Le Grand Palais consacre une première grande exposition en France à l’un des piliers de l’Histoire de l’art, Diego Rodríguez de Silva y Velázquez. Nommé par Manet «peintre des peintres», Diego Velázquez a influencé des générations de peintres jusqu’à aujourd’hui.
Velázquez a produit très peu de tableaux et la plupart se trouve au musée du Prado qui ne prête en général que sept tableaux du peintre à la fois. Cela a posé un vrai défi à l’organisation de cette exposition. En collaboration avec le musée du Louvre et le Kunsthistorisches Museum de Vienne, l’exposition présente un riche panorama de l’œuvre du peintre comprenant la plupart de ses chefs -d’œuvre.
Cependant, Les Ménines, son chef-d’œuvre le plus connu, et sans doute l’une de toiles les plus commentées et reproduites dans l’Histoire de l’art en Occident, ne figure pas dans l’exposition. Considérée comme un monument d’Espagne, au même titre qu‘une cathédrale, il faut la visiter sur place, «les monuments, on va à eux», explique le commissaire Guillaume Kientz. L’œuvre est donc restée au Prado. Pour les mêmes raisons, La Reddition de Breda n’est pas non plus au rendez-vous. En revanche, des œuvres récemment découvertes, telles que L’Éducation de la Vierge, sont exposées pour la première fois.
Parmi la cinquantaine d’œuvres exposées, le visiteur trouvera d’autres chefs-d’œuvre connus et admirés parmi lesquels La Forge de Vulcain, La Loggia, une petite toile exécutée à coups de brosses impressionnistes pendant son premier séjour en Italie. On trouvera aussi les portraits des enfants de la famille royale comme Portrait équestre de l’infant Baltasar Carlos sur son poney et Portrait de l’infante Marguerite en bleu, ou d’autres portraits remarquables comme celui du pape Innocente X à la vue duquel le pape s’exclama: «trop vrai» et qui inspira à Francis Bacon une série d’une quarantaine de variantes cauchemardesques.
Le visiteur pourra également admirer La Vénus au miroir, attaquée et déchirée en 1906 avec un hachoir par Mary Richardson, une suffragette qui désirait détruire «la plus belle femme» et empêcher les hommes de la contempler.
Le siècle d’or
Au XVIIe siècle, l’Espagne connaît plusieurs échecs politiques et perd de son hégémonie sur l’Europe catholique. Elle perd les territoires catalans situés au nord des Pyrénées ainsi que le Portugal et les Pays-Bas protestants qui deviennent indépendants. Cependant, le XVIIe siècle fait partie du Siglo de Oro ou Siècle d’or, une époque où l’Espagne jouit d’une suprématie culturelle en Europe.
En 1600, Séville est la ville la plus importante d’Espagne. Ouverte sur les Flandres, l’Afrique et l’Italie, l’Espagne accueille une population cosmopolite attirée par l’or et autres nouveautés arrivant du Nouveau Monde. Séville devient la capitale économique et culturelle de l’Empire et la quatrième ville la plus peuplée en Europe. Cette époque est caractérisée par la renaissance d’un humanisme, le développement des arts et des lettres, et influencée également par la présence de Don Gaspar de Guzmán, futur comte-duc d’Olivares et l’homme le plus fort d’Espagne qui dictera au roi ses pas. Proche du milieu artistique, Gaspar de Guzmán fera venir Diego de Velázquez à Madrid, pour qu’il tente sa chance auprès du roi.
De Séville à la cour royale
Diego Rodríguez de Silva y Velázquez voit le jour dans une famille bourgeoise à Séville en 1599.
Il débute son apprentissage artistique chez Francisco Herrera puis le quitte pour le peintre Francisco Pacheco, un admirateur de Raphaël qui poussera pourtant ses élèves à peindre d’après nature plutôt que de suivre la beauté idéale du maître italien. Il épousera la fille de Pacheco et connaîtra les personnalités renommées de Séville.
Ces années de Velázquez à Séville sont caractérisées par la quête d’un naturalisme vif, de personnages aux expressions fortes, de saints aux visages tangibles ainsi que de types populaires qu’il voit dans les tavernes. Il excelle dans les bodegones, un genre désignant les natures mortes liées aux tavernes et à la cuisine, né en Espagne dans la veine du roman picaresque.
Après avoir bénéficié d’une réputation dans sa ville natale, Velázquez part à Madrid pour s’approcher de la cour, mais sans succès. C’est le comte-duc d’Olivares qui l’appelle. Vélasquez est nommé peintre du roi en 1623. Il devra refroidir son naturalisme et l’influence caravagesque pour s’adapter au mieux à la tradition du portrait de la cour espagnole.
