un autre projet de loi des libéraux qui a fait l’objet d’allégations de censure. Le projet de loi C-10, actuellement à l’étude en comité, vise à remanier la Loi sur la radiodiffusion du Canada, y compris la réglementation des médias sociaux.
Lors d’une réunion du comité de la Chambre des communes le 8 mars, le député libéral Tim Louis a demandé à M. Guilbeault de clarifier les règles relatives au contenu généré par les utilisateurs sur les médias sociaux, « pour les gens qui disent que nous voulons censurer les médias sociaux ».
« [C’est] clairement pas ce que nous faisons. Il n’y a pas de censure dans la radiodiffusion canadienne en ce moment. Il y a différents types de stations, différents types de télévision, de stations de radio qui auront des angles différents sur le spectre politique. C’est tout à fait normal dans une démocratie », a répondu M. Guilbeault.
« Ce que nous essayons de faire, c’est d’appliquer ce cadre réglementaire aux diffuseurs en ligne. »
La députée conservatrice Cheryl Gallant affirme que le projet de loi C-10, qui vise à taxer les services de musique et de vidéo en continu, « donne un pouvoir débridé au gouvernement ».
« Le pouvoir de réglementer le type de contenu que les Canadiens peuvent et ne peuvent pas voir en ligne est particulièrement préoccupant », dit-elle sur son site Web.
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