Le PDG de BlackRock, Larry Fink, l’une des figures les plus puissantes de Wall Street et ardent défenseur des causes progressistes, a semblé faire marche arrière cette semaine dans son soutien au mouvement ESG (environnement, social et gouvernance), lorsqu’il a déclaré qu’il n’utiliserait plus ce terme.
« Je ne vais pas utiliser le terme ESG parce qu’il a été utilisé à mauvais escient par l’extrême gauche et l’extrême droite », a déclaré M. Fink aux participants du Festival des idées d’Aspen le 25 juin, ajoutant qu’il avait « honte de participer à cette conversation ». Il a également dénoncé les « attaques personnelles » qui ont été lancées en réponse à certaines de ses prises de position.
Toutefois, parmi ceux qui ont mené la charge contre les investissements politiquement orientés de l’ESG, nombreux sont ceux qui se méfient, et attendent de voir si BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde avec quelque 8.000 milliards de dollars de fonds, a réellement changé son fusil d’épaule ou s’il ne cherche pas tout simplement à donner une nouvelle image aux mêmes politiques.
« Je pense qu’il s’est attiré les foudres de certaines personnes », dit Jimmy Patronis, responsable financier de la Floride, à Epoch Times. « Il essaye peut-être de camoufler son message, car il y a eu des critiques. »
« Ce changement de rhétorique m’encourage ; cependant, ce sont les actions de BlackRock au fil du temps qui seront les plus révélatrices », a déclaré Marlo Oaks, trésorier de l’État de l’Utah, à Epoch Times. « Nous surveillons de près la façon dont BlackRock se comporte auprès des entreprises et la manière dont ils utilisent les votes par procuration ».
Le pouvoir du vote par procuration
Le vote par procuration permet à BlackRock d’exercer les droits de vote attachés aux actions des entreprises qu’elle gère. Actuellement, environ trois quarts des actions des sociétés américaines cotées en bourse sont détenues par des gestionnaires de fonds institutionnels sous la forme de fonds indiciels, de fonds communs de placement et de fonds de pension, et non par des investisseurs individuels.
Cette situation confère aux gestionnaires de fonds tels que BlackRock, Vanguard et State Street, les « trois grands », un pouvoir et une influence considérables sur les entreprises. En raison de la popularité de ses fonds indiciels, par exemple, Vanguard est le principal actionnaire de 330 des entreprises de l’indice S&P500.
On pense parfois que le mouvement ESG tient à distance ces entreprises peu recommandables que sont les compagnies pétrolières, gazières et charbonnières. Mais en réalité, les gestionnaires progressistes exercent très souvent une influence notable sur celles-ci. Leur stratégie d’influence consiste à acheter et à conserver des actions en nombre important, et à utiliser leur droit de vote au conseil d’administration de l’entreprise. L’un des cas les plus médiatisés a été celui d’Exxon Mobil, dont le vote des actionnaires en 2021, soutenu par les « trois grands », a permi de faire entrer des défenseurs du climat au conseil d’administration et à inciter la compagnie pétrolière à investir dans l’énergie éolienne et solaire au détriment des combustibles fossiles.
« Nous avons suivi les votes par procuration de BlackRock de près cette année », a déclaré Derek Kreifels, PDG de la Fondation des agents financiers de l’État, à Epoch Times. « Son comportement [de M. Fink] n’a pas changé. Il essaie toujours d’imposer des comportements aux entreprises dans lesquelles il investit ».
Lors d’une conférence du New York Times en 2017, M. Fink avait déclaré qu’en ce qui concerne l’ESG et la diversité, « il faut forcer les comportements, et chez BlackRock, nous forçons les comportements. »
En tant que gestionnaire de fonds indiciel, a-t-il ajouté, « nous sommes les détenteurs ultimes à long terme ; il faut que nous détenions toutes les entreprises qui font partie d’un indice. Si vous êtes un gestionnaire actif et que vous n’aimez pas une entreprise, vous pouvez la vendre. »
« Mais je ne veux pas vendre », a-t-il ajouté. « Et comme je n’ai qu’un seul pouvoir et je vais l’utiliser à fond. Et ce pouvoir, c’est celui du vote ».
« Seul l’avenir nous le dira, mais je suis très sceptique et je ne suis pas sûr qu’il s’agisse d’un changement d’avis sincère », a déclaré Will Hild, directeur exécutif de la Consumers’ Research et critique fréquent des investissements ESG, à Epoch Times. « Larry s’est tellement vanté d’être capable de peser de tout son poids vu la quantité d’argent qu’il gère ».