Il servira Philippe IV pendant 40 ans et celui-ci lui octroiera son titre de noblesse, Hidalgo, en 1659.
En Italie et de retour
À Madrid, il rencontre Pierre Paul Rubens qui persuade le roi de le laisser partir en Italie, où il verra enfin les tableaux des maîtres italiens. À Rome il peint Vue des jardins de la villa Médicis, dit La Loggia ou Le Milieu du jour (1630), La Forge de Vulcain (1630) où l’effarement sur le visage du forgeron et la posture de son corps donnent une vivacité étonnante au tableau, ainsi que La Tunique de Joseph (1630) inspiré par la lumière et les couleurs chatoyantes de la peinture vénitienne.
À son retour, il peint l’infant Baltasar Carlos, l’espoir du trône, qui mourra cependant à 16 ans, et l’infante Marie-Thérèse, future femme de Louis XIV – dont la cérémonie de mariage sera supervisée et conçue par Velázquez lui-même en 1660, ou encore le visage emblématique de l’infante Marguerite. Les futurs fiancés royaux se faisaient dessiner au fil des années et envoyaient leurs portraits à leur futur époux. Ainsi, nous avons la possibilité de les voir tour à tour grandir, malheureusement, souvent pas pour longtemps, suite aux maladies dues aux mariages consanguins.
En 1648, Velázquez repart en Italie, cette fois-ci non pour se perfectionner mais pour enrichir la collection de Philippe IV, en tant que conservateur. Artiste avant tout, il trouve néanmoins le temps de peindre quelques portraits remarquables, notamment celui du pape Innocente X et probablement La Venus au miroir.
En 1652, il est nommé maréchal de palais et tient un grand atelier. En 1656, il peint Les Ménines, son ultime chef-d’œuvre qualifié par le peintre Luca Giordano de «théologie de la peinture».
Suite
Velázquez n’a jamais fondé d’école. Cependant nombreux sont les peintres, de son vivant ou après sa mort, qui font référence à son œuvre ou se sont inspirés d’elle. Nommés les Velazqueños, on trouve entre autres son gendre Juan Bautista Martínez del Mazo, l’Italien Pietro Martire Neri et l’esclave affranchi et collaborateur de Velázquez, Juan de Pareja. Reconnaissant leurs limites techniques, ses successeurs préfèrent des solutions plus faciles que celles proposées par le maître.
Portraitiste avant tout
Velázquez excellait dans les peintures du genre historique, dans les natures mortes et les paysages. Saint Antoine abbé et Saint Paul ermite au désert (1633-1634), un tableau dans lequel saint Antoine apparaît dans cinq moments différents, en témoigne.
Mais Velázquez est avant tout le maître du portrait. C’est un portrait qui lui a ouvert la porte de la cour et qui a fait de lui le peintre du roi et c’est encore un portrait qui lui a donné une renommé intemporelle. Si les somptueux portraits de la famille exigent certaines contraintes, Velázquez cherche l’innovation dans les portraits de bouffons, de nains ou d’artistes. Le Portrait de Pablo de Valladolid (vers 1635) qui a inspiré Monet surprend par son effet 3D. Sans doute un comédien, Pablo de Valladolid, vêtu d’un costume de velours noir et d’une cape qu’il tient d’une main alors qu’il tend l’autre, surgissant d’un fond neutre, a l’air de sortir de la toile, de bouger, de nous parler. Ses personnages semblent vrais et ont une plasticité sans égale. Leur caractère doux, méchant ou orgueilleux, ainsi que leurs émotions nous sont révélés sans partialité, qu’il s’agisse du pape ou d’un bouffon. Ses saintes, ses femmes sorties de la mythologie, déesses ou sybilles, suscitent le mystère dans leur aspect humain. Ainsi, son Allégorie Féminine semble si charnelle et sa Vénus a une chevelure brune et un visage flou que le spectateur ne peut que deviner dans le miroir qu’elle regarde. Ce miroir qui revient dans Les Ménines où tous les regards absents et présents, réels et illusoires, s’entrecroisent. Toujours le regard, le regard pénétrant, le regard absent, le regard de l’objet peint, le regard du peintre, le regard du visiteur, le regard qui invite à pénétrer dans la scène, le regard qui survole les contours, tous ses regards tourbillonnants ne font que confirmer le génie du maître.
INFOS PRATIQUES
VELAZQUEZ, GALERIES NATIONALES DU GRAND PALAIS
entrée Clemenceau, Paris VIIIe.
Renseignements et réservations: www.grandpalais.fr.
Horaires d’ouverture
Ouvert tous les jours
(sauf le mardi )de 10h à 22h
dimanche et lundi de 10h à 20h
Jusqu’au 13 juillet.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.