Quel est le cartel industriel le plus puissant et le plus profitable du monde ? Mettons d’ors et déjà de côté l’industrie pharmaceutique, qui connaît une intense concurrence quand il s’agit de produire des médicaments. Cette industrie est certes un gâchis corporatiste extrêmement rentable, mais il ne s’agit pas d’un cartel à proprement parler.
En fait, et jusqu’à une date relativement récente, il y avait une institution qui cochait toutes les cases : l’industrie du diamant, notamment par le biais de la société sud-africaine DeBeers Consolidated Mines. Pendant la majeure partie du XXe siècle, DeBeers a contrôlé parfois plus de 90 % du marché mondial des diamants, un monopole qui s’est traduit par un niveau incroyable de corruption, de pots-de-vin et même de guerres.
Mais ce monopole a été mis à rude épreuve au début de ce siècle, car le cartel n’a pas réussi à mettre en place les divers réseaux de distribution au Canada, aux États-Unis et ailleurs dont il avait besoin, en partie à cause de la pression exercée par le commerce en ligne mais aussi à cause de la volonté inébranlable du marché de briser ce type de monopole industriel surpuissant.
Au début de l’année dernière, le marché du diamant a connu une chute spectaculaire dans un contexte d’inflation mondiale généralisée, et les prix ont atteint leur niveau le plus bas depuis 14 ans. DeBeers a donc cherché à restreindre délibérément l’offre afin de stabiliser le marché, ce qui a eu l’air de fonctionner puisque la production est aujourd’hui reparti à la hausse.
Et pourtant, cela ne suffira pas : les cinq prochaines années verront une chute vertigineuse des prix, et il y a une raison toute simple à cela : les diamants produits en laboratoire.
Je suis allé chez Macy’s, le grand magasin sur la 5e avenue à New-York, et j’ai été frappé de voir un étalage complet de diamants de laboratoire, plus en vue encore que les diamants dits naturels. J’étais épaté par leur beauté. Je ne suis pas un spécialiste, mais je dois reconnaître qu’ils étaient spectaculaires. La vendeuse m’a d’ailleurs confirmé qu’elle voyait beaucoup plus d’intérêt pour ces produits que pour les diamants traditionnels.
Et le prix ? Pour l’instant, dans les points de vente, ils sont 40 % moins chers que les diamants ordinaires. Mais dans certains cas le prix peut être inférieur de 60, voire 90 %. Et pourtant, le marché est à peine mature. Les diamants arrivent sur le marché comme jamais auparavant, et il semblerait qu’ils soient là pour durer.
En 2019, le Gemological Institute of America (GIA) a décidé de ne plus utiliser le terme « synthétique » pour parler de ce type de diamants, car c’est selon eux inexact. Selon le GIA, « les diamants produits en laboratoire ont essentiellement les mêmes propriétés chimiques, optiques et physiques et la même structure cristalline que les diamants naturels. Comme les diamants naturels, ils sont constitués d’atomes de carbone étroitement liés. Ils réagissent à la lumière de la même manière et sont aussi durs que les diamants naturels. Les principales différences entre les diamants élaborés en laboratoire et les diamants naturels résident dans leur origine. Pensez-y de la manière suivante : les diamants produits en laboratoire sont comme la glace de votre réfrigérateur, tandis que les diamants naturels sont comme la glace d’un glacier. Ils sont tous deux de la glace, mais leur histoire de formation et leur âge sont très différents ».
L’abandon de ce simple mot semble avoir fait des diamants produits en laboratoire d’authentiques produits de luxe. Il paraît même qu’ils sont plus respectueux de l’environnement que les diamants créés dans la nature.
La Commission américaine du commerce a elle-aussi estimé que ces produits devaient être considérés comme des diamants à part entière. Cette reconnaissance a provoqué un changement spectaculaire dans l’industrie. Les ventes mondiales de diamants produits en laboratoire ont atteint 12 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 38 % par rapport à l’année précédente.
CBC News rapporte que « la croissance rapide a attiré l’attention des géants de la bijouterie comme Pandora ou Swarovski, qui ont lancé leurs propres lignes de diamants de laboratoire. Les marques de luxe commencent à adopter les pierres créées, Prada les introduisant dans sa dernière collection de haute joaillerie. Les pierres précieuses apparaissent également sur les tapis rouges, brillant de mille feux lorsqu’elles sont portées par des célébrités telles que Taylor Swift, Jennifer Lopez et Pamela Anderson ».
En ce qui me concerne, tous les prétextes sont bons pour se réjouir de la bonne santé des marchés, et c’est le cas du diamant de laboratoire. Pendant près d’un siècle, les diamants ont été la marchandise de cartel la plus surestimée au monde, grâce à un marketing ingénieux (« Un diamant est éternel » comme dit DeBeers), sans oublier la chanson de Marylin Monroe (« Diamonds are a girl’s best friend », les diamants sont les meilleurs amis d’une fille), une des chansons les plus connues de ce siècle.
Les diamants ont été associés aux alliances de mariage, bien qu’il n’y ait aucun précédent historique à cet égard et que les prix aient mis les jeunes hommes sur la paille pendant de nombreuses générations.
En fait, l’alliance en diamant a inversé l’ancienne tradition de la dot, qui consistait à ce que la famille de la mariée verse une somme d’argent au marié. L’idée était de rendre les filles plus attractives sur le marché du mariage et cela voulait souvent dire que la famille nouvellement formée possédait un patrimoine nouveau au tout début de l’union.
Mais cette alliance en diamant, les choses se sont inversées : c’est le marié qui entrait dans le mariage avec de nouvelles dettes qu’il allait devoir rembourser, et que le fait d’avoir des enfants, une autre voiture et une maison ne ferait qu’aggraver. Bref, ce n’est pas un bon départ dans la vie.
A ce titre, le diamant créé en laboratoire réduit considérablement la pression et permet à la mariée de porter une pierre d’une taille magnifique pour une fraction du prix. Vous bénéficiez donc d’un statut élevé sans avoir à vous endetter lourdement.
Cette évolution a plongé DeBeers et l’ensemble du secteur dans une crise existentielle, portant ce qui pourrait être le coup de grâce à ces grandes banques que sont la Lloyd’s of London et la famille Rothschild, qui ont longtemps contrôlé le commerce international de diamants par l’intermédiaire de DeBeers. Dans quelques années, les diamants naturels seront contraints de céder sur leurs prix, et cette fois les petites astuces qui consistent à restreindre l’offre ne seront plus très efficaces, car de plus en plus de laboratoires se lancent désormais dans la production de diamants.
Mon propre mentor, Murray Rothbard, se réjouirait en ce moment même. Il écrivait en 1992 : « En Afrique du Sud, le principal centre de production mondiale de diamants, il n’y a jamais eu de libre entreprise dans l’exploitation des mines de diamants. Le gouvernement a depuis longtemps nationalisé toutes les mines de diamants, et quiconque trouve une mine de diamants sur sa propriété découvre qu’elle devient immédiatement la propriété du gouvernement. En bref : le cartel international du diamant ne s’est maintenu et n’a prospéré qu’avec le soutien du gouvernement sud-africain ».
La prédiction de Rothbard d’un effondrement à long terme de ce marché en raison de nouvelles pressions s’est avérée remarquablement prémonitoire. Grâce à la technologie et à la baisse des coûts de production, il semble que le rêve devienne enfin réalité. Les diamants pourraient bientôt être à la portée de tous les budgets, certains prédisant que les prix pourraient tomber à 100 dollars, voire 10 dollars par carat. Quel monde merveilleux ce serait !
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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