« Je ne suis pas surpris qu’ils aient abandonné le terme [ESG] », a déclaré M. Hild. « C’est leur réaction typique face aux critiques. Ils disent une chose un jour, puis une autre le lendemain, en fonction de leur interlocuteur. »
M. Fink s’est rendu célèbre par la lettre annuelle qu’il adresse aux chefs d’entreprise, et dont plusieurs ont porté sur les questions ESG et la transition énergétique en vue d’abandonner les combustibles fossiles, quand bien même ces questions sont largement absentes de la lettre pour 2023. Dans une interview accordée le 7 juin à The Australian, M. Fink a déclaré : « mes lettres ont été utilisées [contre nous] ».
« Lorsque j’ai écrit ces lettres, je n’ai jamais eu l’intention de faire de la politique », a-t-il déclaré. « Chaque lettre a été écrite à nos clients et à nos actionnaires avec l’idée que nous essayons d’être la voix du long terme. »
Dans une interview accordée le 8 juin à l’Australian Financial Review, il a indiqué que si la campagne anti-ESG des états conservateurs aux Etats-Unis a causé le retrait d’environ 4 milliards de dollars d’actifs des fonds BlackRock, ce montant n’est pas grand chose par rapport aux 400 milliards de dollars de nouveaux apports provenant d’autres sources, ce qui, selon BlackRock, témoigne de la confiance que les investisseurs accordent à l’entreprise.
Dans sa lettre pour 2023, M. Fink écrit que « pour garantir la continuité de prix énergétiques abordables pendant la transition, les combustibles fossiles comme le gaz naturel, avec des mesures prises pour atténuer les émissions de méthane, resteront des sources d’énergie importantes pour de nombreuses années à venir ». BlackRock investit également, pour le compte de ses clients, dans des gazoducs gérés de manière responsable ».
L’ESG en perte de vitesse
Bien que l’investissement ESG demeure une tendance populaire parmi les gestionnaires de fonds, passant de 19.000 milliards de dollars d’actifs en 2014 à 67.000 milliards de dollars prévus en 2023, l’année dernière a été marquée par quelques revers. Un certain nombre d’états, dont l’Utah, le Kentucky, la Virginie-Occidentale, l’Arkansas, le Montana, le Texas et la Floride, ont pris des mesures pour empêcher que l’argent des retraites publiques soit utilisé pour soutenir l’ESG, et les procureurs généraux des états conservateurs ont lancé des enquêtes antitrust.
En outre, des employés de la ville de New York, dont un enseignant et un opérateur de métro, ont porté plainte contre les gestionnaires des fonds de pension municipaux, leur reprochant d’avoir fait baisser le rendement de leurs fonds de pension en raison d’investissements ESG, généralement moins rentables. De nombreuses sociétés financières et entreprises se sont lancés dans divers clubs climatiques activistes lorsque l’ESG était à son apogée, mais cette année, on a assisté à un certain nombre de retraits importants.
Vanguard s’est retiré de l’initiative Net Zero Asset Managers (NZAM) parrainée par l’ONU en décembre 2022, et depuis le début de l’année, la moitié des membres de la Net Zero Insurance Alliance (NZIA) ont quitté le club. Les assureurs s’inquiètent notamment de possibles procès antitrust, car l’action coordonnée de leurs membres pour cibler des industries telles que les combustibles fossiles pourrait très probablement s’avérer illégale au regard de la législation antitrust américaine.
« Je pense que nous ne sommes qu’au début de la lutte contre l’ESG », a déclaré M. Hild. « Mais les consommateurs et les citoyens américains doivent être confiants car ces changements positifs se sont produits en très peu de temps ».
Lors du Festival des idées d’Aspen, M. Fink aurait été pressé de clarifier ce qu’il entendait par « honte » en ce qui concerne l’ESG.
« Je n’ai jamais dit que j’avais honte », aurait-il répondu. « Je n’ai pas honte. Je crois en un capitalisme consciencieux ».
L’état de Floride a désinvesti 2 milliards de dollars des fonds BlackRock en 2022, en expliquant que la priorité absolue devrait être accordée aux bénéfices des investissements et non à la politique.
« Pour moi, il a toujours été question de rendement », a déclaré M. Patronis. « Lorsque vous considérez la responsabilité de M. Fink, qui utilise les milliers de milliards de dollars qu’il a à sa disposition pour essayer d’influencer la politique, alors même que cet argent ne lui appartient pas. Il appartient aux gens qui sont en première ligne, aux retraités, à ceux qui essaient de se préparer un avenir en toute sérénité ».
« Je place BlackRock dans la même catégorie que Budweiser avec Bud Light », a-t-il ajouté. « Ils ont oublié qui étaient leurs clients, et maintenant ils se lancent dans la politique et se retrouvent dans une situation délicate. »
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