Le président suisse, Alain Berset, défendra en personne mardi la reprise in extremis du Credit Suisse par sa rivale UBS devant les parlementaires réunis en session extraordinaire pour tenter de comprendre les ramifications d’un effondrement qui secoue le pays.
Cette session extraordinaire de trois jours a été convoquée à la demande de députés, qui comme les actionnaires des deux géants bancaires, ont été mis devant le fait accompli.
L’argument du gouvernement fédéral, à la manœuvre pendant le week-end fatidique du 19 mars, est qu’il fallait agir vite et de manière décisive pour empêcher une catastrophe. « L’alternative aurait été une faillite de Credit Suisse le lundi matin, accompagnée d’un probable effondrement de l’économie suisse », n’a pas hésité à affirmer Karin Keller-Sutter, la ministre des finances dans un entretien au quotidien Le Temps.
109 milliards de francs entre les garanties et les liquidités
À l’ordre du jour de cette session extraordinaire : les garanties accordées pour organiser le sauvetage, l’examen « d’une possible action en justice à l’égard des organes dirigeants de Credit Suisse » ou encore de la réglementation des banques considérées comme trop grosses pour les laisser faire faillite.
Credit Suisse – comme UBS – appartiennent à ce club fermé de trente banques dans le monde, mais les autorités ont préféré un rachat pur et simple pour la somme symbolique de 3 milliards de francs et avec de solides garanties financières pour convaincre UBS.
Quelque 109 milliards de francs ont été promis, entre les garanties de la Confédération et les liquidités mises à disposition par la banque centrale. Dans l’urgence, la délégation des finances du Parlement avait donné son feu verts pour débloquer ces fonds mais sans véritable débat.
Colère et inquiétude devant ce nouveau mastodonte bancaire
Ce rachat a suscité la colère de tous les partis politiques, d’autant que la Confédération avait déjà dû voler il y a 15 ans au secours, cette fois, d’UBS lors de la crise financière de 2008. Et il suscite aussi l’inquiétude sur le poids qu’occupera le nouveau mastodonte bancaire né du mariage forcé du numéro un et deux du secteur dans l’économie suisse. Une situation sans précédent. L’UDC, la droite radicale et premier parti du pays, a exigé que la réglementation concernant les banques trop grosses pour faire faillite soit renforcée et que le gouvernement s’engage à demander des comptes aux dirigeants de Credit Suisse mais aussi à réclamer le remboursement de bonus injustifiés.
Le gouvernement a pris les devants pour calmer la colère en privant les plus hauts dirigeants de Credit Suisse de leurs bonus et prime 2022 et 2023. Tout en considérant ce rachat comme la moins mauvaise des solutions, le Centre, (droite modérée) demande pour sa part à clarifier les risques qu’engendrent la création d’une banque de cette taille. Les Verts veulent de leur côté que la Confédération évalue l’opportunité de traduire en justice les dirigeants de Credit Suisse pour rendre des comptes.
Cette fusion suscite de vives inquiétudes, tant pour l’emploi, en raison des doublons dans leurs activités, que pour le financement des PME ou les hypothèques, avec la diminution de la concurrence bancaire en Suisse. Interpellé par les parlementaires, le gouvernement suisse s’est engagé jeudi à publier un rapport d’ici un an sur ce rachat. Les élus exigeaient que le gouvernement clarifie le rôle, entre autres, de la hausse des taux d’intérêts, du courtage à haute fréquence et du négoce spéculatif de produits dérivés dans la chute de Credit Suisse.
Une décision irrévocable du Conseil fédéral
Lors de cette session, les parlementaires devront notamment avaliser les garanties de la Confédération sur les prêts de la banque centrale, mais ce vote « n’a qu’une valeur symbolique », insiste Samuel Bendahan, député socialiste et professeur d’économie à HEC Lausanne, interrogé par l’AFP.
« Le Parlement ne peut pas annuler la décision du Conseil fédéral (gouvernement) », prise en invoquant « le droit d’urgence », argumente-t-il, et « l’argent a de toute façon déjà été débloqué », ajoute-t-il. « Le Parlement ne peut que donner un signal pour dire que la prochaine fois, ça ne se passera pas comme ça », constate le député. Il espère cependant que cette session permettra « de voter des textes contraignants pour qu’on se retrouve pas à nouveau dans cette situation dans dix ans ».
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