Le Parlement européen assimile l’exploitation de la GPA à du trafic d’êtres humains

Par Ludovic Genin
25 avril 2024 11:36 Mis à jour: 26 avril 2024 09:13

Le Parlement européen a adopté le 23 avril un nouveau texte contre le trafic d’êtres humains afin d’y inclure le mariage forcé, l’adoption illégale et l’exploitation de la gestation pour autrui (GPA).

En pleine polémique en France, l’exploitation de la GPA a été reconnue comme un crime au niveau européen au même titre que l’esclavage, la prostitution forcée, en prenant en compte la dimension transfrontalière au sein de l’UE.

La GPA et la traite des êtres humains

Les eurodéputés ont voté à une très large majorité (563 voix pour, 7 voix contre) un texte qui vise à renforcer la coordination des autorités dans le domaine de la lutte contre la traite des être humains, et à mieux protéger et soutenir les victimes.

« Il convient d’inclure l’exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l’adoption illégale dans les formes d’exploitation […], dans la mesure où les éléments constitutifs de la traite des êtres humains sont réunis », indique le texte précisant sur la GPA que la directive « cible les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse ». Selon les députés européens, « la traite des êtres humains constitue une infraction pénale grave, souvent commise dans le cadre de la criminalité organisée, et une violation flagrante des droits fondamentaux ».

Cette criminalisation de l’exploitation de la GPA dans le droit européen arrive au moment d’une polémique autour du commentaire « Où est la maman » de Marion Maréchal sur une publication du couturier français Simon Porte Jacquemus se montrant avec son compagnon et deux bébés vraisemblablement nés par GPA.

Un texte de loi sur lequel a travaillé François-Xavier Bellamy avec la Gauche européenne : « Heureux d’y avoir travaillé avec les élues de la Gauche européenne en charge de cette directive : refuser l’exploitation des femmes et la marchandisation des enfants est un combat qui doit nous réunir, bien au-delà des clivages politiques », a-t-il déclaré sur X.

« De nouvelles formes d’exploitation seront criminalisées et les droits des victimes, y compris ceux des migrants, seront améliorés », a assuré quant à elle la co-rapporteure du texte, la Suédoise Malin Björk (La Gauche). « Nous avons amorcé un changement, les États membres doivent maintenant tirer le meilleur parti de cette directive et veiller à ce que les femmes et les jeunes filles ne soient pas achetées et vendues en Europe », s’est-elle félicité.

La GPA est toujours une forme de contrainte

Dans un communiqué, l’association « Juristes pour l’enfance » s’est félicitée de ce lien fait de manière officielle entre l’exploitation de la GPA et la traite des êtres humains, avec un texte juridique contraignant. Selon l’association de défense des Droits des Enfants, la GPA réalise toujours « une forme de contrainte, qu’elle soit économique, affective ou familiale, et une forme de tromperie, qui consiste à faire croire aux mères porteuses qu’elles ne seraient pas les mères des enfants qu’elles mettent au monde. »

La pratique de la GPA consiste à implanter un embryon dans l’utérus d’une «mère porteuse» en échange d’une compensation financière. En France, la GPA est interdite par la loi du Code civil de 1994 relative au respect du corps humain. L’article établit que «toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle». Selon la loi, les commanditaires d’une GPA se rendent coupables de «délit d’incitation à abandon d’enfant». En conséquence, jouer le rôle d’intermédiaire, dans un but lucratif, entre un individu ou un couple «désireux d’accueillir un enfant», et une femme « acceptant de porter en elle cet enfant » est puni de 6 mois d’emprisonnement et de 7.500 euros d’amende.

Selon le texte européen, la traite des êtres humains a différentes causes profondes. « La pauvreté, les conflits, les inégalités, la violence à caractère sexiste, l’absence de possibilités d’emploi viables ou de soutien social, les crises humanitaires, l’apatridie et la discrimination » comptent parmi les principaux facteurs qui rendent les personnes, en particulier les femmes, les enfants et les membres de groupes marginalisés, vulnérables à cette traite des êtres humains.

La question de la traite d’êtres humains

Selon Interpol, la traite d’êtres humains répond à des finalités spécifiques, comme « l’exploitation sexuelle, l’exploitation de la main-d’œuvre, la criminalité forcée et le trafic d’organes, entre autres formes d’exploitation. »

La traite des êtres humains est la troisième activité illégale la plus lucrative au monde, après le commerce illégal d’espèces sauvages et le trafic de drogue. Selon le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, la traite des êtres humains et leur exploitation à des fins lucratives constituent « l’un des crimes mondiaux les plus anciens et les plus odieux ». «C’est l’histoire de millions d’hommes, de femmes et d’enfants, exploités sexuellement, soumis au travail forcé, au mariage forcé, au trafic de drogue, à la servitude domestique, au prélèvement d’organes et à d’autres horreurs», a déclaré Volker Türk.

Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la traite des êtres humains est même l’une des activités illicites les plus lucratives en Europe. Elle rapporterait environ trois milliards de dollars par an aux groupes criminels.

Une efficacité difficile à mesurer

Les nouvelles règles entreront en vigueur 20 jours après leur publication au Journal officiel de l’UE, et les États membres disposeront de deux ans pour mettre en œuvre les dispositions.

Mais son application sera peut être difficile à mettre en place. La directive précise en effet que « ces règles sont sans préjudice des règles nationales en matière de gestation pour autrui, y compris du droit pénal ou du droit de la famille. » En d’autres termes, les droits nationaux peuvent prévaloir — et c’est normal — sur le droit européen. Certains États-membres comme la France interdisent déjà cette pratique sur le sol national, mais d’autres pays comme la Grèce, l’Irlande ou la Roumanie l’encadrent juridiquement.

D’autres lois européennes pourraient être aussi en contradiction à la nouvelle directive. Selon Famille Chrétienne, en décembre 2023, un «certificat européen de parentalité» a été voté au Parlement européen, un outil qui facilite la reconnaissance de la parentalité établie dans un autre État membre «quelle que soit la manière de l’enfant a été conçu», ce qui ouvre la porte à des GPA effectuées à l’étranger.

Comme pour le trafic d’organes, il y a une nécessité de traçabilité de la traite d’êtres humains faite à l’étranger, pour éviter à l’UE et à la France de participer à la marchandisation du corps humain. Le droit français ou le droit européen devrait aussi s’appliquer quand ces crimes, tels que définis par l’UE et la France, sont commis par leurs ressortissants à l’étranger.

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