Des années d’infiltration du Parti communiste chinois (PCC) au Canada ont permis au régime d’utiliser le Canada comme bastion pour subvertir les États-Unis. C’est ce qu’affirme Scott McGregor, ancien agent de renseignement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
M. McGregor explore cette question dans le livre qu’il vient de publier, intitulé « The Mosaic Effect : How the Chinese Communist Party Started A Hybrid War in America’s Backyard » (L’effet mosaïque : Comment le Parti communiste chinois a déclenché une guerre hybride dans la cour de l’Amérique), coécrit avec la journaliste Ina Mitchell.
Publié le 25 octobre 2023, l’ouvrage se penche sur la « guerre hybride » menée par le régime communiste chinois. Une stratégie à multiples facettes visant à affaiblir et à vaincre ses adversaires sans recourir à la guerre conventionnelle.
Dans une interview accordée à Epoch Times le 26 octobre, M. McGregor a déclaré que l’un des principaux objectifs de l’infiltration du PCC était d’utiliser le Canada comme « bastion » pour faire progresser ses objectifs géopolitiques et économiques dans sa rivalité contre les États-Unis.
« Le Canada est une cible facile pour un certain nombre de raisons, et cette infiltration a commencé il y a très longtemps. Or, depuis tout ce temps, anéantir les États-Unis est évidemment l’ objectif principal du PCC. Ils sont le plus grand rival [pour la domination mondiale] », déclare-t-il.
Pékin « affaiblit le Canada pour viser les États-Unis », a-t-il expliqué.
« Ils essaient également de passer directement par les États-Unis, mais le vrai bastion si vous voulez, c’est le Canada, qui est vraiment devenu un point d’appui dans le cadre de sa guerre hybride, que ce soit par le biais de la cybernétique et en particulier dans le domaine de la criminalité transnationale organisée. »
Un portrait complet de la stratégie du PCC se dessine lorsque l’on rassemble les différents éléments d’information sur ses opérations secrètes spécifiques.
Opération Dragon Lord
Le livre de M. McGregor fait référence à des opérations de renseignement canadiennes et américaines remontant aux années 1990, qui ont révélé les tactiques d’ingérence de la Chine, exécutées par l’intermédiaire d’un réseau complexe de membres de triades et de magnats chinois du monde des affaires.
« Les agences du renseignement ont pu constater que le Canada était en train de devenir une menace pour les États-Unis en raison de son haut niveau d’infiltration. C’est très problématique », souligne M. McGregor.
Le livre présente notamment un extrait d’un document, datant de 1999, lié à l’opération Dragon Lord, une opération de renseignement américaine hautement confidentielle qui s’appuyait sur des rapports émanant de plusieurs agences.
Dans ce document, les services du renseignement américains mettent en avant une « découverte majeure et indéniable » concernant la « présence inquiétante et potentiellement déstabilisatrice » au Canada de ce qu’ils décrivent comme la « trinité du mal », composée des services du renseignement du PCC, des membres des triades et de magnats chinois.
« Dans un premier temps, les responsables canadiens du renseignement ont cru que cette trinité utilisait le Canada comme un terrain d’essai fertile et facile d’accès pour ses opérations. Malheureusement, il apparaît aujourd’hui que le Canada est la porte d’entrée des opérations de la ‘trinité’ dans toute l’Amérique du Nord », indique le document.
« Exploitant les lois laxistes du Canada en matière d’immigration, [déjouant] les patrouilles frontalières et [profitant] du généreux système de sécurité sociale, les chefs des triades et leurs associés ont été en mesure d’établir une base bien nourrie au Canada. Le Canada est ainsi devenu l’une des principales préoccupations du gouvernement américain en matière de sécurité. »
Guerre hybride
Le concept de guerre hybride a été initialement introduit par deux colonels chinois dans leur livre de 1999, intitulé « Unrestricted Warfare ». Ils y expliquent ouvertement les tactiques que Pékin pourrait employer pour vaincre des « adversaires technologiquement supérieurs », tels que les États-Unis. Les tactiques décrites dans l’ouvrage peuvent être classées en cinq catégories : guerre juridique, guerre économique, cyberguerre, terrorisme et guerre médiatique.
M. McGregor note que la cyberguerre s’est intensifiée [ces dernières années] de façon significative, citant l’exemple de la Colombie-Britannique, où les agences gouvernementales subissent 1000 attaques par minute en provenance de Chine. Il souligne que Pékin a mis en place un appareil spécialisé et militarisé visant à mener cette cyberguerre.
D’autres facettes de la guerre hybride de la Chine englobent ce qui est décrit comme le « soft power » et le « sharp power », selon M. McGregor. Le « soft power » implique principalement la subversion économique des entreprises et des infrastructures critiques canadiennes, tandis que le « sharp power » se concentre sur l’influence politique, allant [du milieu communautaire et local] à l’échelle fédérale.
« Il n’y a pas de cible qui ne vaille la peine d’être poursuivie », déclare-t-il en référence à la stratégie du PCC.
En outre, M. McGregor, qui a été conseiller en matière de renseignement au sein de la division fédérale des Crimes graves et Crime organisés de la Police fédérale (CGCOPF), souligne le rôle de la criminalité transnationale organisée dans la stratégie de guerre hybride de la Chine. Cela inclut le trafic de fentanyl et d’autres stupéfiants, ainsi que la collaboration avec des entités criminelles telles que les cartels et le Hezbollah.
Il ajoute que le crime organisé joue un rôle crucial dans le financement des opérations secrètes du PCC, notamment par le blanchiment d’argent dans les casinos. M. McGregor relève également un défi de taille dans la lutte contre ces organisations criminelles : une fois identifiées, elles sont supprimées ou entrent dans la clandestinité. Devenant plus discrètes, suivre leurs activités devient plus difficile.
Infiltration des services de police
M. McGregor se dit préoccupé par l’infiltration du PCC dans les institutions policières canadiennes, qui permet au régime communiste de s’attaquer à l’autorité des services de police canadiens.
Il réitère des préoccupations qu’il a déjà exprimées dans une interview accordée à Epoch Times US, concernant la naïveté du Canada en la matière. Cela s’illustre par le partenariat entre le Justice Institute of British Columbia (JIBC) et le Bureau de la sécurité publique de la Chine pour la formation de la police chinoise dans la province. Ce programme a débuté au début de la dernière décennie et s’est achevé en 2019.
« La question était de savoir pourquoi. Parce que [le taux de condamnation est] de 99,9% en Chine. Qu’allez-vous apprendre? Les droits de l’homme ne sont pas un sujet très important en Chine à l’heure actuelle. Cela n’avait donc pas beaucoup de sens », déclare M. McGregor. À la suite d’une enquête plus approfondie, il affirme avoir identifié l’infiltration du PCC au sein du service de police de Vancouver et de la GRC.
Il illustre son propos par l’arrestation récente par les autorités américaines d’un individu qui aurait été lié à un poste de police chinois clandestin à New York et dont il s’est avéré qu’il avait reçu une formation au JIBC.
M. McGregor a également évoqué le cas de Cameron Jay Ortis, ancien directeur général du Centre national de coordination des renseignements de la GRC. M. Ortis a été arrêté en septembre 2019 et est jugé pour avoir apparemment divulgué des informations secrètes à une entité étrangère. M. McGregor a déclaré que cette affaire soulignait le manque relatif de capacité du Canada à contrer l’ingérence étrangère par rapport aux États-Unis.
« Comment pouvons-nous attendre de nos agences qu’elles fassent ce que font les États-Unis, alors que nous ne pouvons même pas contrôler notre propre personnel ou nos propres informations? », a-t-il dit. « Au Canada, il est déjà difficile de parler de cette question, car personne ne veut admettre [la réalité de ce problème] ou ne veut être exposé. »
Sensibilisation
M. McGregor s’est dit optimiste, car les Canadiens sont devenus plus conscients des opérations du PCC sur le sol canadien au cours de la dernière l’année.
« Je pense que l’opinion publique est le moteur du changement », déclare-t-il, ajoutant espérer que son livre attire davantage l’attention sur ce problème.
« Nous sommes déjà en guerre. Il s’agit d’une guerre hybride, mais qui peut facilement se transformer en conflit conventionnel. C’est ce qui me préoccupe, et je pense que les Canadiens sont en train de s’en rendre compte. »
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